L'expérience et la sagesse

Lundi dernier a été installé dans l’académie d’Aix-Marseille un « conseil de l’expérience » dont la mission est d’ « éclairer certains dossiers académiques » et de « contribuer de manière concrète à l’amélioration du service public de l’éducation » en s’appuyant sur « l’expérience et la sagesse » de ses membres, selon les termes du rectorat. Composé de personnels de direction à la retraite, ce conseil se réunira de façon régulière (au moins une fois par mois) pour rendre des avis sur des dossiers ou des sujets émanant d’un établissement, d’un réseau d’établissements ou de la gouvernance de l’académie, et formuler des préconisations. Au nombre de 19 et tous bénévoles, ses membres sont cependant nommés par le recteur (pour trois ans renouvelables une fois) et seront régulièrement consultés. Il s’agit d’un dispositif expérimental qui ne concerne pour l’instant que le second degré mais qui pourrait à l’avenir être étendu au premier degré.

 

Sur le plan philosophique, à Action & Démocratie où nous syndiquons tous les personnels, y compris ceux de direction, nous ne pouvons que nous réjouir de l’idée de recourir à l’expérience de collègues qui ont fait leurs preuves pour faciliter les choses et dénouer des crises le cas échéant. Avoir recours à l’expérience des anciens peut être d’autant plus judicieux que nous constatons de plus en plus de difficultés liées au comportement de certains néo-personnels de direction convertis aux dogmes du « management », lesquels sont hélas désormais en vogue dans les programmes de formation de l’encadrement. Reste à voir ce conseil à l’œuvre pour juger de son utilité et de son efficacité.

Nous ne pouvons que déplorer en revanche que l’on ne s’avise toujours pas de solliciter « l’expérience et la sagesse » de tous les personnels, et surtout que l’on attende leur mise à la retraite pour ce faire dans le cas des personnels de direction. Pour Action & Démocratie, la prise en compte et la valorisation de l’expérience acquise sont des nécessités qui font cruellement défaut au sein de l’institution. Nous l’avons dit lors du débat sur l’âge de la retraite : il est temps que l’éducation nationale considère ses personnels expérimentés, tous corps confondus, comme une vraie richesse et que la transmission d’expérience soit facilitée et même institutionnalisée. Cela pourrait se faire par la création d’un statut d’agent « sénior » dont le service serait en partie consacré à transmettre aux plus jeunes. Nous défendons cette idée et réclamons un tel aménagement des fins de carrière non seulement pour les bénéfices qu’on peut en attendre sur la formation des plus jeunes et le fonctionnement du service en général, mais aussi pour les avantages que pourront en retirer les agents concernés dans le cadre de la prise en compte de l’usure professionnelle. Que l’on soit personnel enseignant, personnel administratif ou personnel de direction, le report de l’âge de départ à la retraite détériore considérablement la fin de carrière. Cette réforme eut été mieux inspirée si elle avait été accompagnée d’une vraie réflexion sur le sujet et de mesures audacieuses et innovantes sur la valorisation de l’expérience acquise en fin de carrière. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi ce que l’État prescripteur demande aux entreprises en la matière ne s’appliquerait pas à l’État employeur envers ses agents.

Pour nous, ce n’est évidemment pas sur le mode du bénévolat et une fois que l’on est à la retraite qu’il faut solliciter l’expérience acquise, mais bien au cours des dernières années en activité. Alors, puisque l’académie d’Aix-Marseille se lance dans l’expérimentation, nous disons chiche ! Qu’elle expérimente des formes de services permettant la mise en œuvre d’un accompagnement des plus jeunes sur le terrain, ce qui fournira en outre à ces derniers, nous n’en doutons pas, une formation beaucoup plus riche et plus efficace que celles, pesantes et abstraites, dispensées au sein des INSPE et autre IH2EF, lesquelles formations, de notoriété publique, ennuient les stagiaires quand elles ne vont pas jusqu’à leur apprendre la docilité sous couvert d’obéissance.