Conseil supérieur de l’éducation

8 février 2024

Déclaration d'Action & Démocratie

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs,

A l’heure où nous prononçons ces mots, nous ne savons toujours pas si nous devons nous adresser à Madame la ministre ou à Monsieur le ministre. Ce sera donc à vous, Monsieur le président, directeur des affaires juridiques, ainsi qu’à Monsieur le directeur général de l’enseignement scolaire que nous nous adresserons cette fois.

Outre l’incertitude concernant le nom du ministre et des éventuels ministres délégués qui aurait dû vous conduire à reporter cette séance, il est extrêmement regrettable de devoir entendre en commission spécialisée un responsable de la DGESCO nous présenter des projets de décret en s’appuyant sur les travaux d’une mission qui ne sont toujours pas publiés et justifier l’instauration de groupes de niveau en prétendant qu’ils sont réclamés par une majorité de ceux qui ont été consultés alors que les résultats de cette consultation ne sont pas davantage publiés – et comment le pourraient-ils, puisque cette consultation fut une mascarade ?

Ce n’est pas la première fois que la DGESCO se moque ouvertement du CSE. Le précédent le plus récent, et qui a quelque chose de tragi-comique, concerne ces heures de soutien et d’approfondissement en classe de sixième que vous avez mises en œuvre antérieurement à l’examen, par notre instance, du texte qui en fournissait le cadre réglementaire, exprimant par là votre mépris pour nos travaux et nos avis. Heures de soutien, qui plus est, que vous avez voulues et que vous avez imposées aux forceps en rayant d’un trait de plume une discipline des enseignements communs en sixième, la technologie, dont nous exigeons toujours le rétablissement.

En voulant instaurer des groupes de niveau en français et en mathématiques sur toute la durée de la scolarité au collège, vous agissez de la même façon et avec une imperméabilité à la raison et à l’expérience qui laisse pantois. Le précédent du lycée, où vous avez fait sauter la classe après que d’autres avant vous se soient vantés d’y faire sauter l’estrade, aurait pu pourtant vous instruire, de même que vos propres reculs concernant le calendrier des épreuves de spécialité ou ce que vous appelez pudiquement « les correctifs académiques » pour dissimuler l’anomie absolue qui règne désormais sur la notation, qu’il s’agisse de la notation pendant l’année ou de celle à l’examen. Oui, faire sauter la classe, tel sera le résultat le plus immédiat et le plus tangible d’une réforme « inspirée par une organisation syndicale », comme le dit le Conseil supérieur des programmes dans son avis du 30 janvier 2024 en page 15 avant de citer l’organisation qui se trouve présentement à ma gauche… [ndlr : il s’agit du SNALC]


Dans quelle langue faut-il vous parler pour être entendu et avoir des réponses aux vraies interrogations que nous formulons, non des éléments de langage déconnectés du réel et débités de façon artificielle dont nous ne pouvons nous contenter ? En agissant ainsi, vous parvenez à réaliser l’exploit de vous aliéner ceux, dont nous faisions partie, qui avaient salué sincèrement et sans arrière-pensées l’orientation prise par la politique éducative sous l’impulsion de l’actuel Premier ministre.

Alors faisons une dernière tentative et répondez au moins à une seule question : si vous pensez que l’instauration de groupes de niveau en français et en mathématiques, que vous voulez appeler des « groupes de progrès » comme si cela suffisait à calmer les plus excités, permettra de résoudre les difficultés que rencontrent des élèves de plus en plus nombreux, pourquoi tenez-vous à les étendre à tous les niveaux du collège ? Ou bien ces groupes sont efficaces en sixième et, le cas échéant, en cinquième, de telle sorte que leur maintien en quatrième et en troisième soit inutile ; ou bien vous les maintenez jusqu’en troisième parce que vous estimez d’emblée qu’ils ne seront pas assez efficaces en sixième et en cinquième. Répondez à cette seule question honnêtement et, si vous le faites, vous en tirerez vous-même la conclusion qui s’impose en adoptant l’amendement de bon sens que nous défendrons tout à l’heure tendant à supprimer les groupes de niveau, ou de besoin, ou de progrès, (appelez-les comme vous voulez) et à faire ce que réclament vraiment les collègues sur le terrain : des classes moins hétérogènes, en accordant aux classes dont les élèves sont plus en difficultés des conditions meilleures, à commencer par des effectifs moindres. Non seulement on sera plus efficace, mais on s’évitera aussi les faux débats parfaitement ridicules sur le retour à l’école du passé ou le spectre de l’extrême-droite qui est l’argument de ceux qui n’ont pas d’argument !

René CHICHE – Vice-président A&D