Lettre ouverte de Walter CECCARONI Président Action et Démocratie cfe-cgc à M. BLANQUER , Ministre de l’Éducation Nationale
En mémoire et en hommage à l’un d’entre nous,
Monsieur Jean WILLOT
Monsieur le Ministre,
L’éducation nationale dont vous avez la charge est une institution essentielle qui représente aux yeux de tous, une étape décisive dans la vie d’un citoyen du monde.
Elle est actuellement dans l’état d’un paquebot qui sombre dans une mer que l’on voudrait sans vague. Vous faites passer à un rythme infernal des réformes imposées dont personne ne connait les auteurs mais sans doute tiennent-ils à rester anonymes tant ils en seraient peu fiers.
Dans votre emballement médiatique vous méprisez les enseignants qui ont pourtant des analyses réfléchies qui s’inspirent du cœur de leur métier et de l’expérience acquise sur le terrain.
Aucune des réformes que vous imposez ne tient compte de l’avis des enseignants ni des votes parfois unanimes du Conseil Supérieur de l’Éducation, elles tournent parfois le dos au simple bon sens. Ces réformes sont menées au pas de charge au nom de la science infuse mais personne n’a réfléchi à leurs mises en œuvre pratiques que vous déléguez désormais à ces mêmes enseignants.
Vous n’avez sans doute pas mesuré le poids de l’inertie dont peut faire preuve la profession, celle-ci est un contre-pouvoir qui peut avoir des conséquences plus lourdes et bien plus dommageables que les grèves que vous ne craignez plus.
La réussite d’une réforme se mesurera aux impacts positifs qu’elle peut apporter à la qualité de l’éducation, elle ne sera pas reconnue sur le simple fait de réformer.
Toutes les incertitudes, incompréhensions et doutes liés à ce type de réformes imposées viennent encore alourdir nos charges quotidiennes en ajoutant ces craintes aux difficultés existantes.
Connaissez-vous, Monsieur le Ministre, le nombre de professeurs qui sont dénigrés, insultés ou même frappés chaque jour dans l’exercice même de leur métier ? Savez-vous que dans certaines sections il est impossible de faire cours tant des éléments perturbateurs pourrissent des classes entières en toute impunité, privant ainsi ceux qui viennent s’instruire de ce droit élémentaire ?
Il est tout aussi insupportable de permettre ou même d’encourager des parents de s’immiscer dans le travail du professeur pour chercher à imposer leurs opinions qui ne sont souvent que l’expression de la défense d’intérêts personnels.
L’accumulation de toutes ces situations contribue à exercer une pression continue sur le corps et l’esprit professoral qui est considéré de fait comme le fusible désigné pour protéger l’institution. En conséquence de quoi, les professeurs découvrent depuis quelques années que le moindre évènement, si banal soit-il peut se révéler destructeur pour leur carrière, leur santé et même pour leur vie car les services dont vous avez la responsabilité appliquent des procédures qui présentent des similitudes quasi institutionnalisées.
– Installer le doute – Ne pas recueillir la parole de l’intéressé – Culpabiliser – Persécuter – Accuser – Comme s’il fallait qu’il y ait forcément un coupable pour s’exonérer d’avoir à prendre ses responsabilités. Voilà la réalité du terrain, c’est celle que vivent des centaines de collègues effarés et qui nous en font part. Dès lors, tous les ingrédients sont réunis pour définir la souffrance au travail.
La démonstration de ces souffrances se traduit par la phase ultime du suicide comme celui de Monsieur Jean WILLOT qui a été traité de façon inversement proportionnée à son engagement total pour l’éducation.
Cependant, notre institution totalement déshumanisée n’en aurait pas fini avec la victime car elle veut encore démonter, argumenter pour semer le doute et se protéger alors que l’évidence devrait lui crever les yeux et que les responsables doivent être recherchés et condamnés.
Tout le corps enseignant est meurtri par la disparition prématurée de Jean, l’un de nous, à qui nous rendons un hommage ému pendant que l’institution refuse une minute de silence au Conseil Supérieur de l’Éducation, se fend d’un communiqué rudimentaire après une longue réflexion et que vous proposez, Monsieur le Ministre, ‘’ un groupe de travail ‘’ qui sera chargé de réfléchir pendant un certain temps !
Ce suicide, qui vient allonger une liste déjà trop longue, est révélateur des dysfonctionnements indignes au sein de notre institution derrière laquelle se cachent des lâches qui seraient intouchables.
Jean est mort car il n’a bénéficié d’aucun soutien ni d’aucune assistance de l’administration qui l’a laissé seul face à la mortification d’une mise en cause douteuse.
Notre colère est grande.
Alors que vous avez témoigné de votre confiance aux personnels dans votre lettre de rentrée, je vous informe que vous avez perdu celle de la très grande majorité des enseignants qui ne vous font plus crédit et qui ne peuvent plus se satisfaire des discours convenus qui vous exonéreraient de véritables actes forts qu’ils attendent en vain.
Saurez-vous, Monsieur le Ministre, prendre vos responsabilités en faisant bon usage de votre autorité pour donner des consignes claires qui seront effectivement appliquées.
Oui, les agents doivent pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle prévue par la loi et l’agent ne doit plus être soumis à un jugement aléatoire qui le priverait de ce droit.
Pour Action et démocratie, cet état des lieux est devenu insupportable. Nous n’en voulons plus et nous mettrons en œuvre tous les moyens légaux que nous confèrent nos statuts de défense du personnel pour changer ce désordre établi.
L’ensemble des personnels est désormais dans l’attente d’une réponse forte de votre part, tant pour les réponses apportées au cas de Monsieur Jean WILLOT, que pour les signaux qui seront envoyés depuis le sommet de votre ministère à toute l’administration sur la façon d’appréhender l’accompagnement bienveillant de tous personnels en difficulté.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre en l’expression de ma haute considération et de mon indéfectible attachement à l’école républicaine.
Le Président A&D cfe-cgc
Walter Ceccaroni
Action et Démocratie
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