Ni réformiste ni contestataire, juste pragmatique
Le projet de réforme des retraites qui sera présenté au Conseil d’Etat avant de l’être au Parlement est dépourvu de toute étude d’impact. Ce n’est pas une réforme aboutie mais un blanc-seing donné à tout gouvernement à venir pour faire des retraites une variable d’ajustement du budget. Il introduit, de fait, dans le système des retraites une incertitude permanente et structurelle. C’est donc bien la « philosophie » de cette réforme qui est inacceptable davantage que ses modalités, d’autant plus que celles-ci sont encore largement indéterminées (et sont même délibérément maintenues dans le flou, ce qui autorise n’importe quelles spéculations). Voilà pourquoi, après les 5 et 17 décembre, Action et Démocratie, qui n’est ni « réformiste » ni « contestataire » mais simplement pragmatique, appelle encore à la grève du 9 janvier et aux manifestations du 11 janvier dans le but de faire retirer ce projet et de le remettre entièrement en chantier sur des bases sérieuses et chiffrées.
Action et Démocratie laisse les postures à ceux que cela amuse et qui s’en contentent. Nous ne souhaitons pas prendre part au simple jeu de rôle consistant, pour les « contestataires », à tout bloquer pour le bénéfice d’une seule catégorie socio-professionnelle ou, pour les « progressistes », à orienter la contestation sur des sujets qui n’en sont pas afin de donner à bon compte l’impression d’avoir remporté une victoire : réduire le débat à la question de l’âge pivot pour sauver une réforme dont tous les autres aspects sont beaucoup plus inquiétants n’est que gesticulation pour amuser la galerie et occuper la scène médiatique.
Action et Démocratie refuse une réforme qui, dans son principe même, installe l’insécurité et l’instabilité au cœur du système de retraite. Un éventuel recul sur l’âge pivot ne changera rien à cela. On ne peut ni accepter ni même discuter un projet qui n’est lui-même qu’une coquille vide, une simple déclaration de principes dont les conséquences concrètes sont délibérément maintenues dans le flou et remises à plus tard, ce qui favorise les soupçons et rend toutes les inquiétudes légitimes. Malgré deux ans de prétendues « négociations » et « concertations », le projet du gouvernement en matière de retraites, aujourd’hui encore, une épure se bornant finalement à égrener des éléments de langage déguisés en principes consensuels (« l’universalité », « un euro cotisé donne le même droit à tous », etc.) dans le seul but de supprimer certains « régimes spéciaux » et sans aucun égard aux immenses dégâts collatéraux que cela peut causer dans de très nombreux secteurs, et en particulier dans celui de l’éducation. Le sujet des retraites ne peut être traité à la hussarde comme on a détruit à la hussarde le baccalauréat et en se rendant compte quelques temps après qu’il fallait « ajuster » la réforme parce qu’on avait sous-estimé ceci ou mal évalué cela. Si, après deux ans de « concertation », on n’est toujours pas capable de faire des simulations pour mesurer l’impact réel d’une « retraite par points », c’est que tout reste à faire ! Qui serait assez fou pour donner son accord à une réforme dont on ne peut évaluer concrètement les conséquences ? Et ceux qui se focalisent sur l’âge pivot en permettant qu’on ne discute pas du reste ont évidemment tort, car le problème des retraites doit être abordé dans toute sa dimension.
1) Les points :
L’équilibre du système de retraite serait assuré dans cette économie « constante » théorique où rien ne bougerait, aussi bien chaque année qu’à l’horizon de la vie de chaque personne. Les retraités de Suède et d’Allemagne ont déjà payé un lourd tribut au système par points (OCDE). Toutes les retraites seraient alors vouées à assurer l’équilibre financier du pays. Bilan négatif pour les enseignants et les administratifs de l’Education qui subissent déjà le « gel » du point d’indice : le gouvernement fixera la valeur du point selon des critères budgétaires (et le « gèlera » le cas échéant) tout en poussant les salariés à la capitalisation pour compenser l’inéluctable baisse des pensions produite par ce mode de calcul.
2) La prise en compte d’un calcul sur toute la carrière au lieu des 6 derniers mois fera forcément perdre une partie substantielle des échelons et grades acquis en fin de carrière. Bilan négatif pour les enseignants et les administratifs.
3) La prise en compte des primes dans le calcul annoncé : quelles primes ? Ce sont des primes qui restent à inventer pour l’éducation nationale, qui ne seront pas vérifiables ni pérennes, et qui seront données au bon vouloir des chefs d’établissement comme elles le sont déjà. Bilan négatif pour les enseignants et les administratifs.
4) La promesse d’une revalorisation du traitement des enseignants est un serpent de mer qui permet surtout au gouvernement de conditionner cette revalorisation à des changements d’obligation de service, son seul objectif étant d’imposer l’annualisation. Bilan : les enseignants risquent d’être perdants sur l’un et l’autre aspect de cette proposition
5) « Clause du grand père » : Seules les générations futures (ou celles nées à partir de telle année arbitrairement définie) seraient touchées par ces mesures ! Bilan : La promesse de n’impacter que les futurs salariés signifierait que nous serions « épargnés » par cette « bonne mesure » et que nous la réservons à nos enfants !
6) L’âge pivot : C’est le « fusible » agité par de soi-disant « réformistes » et en réalité négocié entre eux et le gouvernement pour passer sous silence les 5 points précédents ! Ce point qui focalise l’attention de la CFDT et l’UNSA a pour seule conséquence, et pour seul objet, de laisser les 5 autres dans l’ombre ! Or, de tous les points évoqués, celui qui nous semble le moins dévastateur est justement celui de l’âge pivot, notamment si on le compare à la décote actuelle qui est un « âge pivot » déguisé, non pas à 64 mais à 65 et, pour beaucoup, à … 67 ans !
Action et Démocratie déplore l’état du dialogue social, qui est avant tout un simulacre et qui mène tout particulièrement les enseignants vers des impasses. Le bilan s’alourdit d’ailleurs après la suppression des principales attributions des commissions paritaires, même si Action et Démocratie n’a jamais considéré ces instances comme vraiment opérationnelles tant la parité n’y est que de façade. L’administration y vote comme un seul homme (ses voix sont toujours unanimes) et celle du Président y est prépondérante : il est dès lors mécaniquement impossible d’obtenir un vote favorable aux syndicats ! Action et Démocratie a su anticiper ces changements et nos moyens d’action se sont développés en dehors de ces instances, soit en privilégiant le dialogue direct mais ferme avec les décideurs qui savent notre détermination à défendre nos collègues et qui savent que nous n’intervenons jamais pour rien, soit en ayant recours aux procédures judiciaires quand cela s’avère nécessaire.
Sur les retraites comme sur bien d’autres sujets, il faudrait tout remettre à plat et se dépouiller de toute idéologie, tant de la part des organisations que de la part du gouvernement, pour prendre enfin en compte la réalité et résoudre les problèmes au lieu de les aggraver. Il faudrait faire le pari de l’intelligence. Tel est et sera toujours le credo d’Action et Démocratie.
Lien vers l’interview de François HOMMERIL, Président confédéral de la CFE-CGC, à la sortie de la réunion au Ministère du Travail : en cliquant ici
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