« Que faire quand vous prenez une gifle par un enfant et qu’un autre élève de la classe vous mord les doigts ? » demandait il y a quelques semaines cette AESH d’une académie du sud de la France à son troisième jour dans « une classe compliquée ».
« Coups de pied, chaises lancées en classe : une directrice d’école porte plainte contre un élève de 8 ans » titrait La Voix du Nord suivi hier par Le Figaro en rapportant les violences subies par notre collègue de l’école René-Bry de Trélon (Hauts-de-France), à qui vont toutes nos pensées solidaires.
Allons-nous tous devoir en arriver là pour que l’on s’intéresse enfin à la réalité de l’inclusion de ces enfants dans nos classes ?
Il est urgent que le sujet soit traité sérieusement et sans langue de bois, dans toute sa complexité et en tenant compte de tous ses aspects, les bons comme les mauvais et les pires. Et ceux qui sont sur le terrain sont les mieux placés pour cela.
« Encore un cri… un hurlement en pleine classe devrais-je dire… Un autre enfant qui se lève et court après le premier… qui vient de lui prendre son feutre des mains et de s’enfuir hors de la classe avec. Du chahut dans toute la classe et des risques énormes que la maîtresse doit gérer à tous les instants pour éviter que la situation ne dégénère.
Un sourire… quelques applaudissements et des éclats de rire autour de cet enfant qui réussit malgré ses difficultés et ses différences. Un instant de bonheur pour l’enseignant, l’idée de remplir sa mission d’apprendre à tous. »
Et si nous parlions de l’inclusion avec des mots simples, des mots qui collent à la réalité du terrain comme le fait cette collègue ? Et si nous prenions tous enfin la parole, sans posture idéologique, sans chercher à prouver quoi que ce soit, juste pour dire le réel et mettre noir sur blanc le vécu des personnels qui accompagnent dans les écoles ces nombreux enfants quelquefois en réussite scolaire, mais souvent très peu élèves et source de profondes angoisses pour tous, autres enfants comme adultes ?
Nous avons besoin de votre témoignage pour faire bouger les choses !
« Accueillir dans une même classe de CP/CE1 un enfant avec trouble autistique + un enfant hyperactif en attente de traitement médicamenteux + un dysphasique sévère + une enfant en attente de diagnostic dyspraxie ou pas, sans aucun AESH, ça parle tout seul, non ? »
Voilà ce que nous écrivait l’an dernier une autre collègue suite à notre appel à témoignage dans une circonscription des Yvelines.
« Ça parle tout seul » ? Pas sûr. Ça parle évidemment à ceux qui savent de quoi elle parle. A ceux qui vivent la même chose et qui sont de plus en plus nombreux. Voici la suite de son témoignage :
« Devant la difficulté à supporter les cris, l’agitation constante et l’impossibilité d’entrer dans les apprentissages d’un ou plusieurs élèves (situation récurrente depuis 3 ans) au milieu d’un groupe-classe de 26 CP ayant eux-mêmes de grandes difficultés (public de REP… mais école non classée REP), je suis sous anxiolytiques pour continuer malgré tout à exercer mon métier, parce que l’injonction “Faites-vous arrêter” renvoie à me dire que je suis une incapable, malade, et coupable et ça, c’est encore plus déprimant car j’aime enseigner…et que je sais que je ne serai pas remplacée faute de ZIL. »
Combien sommes-nous à pouvoir écrire peu ou prou les mêmes choses ? Combien sommes-nous à souffrir, à culpabiliser, à chercher pendant des heures des solutions introuvables, à tenter des adaptations incroyables pour parvenir à gérer miraculeusement la classe malgré tout ? Combien sommes-nous à tenir ainsi, coûte que coûte ?
A l’évidence, très nombreux, et de plus en plus nombreux. Avec beaucoup de questions et le sentiment que cela ne peut pas continuer ainsi.
« Que faire quand vous prenez une gifle par un enfant et qu’un autre élève de la classe vous mord les doigts ? » demandait cette AESH d’une académie du Sud de la France à son troisième jour dans « une classe compliquée ». Le problème est que ces classes dites compliquées sont en passe d’être la norme ! Elles sont devenues si fréquentes qu’il faut désormais s’estimer heureux quand les situations qu’elles regroupent ne sont pas trop nombreuses, ni impossibles à maîtriser ensemble. Ces situations sont très diverses et ne peuvent pas être traitées de la même façon, tant les solutions dépendent du vécu et de l’élève à inclure : de la différence où l’adaptation pédagogique est requise et justifiée, et surtout permet les progrès et l’apprentissage dans un cadre relativement serein, aux inclusions extrêmement difficiles pour ne pas dire subies par tous, où la progression de la classe entière est remise en question, et la souffrance partagée par tous.
« L’Ecole inclusive, c’est pour moi la cause n°1 des souffrances psychologiques des enseignants du premier degré, et les instits ne vont pas bien, pas bien du tout. De plus, l’école n’est pas un lieu pour accueillir des enfants avec des handicaps mentaux aussi lourds, et la présence ou non de personnels AESH n’y change pas grand-chose, il faut à ces enfants des locaux adaptés, des personnels formés, sans quoi ils ne peuvent ni être heureux ni progresser.
On s’est plantés, il faut revenir là-dessus, les enfants à besoins particuliers doivent être inclus de façon intelligente et pas automatique, je sais que ce n’est pas politiquement correct mais je suis certain que la majorité de mes collègues le pensent sans oser le dire. » (Philippe, PE, académie Orléans-Tours)
Eh bien, osons le dire !
Comme Philippe, Fadela, Cécile, Xavier, Valérie, Lucie, Pascal, Romain, Catherine et tous ceux dont vous pourrez déjà lire les témoignages ici, n’hésitez plus à prendre la parole et écrivons ensemble le livre noir de l’inclusion scolaire, un bilan d’étape de l’inclusion que personne ne pourra ignorer ni mettre sous le tapis car il sera réellement basé sur votre vécu au sein des classes !
Action & Démocratie aura à cœur de recueillir l’ensemble de vos témoignages en vous garantissant l’anonymat et s’engage à porter votre parole aux plus hautes autorités afin que l’on avance enfin sur ce sujet. Nous sommes persuadés que c’est urgent, et qu’ensemble, nous allons vraiment pouvoir faire bouger les choses ! Alors à vos plumes et vos claviers !