31 mars 2022 Lire en ligne ▸

Lettre d’information n°47 – 31 mars 2022

Au menu de cette lettre d’information d’Action & Démocratie

 

      • L'école, une institution asphyxiée par la réforme
      • La déconsidération du métier de professeur
      • Numérique : sommes-nous déjà aveugles ?

Avec ce numéro de notre Lettre d’information, prenons le temps de la réflexion.

1/ L’école, une institution de la République asphyxiée par la réforme

Par René Chiche, membre du BN d’Action et Démocratie (article publié initialement par Marianne dans son numéro spécial éducation de septembre 2021 et reproduit ici avec son autorisation)

En 1985, il n’existait ni Conseil supérieur de l’éducation, ni Conseil d’évaluation du système scolaire, ni Conseil supérieur des programmes, ni Conseil scientifique. On écrivait encore à la craie sur des tableaux noirs, et l’on se plaignait déjà de la baisse du niveau. Le brevet des collèges, supprimé depuis longtemps, allait être rétabli l’année suivante, tout comme la cérémonie de remise des prix du Concours général en Sorbonne, et l’on devait attendre d’avoir obtenu son baccalauréat pour aller s’inscrire en faculté en faisant la queue. En 1985, le taux de réussite à ce diplôme était d’environ 67% (identique à celui de 1970) tandis que 30% d’une classe d’âge gagnait par ce moyen le droit de poursuivre des études supérieures (contre seulement 20% en 1970). Que de changements depuis ! Le pourcentage de bacheliers au sein d’une génération s’élève aujourd’hui à 83%. Quant aux taux de réussite de la session 2021, ils sont proches de 98% dans la voie générale, 94 % dans les séries technologiques et 87 % pour le baccalauréat professionnel. Ces progrès laissent rêveurs : si un gouvernement pouvait exhiber des chiffres aussi flatteurs dans n’importe quel autre domaine où s’exerce l’action publique, on ne tarirait pas d’éloges envers les auteurs de tels exploits qui ne manqueraient pas non plus de s’en attribuer le mérite. Et pourtant, personne n’ose plus se réjouir de résultats qui, années après années, n’ont cessé de battre des records. Les gouvernements successifs eux-mêmes, de droite aussi bien que de gauche, s’abstiennent d’en faire usage pour vanter l’efficacité de leurs politiques éducatives, ces dernières étant dorénavant jugées à l’aune de tests internationaux à la méthodologie douteuse.

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2 / La déconsidération du métier de professeur

Par Laurent Bouvier, membre du BN d’Action et Démocratie

Malgré les avantages qu’il accorde encore, au premier rang desquels il faut mettre la possibilité d’organiser à sa guise son temps de travail en dehors des heures de cours devant les élèves et de la participation aux réunions réellement obligatoires, le métier de professeur est de plus en plus déconsidéré. C’est un fait, incontestable, dont souffrent beaucoup d’enseignants, en silence pour nombre d’entre eux, mais pas pour tous. Les échanges en salles de professeurs, les discussions en famille et surtout les épanchements de plus en plus fréquents sur les réseaux sociaux le montrent.

La parole se libère et, avec elle, une cause à cette déconsidération est pointée du doigt : la dévalorisation salariale du métier que d’aucuns font remonter au gel quasi permanent du point d’indice de la fonction publique depuis 2010, mais qui en réalité date du décrochage du point d’indice par rapport à l’inflation en 1982. Bernard Schwengler l’a montré avec précision dans un livre intitulé « Salaires des enseignants. La chute » paru en début d’année : le salaire d’un certifié avec 10 ans de carrière a baissé de 20 % entre 1982 et 2018, celui d’un professeur des écoles de 8 %.

Les chiffres sont là et la réalité qui en découle, à savoir le déclassement salarial de la profession puisque le salaire moyen ne cesse de progresser en France, est durement ressenti par les professeurs. Mais, à bien y réfléchir, nous ne sommes pas les seuls à être victime de cette évolution salariale. Elle concerne toute la fonction publique, même si elle a été en partie atténuée dans certains ministères par le renforcement du régime indemnitaire ! Pourtant, les contrôleurs des douanes par exemple, les agents des impôts ou encore les contrôleurs du travail n’éprouvent pas le même sentiment de déconsidération.

De même, en dehors de la fonction publique, beaucoup d’autres professions moins bien rémunérées que celle d’enseignant ne sont pas déconsidérées. Quelle personne aurait l’idée de toiser un ambulancier l’emmenant faire un examen médical dans un hôpital au prétexte qu’il gagne moins qu’elle ? On ne peut donc pas réduire les causes de la déconsidération réelle du métier de professeur à sa seule dévalorisation salariale

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3 / Numérique : sommes-nous déjà aveugles ?

Par Philippe Herr, membre du BN d’Action et Démocratie

Le numérique n'est pas qu'un outil : c’est maintenant un espace physique d'existence et de travail, et un espace mental qui reconditionne nos représentations, jusqu’aux capacités de notre imagination. Le numérique est devenu, par imposition, et non par choix démocratique, le champ de force dans lequel nous baignons tous. En tant qu'enseignants, devons-nous accepter les choses telles quelles, pour nos élèves et pour nous-mêmes ?

[…] Les enseignants sont donc entrés en concurrence avec les nouveaux dispositifs pédagogiques issus du numérique, défi qu’ils ne se sont pas eux-mêmes lancé, mais face auquel on les a placés. Une sélection est en train de s’opérer. Quant au numérique pédagogique issu des startups de la French Ed-tech, il est en réalité lui aussi inféodé à l’ascendant Microsoft, qui demeure le grand maître du jeu dans l’éducation nationale.

Les conséquences de cette concurrence objective et cruelle entre enseignants et dispositifs pédagogiques numériques seront énormes et participent des évolutions dont chacun s’aperçoit : fin prévisible du statut dont bénéficient les professeurs ; coupe sombre dans les effectifs, qui pourraient aboutir en 2030 à 25% d'enseignants en moins qu'en 2022 ; modification du profil du métier, qui d'enseignant se rapprochera de coach-animateur-facilitateur numérique.

[…] Heureusement, certains savent raison garder face à cette déferlante programmée du numérique dans l’éducation. C’est le cas d’Action & Démocratie, qui continuera à dénoncer cette dérive et qui agira par tous les moyens à sa disposition pour que la transmission des connaissances continue à se faire dans un face à face direct entre les élèves et leurs enseignants, dans des salles de classe réelles.

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Affilié à la CFE-CGC, Action & Démocratie est le syndicat qui défend et représente les personnels de l’éducation en tant que cadres et assimilés.

Notre organisation réunit professeurs des écoles, professeurs des collèges, des lycées généraux, technologiques et professionnels, professeurs de l'enseignement supérieur, professeurs documentalistes, personnels de vie scolaire, Psy-EN, AESH, personnels administratifs et également personnels de direction. Les spécificités de chacun y sont reconnues et respectées mais c'est en nous mettant ensemble que nous nous donnons les moyens de peser, d'enrayer la dégradation sans fin de nos métiers et de reconstruire une école digne de ce nom.

Vous êtes des cadres ! Rejoignez Action & Démocratie/CFE-CGC ! Notre syndicat est le vôtre : vous pouvez vous y impliquer de plusieurs façons, de la simple adhésion à l'exercice de responsabilités académiques ou nationales pour participer à la défense collective des intérêts matériels et moraux de chacun ainsi que de ceux de la profession tout entière.

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