Bienvenue dans un monde idéal,
ou Les tribulations d’un Intendant chez Courteline
Dans un monde idéal, le jeune fonctionnaire, fraîchement nommé après son concours, bénéficie d’une pré-formation d’adaptation à l’emploi, avant d’être affecté sur son poste, tout comme l’étaient les enseignants à l’époque glorieuse de l’école normale et de l’IUFM ;
dans un monde idéal, cette formation organisée par l’autorité de tutelle, n’intervient pas pendant son temps de présence théorique sur son service, rendant encore plus difficile l’intégration sur son lieu de travail ;
dans un monde idéal, et afin que chacun soit employé au mieux de ses compétences, une partition en métiers bien distincte est réalisée. Il ne viendrait bien sûr à l’idée de personne d’attribuer une classe de physique nucléaire à un enseignant de philosophie, même si ça peut amuser l’enseignant (tout comme les élèves eux-mêmes, mais seulement pour un temps). Un métier de gestion/finances n’a que peu de choses à voir avec de la gestion administrative, de ressources humaines ou d’examens… ;
dans un monde idéal, et dans la même perspective, les inévitables absences pour maladie sur une zone définie, peuvent être suppléées par des équipes de titulaires-remplaçants formés sur le métier, et immédiatement opérationnels pour occuper le poste devenu vacant ;
dans un monde idéal, les postes les plus durs, ceux où personne ne souhaite aller et qui sont sinistrés, bénéficient de réelles bonifications d’ancienneté ou indiciaires, afin d’assurer partout sur le territoire un fonctionnement optimal des services ;
dans un monde idéal, les responsabilités d’encadrement sont clairement énoncées, et chacun est maître dans son domaine. Les fonctionnaires territoriaux encadrent des personnels territoriaux, et les personnels d’Etat d’autres personnels d’Etat. Il serait inopportun que la chaîne de responsabilité soit cassée à de multiples reprises, et que chacun se mêle des tâches effectuées par d’autres, pour lesquelles ils n’ont aucune relation hiérarchique (en théorie tout du moins) ;
dans un monde idéal, et en conséquence de ce qui précède, rendre compte à des autorités dont on ne dépend pas, mais à qui il est indispensable de compléter de multiples enquêtes (souvent les mêmes, mais à des services différents, qui ne communiquent pas entre eux), est évidemment inconcevable ;
dans un monde idéal, les compétences réelles sont reconnues à leur juste valeur, et l’adjoint (quel qu’il soit) n’est pas seulement un secrétaire chargé de la paperasse désagréable, ou un super agent-chef mobilisable pour tout motif, mais un véritable bras droit, et considéré comme tel ;
dans un monde idéal, les tâches effectuées sont payées à leur juste valeur. Les revalorisations indemnitaires ne sont pas obtenues exclusivement par la lutte ou le conflit, et ne sont pas des restes jetés en pâture aux gueux afin simplement de continuer à garantir le fonctionnement du système, mais l’expression programmée d’une véritable gestion des ressources humaines, permettant à tous d’obtenir une récompense en fonction de ses mérites réels, et des responsabilités assumées ;
dans un monde idéal, à grade et fonction identique, la reconnaissance financière est la même en tout lieu de l’hexagone ;
dans un monde idéal, le fonctionnaire expérimenté (mais usé) ne compte pas les trimestres qui le séparent de sa retraite, en voyant celle-ci s’éloigner inexorablement, au fur et à mesure du temps qui passe, en même temps que l’augmentation de la durée des cotisations qui lui sont exigées ;
dans un monde idéal, s’engager dans un métier signifie avoir la protection et la reconnaissance de ses pairs, servir une cause commune et une communauté, où chacun peut trouver sa place, de la plus modeste à la plus élevée.
Ne rêvons pas d’un monde idéal. Bâtissons-le.