Lettre d’information n°57 – 15 octobre 2022
SPECIAL PREMIER DEGRÉ
Au menu de cette lettre d’information spéciale d’Action & Démocratie
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Témoignage : Pourquoi j’ai rejoint A&D, par Samuel L.
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Instituteurs et professeurs des écoles de France
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Un des plus gros budgets de l’État
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Halte aux tâches chronophages
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École inclusive : parlons-en quand même
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Évaluation des écoles : c’est non !
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Formez vos bataillons !
1/ Pourquoi j’ai rejoint A&D Par Samuel L., professeur des écoles
Avant l’épisode Covid qui a ébranlé notre société et particulièrement l’Éducation nationale, je n’étais membre d’aucune organisation syndicale. En tant que professeur des écoles, amoureux de mon métier, je ne me reconnaissais généralement pas dans leurs revendications, ni dans leur manière de râler dans le désert en permanence afin de justifier leur existence. Bien que certains collègues m’aient conseillé de me syndiquer « pour faire avancer ma carrière et m’aider dans les mutations », je ne voulais pas de ce système-là.
2/ Instituteurs et professeurs des écoles de France
« Sache souffrir. Mais ne dis rien qui puisse troubler la souffrance des autres. » Il nous faut déroger à cette prescription du poète. Il faut dire les choses. Les instituteurs et professeurs des écoles sont à bout de souffle. Nous sommes à bout de souffle ! Cela ne peut continuer !
Ce métier, qui était autrefois connu et reconnu comme étant le plus beau métier du monde, est en train de dépérir. Nous en voulons pour preuve le mépris dans lequel nous tient la société actuelle, avec pour conséquence une crise des vocations jamais observée jusqu’ici depuis Jules Ferry.
3 / Éducation : une gestion kafkaïenne
« A elles seules, les dépenses administratives pèsent 3,5 milliards d’euros par an, soit presque quatre fois plus qu’en Allemagne (Source LeFigaro : https://urlz.fr/ex5g). Sauf à considérer qu’il faut bien quatre fonctionnaires français pour faire le travail d’un seul allemand, il est possible de réduire ce budget des trois quarts, au profit des salaires des enseignants (gain moyen de 273€ mensuels). Vertu supplémentaire : une déflation spectaculaire et bienvenue du nombre d’enquêtes administratives en tout genre et de tableaux Excel aussi chronophages que sans effet sur les résultats des élèves ! »
4 / Arrêtons avec les tâches chronophages !
« La tenue de ce journal avait sa raison d’être alors que, pour beaucoup d’instituteurs, la nécessité de préparer consciencieusement leur classe n’était ni clairement démontrée ni impérieusement sentie. Mais nous n’en sommes plus là aujourd’hui : cette vérité pédagogique qu’il n’est pas de bonne classe sans une bonne préparation est reconnue et proclamée par les maîtres eux-mêmes ; l’habitude de cette préparation journalière des leçons est heureusement entrée dans les mœurs scolaires.
On semblerait donc manifester à l’égard du corps enseignant une méfiance qu’il ne mérite pas, et on lui imposerait sans profit un surcroît fastidieux d’écritures en exigeant plus longtemps la constatation matérielle de ce travail préalable. »
Jules Ferry, Circulaire du 14 octobre 1881 envoyée aux Recteurs
5 / École inclusive : on en parlera quand même !
D’aucuns s’y sont essayés au sein de la classe politique, des enseignants s’épanchent régulièrement sur leur situation afin d’alerter sur les réseaux sociaux, Action & Démocratie et quelques (très) rares autres organisations interpellent le ministère ; rien n’y fait : On ne critique pas l’école inclusive, même avec les meilleures intentions du monde. Tout enseignant qui sort du rang, ne serait-ce que pour relater un vécu, s’expose aux foudres de meutes « bienveillantes » qui auront vite fait de soumettre le contrevenant à des châtiments dignes des heures les plus sombres.
Eh bien tant pis pour les fanatiques de ce nouveau dogme, ici, on en parlera quand même ! Parce que pour nous autres, professeurs des écoles, l’école inclusive n’est pas une convenance dans laquelle on se drape d’autant plus aisément qu’on n’est pas concerné. Pour nous, c’est le quotidien, le vécu de chaque jour, dans les classes. Et ça ne ressemble pas à ce qu’on dit dans les salons.
6 / Évaluation des écoles : c’est non !
Malgré un report en septembre, l’évaluation d’école devrait en principe nous être imposée en décembre, après les élections professionnelles (quel sens du timing !) Pourquoi faire (officiellement du moins) ?Selon le Ministère (alerte novlangue), cette évaluation a pour but « l’amélioration, dans l’établissement, du service public d’enseignement scolaire, de la qualité des apprentissages des élèves, de leurs parcours de formation et d’insertion professionnelle, de leur réussite éducative et de leur vie dans l’établissement. Elle a pour but d’améliorer, pour l’ensemble de la communauté éducative et de ses acteurs, les conditions de réussite collective, d’exercice des différents métiers et de bien-être dans l’établissement. »
7 / Formez vos bataillons !
« On ne va pas se mentir, la pénibilité actuelle du métier n’étant un secret pour presque personne, rares sont ceux de nos collègues qui vont en animation pédagogique avec le sourire, et pour cause : ils ont souvent leur journée de travail dans les pattes, quand le temps de formation ne tombe pas le mercredi après-midi, cette précieuse demi-journée de pause de milieu de semaine. Donc c’est avec un a priori négatif, voire la mort dans l’âme, que l’enseignant lambda se rend en formation et l’idée qu’on puisse lui en rajouter encore une couche, par exemple pendant l’été, pourrait supplanter en horreur celle d’interdire le café en salle des profs. Quant à l’inénarrable « Magistère », les rares qui vous diront préférer se former ainsi plutôt qu’en présentiel n’avoueront jamais que c’est pour eux une façon de liquider en trois minutes une formation de neuf heures, quitte à se faire quelques ampoules à force d’enchaîner à toute vitesse les clics gauches. »