COVID 19 et conditions dans les établissements : Point sur la situation

Les ordres et contre-ordres, les protocoles rédigés dans la précipitation, appliqués de façon incomplète ici ou de manière rigide là mais toujours sans discernement : cette pagaille est le résultat du manque de préparation de la rentrée 2020, que l’on savait pourtant difficile dès le mois de mai et que le ministère n’a nullement anticipée.

Faut-il, comme le réclament certaines organisations, durcir le protocole, réclamer des masques protecteurs pour tous et en imposer le port en classe sans se soucier des conséquences sur les conditions de travail, voire exiger la fermeture des établissements dès l’apparition fortuite de cas positifs au SARS-CoV2 alors que, si l’on testait systématiquement tous les élèves, on en découvrirait probablement des centaines par établissements ? Nous ne le pensons pas. La gestion de cette crise par le ministère est certes catastrophique, mais la surenchère de certains syndicats « représentatifs » n’arrange rien !

L’analyse et le positionnement de Action & Démocratie :

La situation exige de se montrer à la fois intransigeant quant à la protection des personnels à risque,  vigilant quant aux conditions qui sont faites à tous (aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan pédagogique), mais aussi raisonnable et sensé, en restant proche des personnels sur le terrain et attentif à tous les aspects de chaque situation. Action & Démocratie fait plus que jamais le pari de l’intelligence et n’entend pas, au nom d’un risque mal identifié, accompagner la détérioration sans précédent des conditions d’exercice du métier qui se profile sous nos yeux dans un climat de résignation et de peur.

Une chose est claire pour tout le monde : nous ne pouvons pas continuer ainsi ! C’est pourquoi nous demandons au ministère qu’il prenne un certain nombre de mesures de bon sens, et nous invitons les personnels à prendre de leur côté toutes les précautions utiles à la préservation de leur santé et de conditions de travail convenables. Les unes et les autres sont détaillées ci-après.

1/ La protection des personnels doit être assurée : c’est une obligation élémentaire de l’employeur qu’actuellement il n’assume pas !

 

  • Cas des « personnes vulnérables » au sens des 11 critères définis par le Haut Conseil de la Santé Publique en mai dernier : il est inacceptable que, du jour au lendemain, elles aient été privées des droits qu’on leur avait donnés (ASA, télétravail). A&D demande leur rétablissement sans délai. A&D demandera des comptes et recherchera la responsabilité de ceux qui les auront délibérément exposés à un risque certain en ne satisfaisant pas cette revendication élémentaire.
  • Tous les agents dont l’état de santé aggrave le risque de développer une forme sévère de la Covid19, et particulièrement ceux qui, ayant été exposés au virus, ont développé une forme longue de l’infection avec des séquelles, ne doivent pas y être exposés de nouveau ; tous les agents dont l’entourage est vulnérable également ; tous ceux enfin qui sont en mesure de faire attester par leur médecin traitant que l’exposition au SARS-CoV2 les met gravement en danger.

A&D accompagne tous ces personnels et les invite à saisir sans délai le médecin de prévention de l’académie et faire constater par ce dernier une indisponibilité temporaire afin d’obtenir l’aménagement du poste de travail qui est de droit en ce cas. A&D est à vos côtés pour vous défendre en cas de refus.  Il est à redouter que le nombre de médecins de prévention, toujours aussi dramatiquement insuffisant, ne permettra pas de répondre aux sollicitations dans un délai raisonnable, ce qui devra alors être constaté à toutes fins utiles.

  • La santé des personnels est également dégradée par les nouvelles obligations, dont la plus pénible est le port du masque en classe pendant des heures. Quelle qu’en soit l’utilité et l’efficacité (cf. ci-après), nombreux sont les collègues épuisés au bout de deux semaines dans ces conditions comme s’ils avaient déjà effectué un trimestre. Or rien n’a été prévu par le ministère pour prendre en compte les effets que cette obligation engendrait : ni aménagement de l’emploi du temps, ni amplificateurs de voix, ni possibles dérogations (à l’exception des seules activités sportives en EPS, et dans certaines limites qui restent très problématiques pour les collègues concernés). A&D incite tous les agents à se préserver. Ne laisser pas votre « capital-santé » être dilapidé sans vergogne par des mesures prises avec désinvolture sous prétexte que vous êtes fonctionnaires alors que dans le privé, les mêmes dispositions font l’objet d’adaptation lors de négociations entre salariés et employeur afin de les rendre supportables. N’attendez pas non plus de subir des atteintes graves et irréversibles à votre santé : faites constater par votre médecin traitant les dégâts causés après deux semaines dans ces conditions ; n’hésitez pas si besoin à solliciter un arrêt de travail ; et tournez-vous là encore vers le médecin de prévention car c’est à l’employeur d’adapter le poste de travail en fonction des contraintes nouvelles qu’il impose à ses salariés.

NB : La circulaire ministérielle du 14 septembre 2020 apporte des précisons sur l’obligation du port du masque : 

« Le port du masque est donc à la fois une mesure de protection contre la circulation du virus, mais également une obligation professionnelle qui ne saurait être méconnue. Dans le cas d’une contre-indication médicale au port du masque, certifiée par un médecin, la personne exerce en télétravail jusqu’à temps complet si ses activités le permettent, et à défaut, elle produit un arrêt de travail établi par un médecin ; elle est alors placée en congé de maladie ordinaire. »

→ Ne pas hésiter à consulter votre médecin traitant et à faire certifier le cas échéant que votre état de santé ne vous permet pas d’exercer vos fonctions en portant le masque. Si aucun autre aménagement ne vous est proposé, et si la nature de votre activité le permet (ce qui est le cas de l’enseignement), vous n’avez pas à être placé en congé et devez poursuivre votre activité en télétravail selon les modalités qui vous seront indiquées par votre hiérarchie, laquelle doit évidemment vous fournir tous les moyens de télétravailler.

 

2/ Le port du masque est devenu « une obligation professionnelle » depuis la circulaire ministérielle du 14 septembre publiée au BOEN le 17 septembre. Mais quel masque ?

  1. Rappelons d’abord que s’il y a dans l’établissement un risque avéré pour la santé et la vie des agents et usagers, ce risque doit figurer dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) – document qui doit se trouver dans chaque établissement et pouvoir être consulté sur demande. La description du risque doit être accompagnée de l’énumération des mesures prises pour protéger les personnels aussi bien que les usagers. Il dépend de chacun d’exercer à ce sujet une vigilance et de demander à l’autorité de lui fournir les éléments permettant d’apprécier le risque et les mesures prises pour l’éviter autant que faire se peut. Les informations diffusées dans les médias ne sauraient en tenir lieu.
  2. Le masque fourni par l’Education nationale n’est pas protecteur. Chacun le sait et le ministère l’assume : seuls les « personnes vulnérables » se voient proposées des masques de type 2 (mais rappelons que, pour constituer une protection efficace, ces masques, quand ils sont effectivement fournis, doivent l’être en quantité suffisante, présenter des garanties, être accompagnés une notice d’utilisation et être emballés individuellement). Quant aux masques distribués par l’Education nationale au plus grand nombre de ses agents dans des quantités variables allant de 2 à 5 pour toute l’année, ils n’ont pas pour fonction de protéger ceux qui les portent mais, nous dit-on, d’empêcher ces derniers de propager le virus à autrui. Il s’agit donc de participer à la mise en œuvre sur le territoire d’une politique de prévention. Il s’agit donc de participer à la mise en œuvre sur le territoire d’une politique de prévention. En conséquence, si les personnels ne peuvent qu’être vivement incités à les porter, nous en contesterons le caractère d’«obligation professionnelle » pour qu’il ne puisse pas servir de fondement à des convocations pour faute professionnelle. En l’état, cette circulaire constitue un abus de pouvoir et sera déférée devant la juridiction compétente. D’ici là, nous invitons chacun à ne pas s’exposer inutilement au déclenchement d’une procédure disciplinaire et, le cas échéant, à se tourner vers son médecin traitant pour faire constater une contre-indication médicale au port de ce masque.
  3. En outre ces masques, puisque ceux qui les portent sont supposés être vecteurs du virus, sont potentiellement contaminés et doivent donc être traités comme des déchets toxiques quand ils sont usagés. A ce titre, ils sont soumis à la réglementation en matière de « déchets d’activité de soins à risques infectieux » (DASRI) dont la nature et le traitement sont définis par les dispositions de l’article R.1335 du code de la santé publique et nécessitent la mise en place d’une filière spécifique de collecte et de traitement. L’article R.1335-5 du code de la santé publique précise que les déchets d’activités de soins et assimilés définis à l’article R. 1335-1 doivent être, dès leur production, séparés des autres déchets et l’article R.1335-2, que toute personne qui produit des déchets d’activité de soins à risque infectieux ou assimilés est tenue de les éliminer selon les dispositions prises dans le cadre des arrêtés et décret suivants :

–  Arrêté du 7 septembre 1999 relatif aux modalités d’entreposage des DASRI ;

–  Arrêté du 7 septembre 1999 relatif au contrôle des filières d’élimination des DASRI ;

–  Arrêté ADR du 1er juin 2001 relatif au transport de matières dangereuses ;

–  Arrêté du 24 novembre 2003 relatif aux emballages des DASRI.

C’est pourquoi A&D invite ses adhérents ainsi que tous les personnels à lui transmettre sous forme de témoignage écrit et/ou photographique tous les manquements vis-à-vis de ce règlement, qui sont constitutifs d’une faute et d’une mise en danger de la vie d’autrui.

 

Pour conclure, Action & Démocratie entend apporter son soutien à tous les personnels que ces demi-mesures ne protègent pas suffisamment et font souffrir plus que de raison pour atteindre un but qui n’est pas suffisamment précisé. Ou bien il y a un risque majeur pour la santé, et la fermeture de tous les établissements scolaires s’impose ; ou bien il s’agit de contribuer à diminuer autant que faire se peut la circulation d’un virus que seul un confinement strict pourrait stopper, et dans ce cas le protocole sanitaire doit consister en un ensemble de recommandations que chacun doit être invité à suivre en faisant preuve en même temps de discernement et d’adaptation à la réalité du terrain.