Confinement & classe préparatoire aux grandes écoles
Confinement & classe préparatoire aux grandes écoles
Alors que la crise sanitaire a repris de l’ampleur ces dernières semaines, le gouvernement a fait le choix de laisser les établissements scolaires, écoles, collèges, lycées ouverts malgré le re-confinement, pendant que nombre d’Universités ou d’établissements de l’enseignement supérieur ont été fermés et dispensent pour un temps indéterminé un enseignement à distance.
Nous, professeurs de classes préparatoires aux grandes écoles, enseignant au lycée à des étudiants du supérieur, avons attendu un tweet d’un conseiller presse de notre ministre pour connaitre notre sort. Quelle qu’en fût la méthode d’annonce, nous nous félicitons de retrouver nos élèves, conscients qu’ils n’ont pas fini de payer le prix du premier confinement.
La crainte de la contamination et la lourdeur du protocole sanitaire préoccupent à juste titre les collègues. L’atmosphère de ce premier trimestre se fait chaque jour plus pesante dans les établissements scolaires.
Cependant, nous ne nous inscrivons pas dans ces appels à un protocole « toujours plus renforcé » et à n’importe quel prix ni à la généralisation d’un enseignement en distanciel ou en semi-distanciel. Nous ne souhaitons pas non plus faire peser sur nos élèves les difficultés liées à de telles pratiques. La peur ne doit pas l’emporter sur la raison.
Nous ne nions évidemment pas la dangerosité de la Covid19 mais nous souhaitons attirer l’attention sur quelques points qui nous paraissent essentiels :
- La difficulté et la lourdeur des programmes en classe préparatoire. Nos élèves doivent mener de front l’étude à haut niveau de nombreuses disciplines.
- La préparation intense aux épreuves écrites exécutées en temps limité.
- La préparation aux épreuves orales et aux techniques de prise de parole en public.
- Les travaux pratiques dans certaines disciplines scientifiques.
Nous rappelons que l’objectif de ces classes préparatoires est de préparer nos élèves aux concours d’entrée des Grandes Écoles. Point n’est besoin de rappeler le haut degré d’exigence de ces concours. La préparation intense nécessaire ne peut se faire qu’accompagner par des professeurs qui connaissent très bien leurs élèves dans une rencontre quasi-quotidienne.
Les trois mois du confinement de printemps, que ce soit pour les élèves de première année de CPGE qui n’ont pas subi les épreuves du baccalauréat, que pour les élèves de 2ème année de CPGE, laissent des traces très importantes.
Nous demandons beaucoup d’efforts à nos élèves pour surmonter les difficultés liées aux carences évidentes de cette période malgré l’investissement de tous les collègues. Nous le leur demandons alors que les contraintes s’amoncellent. Nous pensons particulièrement au port du masque en continu, subi par nos étudiants quotidiennement de 8h du matin jusqu’à parfois 20h le soir, rendant la concentration en cours, de langues notamment, extrêmement délicate. En outre, depuis le début de l’année, nous sommes sous la menace permanente de fermeture de classes, d’absence d’élèves déclarés positifs ou cas contacts.
Nos étudiants, parfaitement conscients des enjeux tant sur le plan sanitaire que sur le plan de leur formation, respectent les contraintes sanitaires. Mais pressés par l’urgence de la situation et par la crainte d’un éventuel durcissement du confinement, ils sont particulièrement vigilants à profiter de chaque heure de cours.
Nous avons une pensée toute particulière pour nos étudiants dont les conditions de logement sont souvent très délicates. Parfois logés dans des chambres extrêmement exiguës, un enseignement à distance ou en semi-distanciel mènerait à des conditions de travail et de vie très délétères pour la bonne marche de leurs études ainsi que pour leur santé psychique.
Nous ne pensons pas non plus qu’un aménagement drastique des programmes soient une bonne mesure. Cela ne remettrait certes pas en cause l’équité au concours, mais nous ne gagnerions rien à baisser les exigences des concours. Nos élèves ont été très méritants durant toute leur scolarité, consentant parfois à de lourds sacrifices. Ils ne méritent pas de réussir seulement des concours au rabais. L’équité serait rompue avec leurs aînés ainsi qu’avec ceux qui suivront. En aucun cas, il ne faudrait créer « une génération COVID ».
Nous insistons aussi sur le fait qu’il s’agit de la formation des futurs cadres, ingénieurs, vétérinaires, chercheurs qui occuperont pour certains des postes à responsabilité dans moins de quatre ans.
Préserver la vie biologique en mettant en péril la dimension pleine et entière de la vie sociale et intellectuelle risque fort de se retourner contre la vie biologique elle-même. Ralentir la progression du virus ne doit pas se faire à n’importe quel prix.
Que les professeurs vulnérables soient protégés, cela va de soi et doit être facilité. Mais ce ne peut être une règle générale.
Par conséquent, nous demandons autant que faire se peut, à continuer à travailler avec nos élèves en présentiel.
Il en va non seulement de l’intérêt de nos élèves. Mais il en va aussi de l’intérêt de la nation.
Marie Girard
Référente nationale pour les CPGE