Le livre noir de l'école inclusive
Publication : 15 octobre 2024
L’inclusion : entre petites satisfactions et grandes souffrances
« Que faire quand vous prenez une gifle par un enfant et qu’un autre élève de la classe vous mord les doigts ? » demandait il y a quelques semaines cette AESH d’une académie du sud de la France à son troisième jour dans « une classe compliquée ».
« Coups de pied, chaises lancées en classe : une directrice d’école porte plainte contre un élève de 8 ans » titrait La Voix du Nord suivi hier par Le Figaro en rapportant les violences subies par notre collègue de l’école René-Bry de Trélon (Hauts-de-France), à qui vont toutes nos pensées solidaires.
Allons-nous tous devoir en arriver là pour que l’on s’intéresse enfin à la réalité de l’inclusion de ces enfants dans nos classes ?
Il est urgent que le sujet soit traité sérieusement et sans langue de bois, dans toute sa complexité et en tenant compte de tous ses aspects, les bons comme les mauvais et les pires. Et ceux qui sont sur le terrain sont les mieux placés pour cela.
« Encore un cri… un hurlement en pleine classe devrais-je dire… Un autre enfant qui se lève et court après le premier… qui vient de lui prendre son feutre des mains et de s’enfuir hors de la classe avec. Du chahut dans toute la classe et des risques énormes que la maîtresse doit gérer à tous les instants pour éviter que la situation ne dégénère.
Un sourire… quelques applaudissements et des éclats de rire autour de cet enfant qui réussit malgré ses difficultés et ses différences. Un instant de bonheur pour l’enseignant, l’idée de remplir sa mission d’apprendre à tous. »
Et si nous parlions de l’inclusion avec des mots simples, des mots qui collent à la réalité du terrain comme le fait cette collègue ? Et si nous prenions tous enfin la parole, sans posture idéologique, sans chercher à prouver quoi que ce soit, juste pour dire le réel et mettre noir sur blanc le vécu des personnels qui accompagnent dans les écoles ces nombreux enfants quelquefois en réussite scolaire, mais souvent très peu élèves et source de profondes angoisses pour tous, autres enfants comme adultes ?
Nous avons besoin de votre témoignage pour faire bouger les choses !
« Accueillir dans une même classe de CP/CE1 un enfant avec trouble autistique + un enfant hyperactif en attente de traitement médicamenteux + un dysphasique sévère + une enfant en attente de diagnostic dyspraxie ou pas, sans aucun AESH, ça parle tout seul, non ? »
Voilà ce que nous écrivait l’an dernier une autre collègue suite à notre appel à témoignage dans une circonscription des Yvelines. « Ça parle tout seul » ? Pas sûr. Ça parle évidemment à ceux qui savent de quoi elle parle. A ceux qui vivent la même chose et qui sont de plus en plus nombreux. Voici la suite de son téoignage :
« Devant la difficulté à supporter les cris, l’agitation constante et l’impossibilité d’entrer dans les apprentissages d’un ou plusieurs élèves (situation récurrente depuis 3 ans) au milieu d’un groupe-classe de 26 CP ayant eux-mêmes de grandes difficultés (public de REP… mais école non classée REP), je suis sous anxiolytiques pour continuer malgré tout à exercer mon métier, parce que l’injonction “Faites-vous arrêter” renvoie à me dire que je suis une incapable, malade, et coupable et ça, c’est encore plus déprimant car j’aime enseigner…et que je sais que je ne serai pas remplacée faute de ZIL. »
Combien sommes-nous à pouvoir écrire peu ou prou les mêmes choses ? Combien sommes-nous à souffrir, à culpabiliser, à chercher pendant des heures des solutions introuvables, à tenter des adaptations incroyables pour parvenir à gérer miraculeusement la classe malgré tout ? Combien sommes-nous à tenir ainsi, coûte que coûte ?
A l’évidence, très nombreux, et de plus en plus nombreux. Avec beaucoup de questions et le sentiment que cela ne peut pas continuer ainsi.
« Que faire quand vous prenez une gifle par un enfant et qu’un autre élève de la classe vous mord les doigts ? » demandait cette AESH d’une académie du Sud de la France à son troisième jour dans « une classe compliquée ». Le problème est que ces classes dites compliquées sont en passe d’être la norme ! Elles sont devenues si fréquentes qu’il faut désormais s’estimer heureux quand les situations qu’elles regroupent ne sont pas trop nombreuses, ni impossibles à maîtriser ensemble. Ces situations sont très diverses et ne peuvent pas être traitées de la même façon, tant les solutions dépendent du vécu et de l’élève à inclure : de la différence où l’adaptation pédagogique est requise et justifiée, et surtout permet les progrès et l’apprentissage dans un cadre relativement serein, aux inclusions extrêmement difficiles pour ne pas dire subies par tous, où la progression de la classe entière est remise en question, et la souffrance partagée par tous.
« L’Ecole inclusive, c’est pour moi la cause n°1 des souffrances psychologiques des enseignants du premier degré, et les instits ne vont pas bien, pas bien du tout. De plus, l’école n’est pas un lieu pour accueillir des enfants avec des handicaps mentaux aussi lourds, et la présence ou non de personnels AESH n’y change pas grand-chose, il faut à ces enfants des locaux adaptés, des personnels formés, sans quoi ils ne peuvent ni être heureux ni progresser.
On s’est plantés, il faut revenir là-dessus, les enfants à besoins particuliers doivent être inclus de façon intelligente et pas automatique, je sais que ce n’est pas politiquement correct mais je suis certain que la majorité de mes collègues le pensent sans oser le dire. » (Philippe, PE, académie Orléans-Tours)
Eh bien... osons le dire !
Comme Philippe, Fadela, Cécile, Xavier, Valérie, Lucie, Pascal, Romain, Catherine et tous ceux dont vous pourrez déjà lire les témoignages ici, n’hésitez plus à prendre la parole et écrivons ensemble le livre noir de l’inclusion scolaire, un bilan d’étape de l’inclusion que personne ne pourra ignorer ni mettre sous le tapis car il sera réellement basé sur votre vécu au sein des classes !
Action & Démocratie aura à cœur de recueillir l’ensemble de vos témoignages en vous garantissant l’anonymat et s’engage à porter votre parole aux plus hautes autorités afin que l’on avance enfin sur ce sujet. Nous sommes persuadés que c’est urgent, et qu’ensemble, nous allons vraiment pouvoir faire bouger les choses ! Alors à vos plumes et vos claviers !
Le livre noir de l'école inclusive : vos témoignages
[Dernière mise à jour : 10/11/2024]
« Accueillir dans une même classe de CP/CE1 un enfant avec trouble autistique + un enfant hyperactif en attente de traitement médicamenteux + un dysphasique sévère + une enfant en attente de diagnostic dyspraxie ou pas sans aucun AVS ça parle tout seul non ? »
« J’avais une AESH pour une petite autiste. Tout se passait bien jusqu’à ce que la coordinatrice PIAL me demande de partager l’AESH avec une autre école. La petite cherche son AESH et tout part en cacahuète ! »
« Aucune structure ne l’a accepté, y compris l’hôpital de jour pour enfants autistes, ayant indiqué que la déficience est trop importante, mais nous, école maternelle, sommes obligés de l’accepter, c’est aberrant… »
« Jet de projectiles dans tous les sens, violence envers les autres, cris. Impossible de faire classe correctement : les autres enfants sont perturbés par la situation. Je suis en arrêt accident du travail (2 semaines et demi) : blessure au bras (du fait de l’élève). J’ai demandé de l’aide à mon inspectrice en début novembre, la cellule PAIRE est venue en… mai ! »
Voici un tout petit échantillon des nombreux témoignages reçus spontanément qui nous ont décidé à rédiger avec vous le livre noir de l’école inclusive. Vous trouverez ci-dessous, dans l’ordre de réception, les premières contributions suite à notre appel à témoignage du 15 octobre 2024. Une mise à jour régulière de cette page fera apparaître vos contributions au fur et à mesure de leur réception. N’hésitez pas à en parler autour de vous et auprès de vos collègues. Vous pouvez adresser à tout moment une contribution par mail aux référents nationaux PE à l’adresse ad.ref.pe@gmail.com
J’ai toujours accueilli des élèves en situation de handicap et ce bien avant l’obligation. La difficulté est que tous les handicaps ne sont pas possibles à inclure. Certains comportements sont dangereux et mettent en péril les enseignants et surtout les autres élèves. Le handicap provoque souvent de grandes fatigues aux élèves qui en sont porteurs et leur emploi du temps est toujours trop lourd (surtout en maternelle). Le temps accordé aux avs ne correspond jamais au temps réel de présence de l’élève handicapé (alors quoi ? il n’est plus handicapé quand l’avs n’est pas là ?). Et pour finir (car je pourrai continuer des pages entières…) les parents d’enfants handicapés sont souvent (presque toujours) dans le déni, ce qui les rend tendus vis à vis des enseignants voire agressifs (et on n’a vraiment pas besoin de ça !).
Hélène, PE académie de Lyon
«Devant la difficulté à supporter les cris, l’agitation constante et l’impossibilité d’entrer dans les apprentissages d’un ou plusieurs élèves (situation récurrente depuis 3 ans ) au milieu d’un groupe-classe de 26 CP ayant eux-mêmes de grandes difficultés (public de REP, mais école non classée REP… ), je suis sous anxiolytiques pour continuer malgré tout à exercer mon métier, parce que l’injonction « faites-vous arrêter ! » revient à me dire que je suis une incapable, malade, et coupable. Et ça, c’est encore plus déprimant car j’aime enseigner…et que je sais que je ne serai pas remplacée faute de ZIL.
Gaëlle, PE académie de Créteil
J’ai un niveau de toute petite section et petite section, donc des enfants qui n’ont jamais fréquenté pour la plupart la collectivité, et chaque année j’ai un élève en situation de handicap (autisme, trisomie). J’oubliais de préciser que je suis en REP +. Bref l’inclusion pour moi c’était de permettre à l’enfant de fréquenter l’école de façons régulière mais à petite dose et que le reste du temps il était accompagné dans des structures adaptées. Je n’ai aucune formation d’éducatrice spécialisée ce n’est pas ce concours que j’ai choisi de passer et aujourd’hui pour faire plaisir aux familles et les laisser dans un déni qui n’aidera pas leur enfant par la suite, pour éviter de mettre les moyens pour les instituts spécialisés, je dois faire et à temps plein avec un ou plusieurs enfants qui déstructurent une classe déjà difficile, à être psychologue pour les parents, pédiatre, infirmière, orthophoniste, conseillère d’aide à la parentalité, aesh, atsem et tout ça avec la pression de l’institution qui veut du résultat et avec un seul salaire.
Soraya, PE, académie de Lyon
Notre école dispose d’une classe ULIS, ce qui permet une inclusion partielle de la plupart des élèves à besoins particuliers, je mesure notre chance : En relation avec la collègue chargée de cette classe, nous avons pu mettre en place un emploi du temps qui tient compte du profil de chaque élève, une inclusion à visage humain, basée sur la réalité et pas sur un dogme. Mais pour d’autres enfants handicapés qui ne sont pas n ULIS c’est plus compliqué, j’ai par exemple un élève très dyslexique en CM2, l’adaptation me demande beaucoup de travail de préparation supplémentaire mais surtout le temps que peut lui consacrer son AESH est très insuffisant, cette personne -bien que compétente et dévouée- doit s’occuper de trois élèves dans l’école, c’est du saupoudrage !
Notre commune dispose d’un IME, je redoute le jour où il va fermer et où l’ensemble de ces enfants seront inclus en milieu ordinaire, ce sera ingérable.
Cécile, PE académie Orléans-Tours
« L’école inclusive », l’idée sur le papier est très belle mais la réalité de terrain est compliquée, l’inclusion ne devrait pas être systématique mais au cas par cas, tout dépend de la nature et de l’ampleur du handicap, je pense que certains élèves que l’on inclut n’ont pas leur place dans des classes ordinaires. Car mêmes les élèves dits « ordinaires » deviennent difficiles à gérer, avec une attention et une concentration très réduite, sans compter parfois les effectifs trop élevés. L’inclusion se rajoute à aux difficultés : j’ai chaque année des élèves qui ont des besoins particuliers, certains avec des notifications MDPH, d’autres qui ont des troubles non reconnus. A la fin d’une journée, c’est très frustrant de se dire « tu ne peux pas te multiplier » « tu ne peux pas répondre aux problématiques posées par ce type d’élèves »… Je vois trop d’enfants qui sont en souffrance et pour qui je ne peux rien faire. Les structures médico-éducatives adaptées doivent non seulement subsister mais même se développer, si l’Etat les ferme pour balancer tout le monde en milieu ordinaire, ce sera un désastre, la casse définitive du service public, plus personne n’arrivera à travailler. J’en veux à ces politiques qui n’ont aucune idée des réalités du terrain, ils ne voient que la communication et la comptabilité !
Pascal, PE académie Orléans-Tours
Je suis enseignante spécialisée de Réseau d’aide et je constate chaque jour les difficultés que rencontrent mes collègues avec l’école dite « inclusive » : élèves handicapés, autistes ou ayant des troubles du comportement, violents… Les enseignants du primaire sont dépassés et se sentent abandonnés. En début d’année, les PE de notre secteur demandent au RASED de prendre en charge les « enfants en difficulté » mais je suis contrainte de leur expliquer que beaucoup de ces enfants ne relèvent pas de notre champ de compétences, qu’ils ont un handicap et ont besoin d’une prise en charge extérieure. Ce diagnostic est souvent très mal pris par les collègues : « Mais qu’est-ce que je vais faire moi avec cet enfant ?! Tu pourrais quand même le pendre pour me soulager quelques heures par semaine ! » et c’est souvent ce que je finis par faire en effet. Mais cette prise en charge, inadaptée, ne sert qu’à aider l’enseignant et n’est pas bénéfique pour l’enfant.
L’école inclusive telle qu’elle est pratiquée est source de souffrance, l’enseignant n’est pas formé et se retrouve généralement seul face à un problème insoluble. Quand des soins extérieurs sont décidés, ils mettent beaucoup de tps à se mettre en place et encore plus de temps à faire de l’effet. Quand un placement en établissement médico-éducatif est décidé, il faut des années pour qu’une place se libère. Et -pire- si ces établissements venaient à fermer et leurs personnels transformés en équipes mobiles, les classes deviendront totalement ingérables : ces enfants à besoins particuliers qui réclament une attention spécifique et constante ne pourront jamais supporter la « pédagogie de masse » et les enseignants vont massivement jeter l’éponge. Ils sont déjà nombreux à le faire.
Valérie, enseignante spécialisée, académie Orléans-Tours
Nous avons eu notre évaluation d’école cette année, nous en avons profité pour déplorer le plus gros souci à nos yeux : la mutualisation des AESH ! J’avais l’année dernière un enfant de Moyenne section diagnostiqué hyperactif, il ne parvenait pas à se concentrer, à rester assis, il criait, se roulait par terre, se faisait même du mal, j’ai dit à mon IEN que s’il devait rester en milieu ordinaire alors il avait besoin d’une aide permanente, que les crises pouvaient se déclencher n’importe quand. Mais nous n’avons pas pu obtenir davantage d’heures. Finalement, ça s’est amélioré parce que l’enfant a reçu un traitement médical. Dans la classe de ma collègue qui a des GS/CP/CE1 une autre AESH est présente à plein temps mais pour 3 enfants à la fois !
Je suis scandalisée que la profession d’AESH soit si peu reconnue, mal payée et mal considérée, alors que ces personnels sont aujourd’hui essentiels. Si l’école inclusive va plus loin dans les prochaines années, en incluant tous les élèves handicapés, ce sera une catastrophe, car jamais l’Etat ne mettra les moyens suffisants.
Fadela, enseignante RASED, académie Orléans-Tours
« Dans notre petite école de campagne, il a fallu attendre quatre ans avant qu’un enfant extrêmement violent soit enfin orienté en ITEP, cette situation a usé jusqu’à la corde plusieurs enseignants et fragilisé beaucoup d’enfants de la classe. Cet élève refusait tout travail et n’acceptait que de jouer ou colorier toute la journée. Quand il piquait une crise, il fallait que je protège les autres enfants, quitte à prendre des coups. Qu’on ne vienne pas me dire que la place de cet enfant était dans une école ordinaire, il avait besoin de soins urgemment et d’un enseignement adapté, il rendait aussi la vie impossible à ses camarades. Il faut des moyens pour les ITEP, ils sont débordés. Les enseignants comme moi ne sont pas formés à gérer une telle violence et ce n’est pas mon métier. »
Lucie, PE, département de l'Indre
L’Ecole inclusive, c’est pour moi la cause n°1 des souffrances psychologiques des enseignants du premier degré, et les instits ne vont pas bien, pas bien du tout. De plus, l’école n’est pas un lieu pour accueillir des enfants avec des handicapés mentaux aussi lourds, et la présece ou non de personnels AESH n’y change pas grand-chose, il faut à ces enfants des locaux adaptés, des personnels formés, sans quoi ils ne peuvent ni être heureux ni progresser.
On s’est plantés, il faut revenir là-dessus, les enfants à besoins particuliers doivent être inclus de façon intelligente et pas automatique, je sais que ce n’est pas politiquement correct mais je suis certain que la majorité de mes collègues le pensent sans oser le dire.
Philippe, académie Orléans-Tours
Quand je pense « inclusion », ça m’évoque d’abord cet élève que j’ai eu l’an dernier en classe de CM2 : Présent chaque matin de la semaine, il accaparait beaucoup de mon temps pour du travail adapté, souvent peu réussi. Son comportement était généralement inadapté (cris d’animal en classe, langage vulgaire, passages sous tables, chaises renversées, fuites dans la cour ou dans l’école – côté maternel -), des crises régulières, une insolence régulière, de la violence (coups de pied à mon encontre). Je l’ai ceinturé deux fois, en étant assis, car trop violent (une fois devant les élèves, en classe). Pour quel bilan ? pour moi : moins de temps pour les autres élèves de la classe, sur le qui-vive quand il était présent, une ambiance de classe dégradée avec de l’appréhension pour les élèves : de la peur, du stress, des pleurs parfois, des apprentissages perturbés …
Moi je ne l’ai eu qu’un an mais je pense à ses camarades qui l’ont subi plusieurs années de suite.
L’inclusion intelligente doit prendre certes l’élève intégré en compte mais aussi les autres élèves de la classe, l’enseignant et parfois aussi l’école entière (récréations).
Xavier, PE, académie Nantes
Comme indiqué, je fais cette démarche à titre individuel, mais tous mes collègues sont au courant ainsi que ma directrice. Les conditions de travail deviennent désastreuses car n’ayant pas le personnel nécessaire au sein du dispositif Ulis (aesh) ainsi que des dossiers gevasco pour ces élèves demandant des prises en charge en IME qui ne sont pas honorées faute de place, nous accueillons des élèves dans des conditions inadaptées et ne respectant pas les conditions de sécurité (fugues, fuites) pour eux en particulier, mais évidemment aussi pour les autres élèves.
À ce jour, une collègue T1 est sur le poste d’ULIS et est au bord de craquer. Mes autres collègues sont comme moi, déjà « épuisés » nerveusement car, certains élèves demandent tellement d’énergie que ceux qui devraient être accueillis en dispositif Ulis ne le sont pas ou presque pas et demeurent dans leur classe de référence, sans quasiment aucun accompagnement d’AESH. Nous venons d’accueillir ce jour un élève d’Ulis supplémentaire qui était à temps plein apparemment en IME à Arles et il a été affecté chez nous sans « autre forme de procès ». Il a mordu la collègue d’Ulis. En outre, nous avons appris en fin d’année dernière que l’école subirait une inspection… la coupe déborde…
Nous voudrions mener une action intelligente et construite pour que notre hiérarchie fasse le nécessaire pour que le dispositif Ulis respecte son mode de fonctionnement afin que l’école sorte de ce mode très dégradé de travail. Nous voudrions aussi savoir comment ne pas se laisser « embarquer » dans cette inspection d’école. N’hésitez pas à m’appeler et je vous remercie d’ores et déjà pour le temps que vous pourrez nous consacrer.
Marc, PE, académie d'Aix-Marseille
Dans l’école maternelle de 5 classes dans laquelle je suis directrice, nous accueillons depuis cette rentrée :
– 1 autiste avec 12h AVSi
– 1 retard global du développement avec 15h AVSi
– 1 déficient visuel avec 18h AVSi
– 1 trisomique avec 18h AVSi
Pour la 1ère fois, les nombre d’AVS de l’école correspondait à nos notifications à la rentrée, après 1 démission le 31/8 et un recrutement avec 1 semaine de retard, géré par l’IA (ce qui n’a pas toujours été le cas). Mais nous avons aussi 2 dossiers MDPH déposé en mai, toujours en attente de notification. 1 élève en retard global de développement qui vient de déménager et dont l’AVS a suivi. 2 dossiers que nous avons fini par faire déposer à 2 familles après de nombreuses EE et beaucoup de diplomatie… 2 cas dont les parents ne veulent pas entendre parler de MDPH…
Dans le Rhône aujourd’hui, l’examen de dossier MDPH est de 8 mois. Les attentes sont inacceptables, les AVS pas encore recrutés, mais les enfants bien présents dans les classes…
En résumé, nous avons aujourd’hui 10 élèves à besoins particuliers (notifiés ou non), dont seulement 4 sont pris en charge. Sans parler de ces nouveaux élèves qui ne supportent pas le NON, la frustration, l’attente, le partage, la vie en collectivité…
En maternelle, le « package » d’heures de notification n’est pas forcément en adéquation avec le « package » d’heures d’AVS : présence des élèves plutôt le matin, car sieste l’après midi, soins sur le temps scolaire. 3 AVS à 26h par semaine dans notre école.
Catherine, académie de Lyon
Je suis enseignante en maternelle dans les Yvelines. Avec mes collègues nous trouvons qu’il y a de plus en plus d’élèves à besoins particuliers et hautement perturbateurs, reconnus MDPH ou non.
J’ai eu 2 ans un élève autiste, en PS et GS. En petite section, il hurlait et jetait les jeux à travers la classe. Il n’avait pas d’AESH. Ses camarades de petite section disaient les jours où il était absent « Ça va être calme aujourd’hui ». En grande section cet élève est devenu violent envers ses camarades (tirer les cheveux, pincer très fort les joues) et envers son AESH et moi-même. Nous avions des bleus sur les bras, plus d’une dizaine, car il pinçait très fort. Cet élève était scolarisé à temps plein, les soins étant dispensés en dehors des horaires scolaires. Cet élève a été maintenu en GS face au refus des parents vers une orientation. Son comportement violent a perduré.
Cette année j’ai dans ma classe de PS-GS un élève de GS hautement perturbateur, violent envers les autres élèves et les adultes : donne coups de pied, coups de poing, jette les chaises, frappe avec le matériel de motricité, sort de la classe, se sauve de l’école. Et c’est comme cela depuis la PS. Ses parents ont été longtemps dans le déni, rendant l’école responsable du comportement violent de leur enfant. Ils ont déposé un dossier MDPH en toute fin de MS. Ma collègue de MS a été arrêtée pour accident de service l’année dernière avec protection fonctionnelle à cause d’un jet d’objet à son visage. Je suis actuellement en arrêt pour accident de service cause de cet élève : épuisement psychologique et physique, trouble du sommeil…C’est difficile de demander un arrêt mais il en va de notre santé et nous ne pouvons pas porter à nous seuls les dysfonctionnements de l’Education nationale.
Tout a été fait dans notre école pour aider au mieux cet élève et sa famille. Les autres élèves ont peur de lui. Le pire dans cette histoire c’est que notre inspectrice n’est jamais venue échanger avec nous et n’a jamais reçu cette famille. Elle nous envoie le RASED, l’EPAE. Cependant aucune décision forte n’est prise. Nous nous sentons abandonnées.
Nous perdons le sens de notre métier et éprouvons de plus en plus de difficultés à faire classe dans un climat serein.
Magali, PE, académie Versailles (Yvelines)
Tout d’abord un grand merci de faire ce sondage aussi douloureux soit-il. Ce que vous faites aujourd’hui c’est exactement ce que je voulais faire. Je suis depuis un an brigade départementale et je vois tellement de souffrance dans les écoles à cause de cette inclusion à tout prix. Ce sujet est mis sous silence depuis trop longtemps.
Je vais faire mon possible pour être concise mais j’ai tellement de choses à dire. Après le covid 19 j’ai accueilli 10 nouveaux élèves dans ma classe de 27 élèves de PS, MS et GS. J’ai une ATSEM dans ma classe 2h le matin et 30minutes l’après-midi et c’est tout. Le reste du temps je suis toute seule dans un bâtiment à l’écart de l’école. Sur ces 10 nouveaux élèves il y en a 5 qui présentent des troubles du comportement (d’après une maîtresse G).
Trois ans plus tard on aura diagnostiqué un trouble du spectre autistique et deux TDAH. Il y aura eu une main courante et deux signalements auprès des services sociaux. Il y aura eu deux enfants aux urgences pour recevoir des points de suture car ils ont été poussés volontairement. Il y aura eu deux adultes à l’hôpital car l’un des élèves leur aura respectivement fait une entorse au poignet et donné un mauvais coup dans les parties intimes. Moi, j’ai terminé l’année avec un téléphone rempli de photos des blessures de mes élèves : bleus, griffures, morsures pour prouver que ce que je vivais au quotidien était vrai. Mon ATSEM et moi avons nous aussi reçu des coups, tous les jours. Mais bon comment blâmer un enfant de 4 ans face à un adulte. Combien de fois nous sommes nous retrouvées le soir à pleurer dans la classe d’épuisement. Pourtant je me considère comme quelqu’un de solide. J’ai eu une vie un peu rude. Mais là, pour la première fois de ma vie, j’ai terminé sous antidépresseurs et en arrêt pour dépression… On s’est bien moqué de moi dans mon entourage. « En dépression à cause d’enfants de maternelle ?! » Non ce n’est pas à cause des enfants. C’est à cause d’un système sourd et maltraitant. A cause d’une Inspection à bout de souffle aussi qui vous suggère de laisser les enfants dans un coin pour « acheter la paix sociale » (citation d’un conseiller pédagogique). Des sonnettes d’alarme j’en ai lancées des dizaines. Des conseillers pédagogiques sont venus me voir plusieurs fois. J’ai même été inspectée. Pour que l’on me dise au final « Quand je vois une classe comme la vôtre je suis bien content de ne plus enseigner » (citation de mon Inspecteur). On m’a remercié pour mon dévouement et puis … rien. Le silence… Toujours ce silence assourdissant de ceux qui sont là-haut dans ces hautes très hautes sphères.
Aujourd’hui je suis, par le hasard du destin, coordonnatrice pédagogique dans un IME en plus de mon travail de brigade départementale. J’ai réussi à fuir cette école dans laquelle j’ai tant souffert. Je suis au contact de ces jeunes en situation de handicap au quotidien. Je suis au contact d’enseignants spécialisés qui ne prennent pas plus de 6 enfants en même temps dans leur classe et qui sont formées. Je suis face à des jeunes qui sortent enfin du système scolaire ordinaire et qui le vivent comme une libération. « A l’IME c’est le paradis » (citation d’un jeune de 12 ans).
Aujourd’hui, on me demande d’appeler toutes les familles pour leur demander de réinscrire leurs enfants dans leur école de secteur pour qu’ils puissent être scolarisés « comme tout le monde ». Aujourd’hui, coûte que coûte il va falloir que tous retournent à l’école car c’est un droit. Oui, mais à quel prix ?
Merci pour votre temps. Merci d’avoir été un espace de parole. ça m’aura au moins fait un peu de bien car un an après j’en ai encore le souffle court à me remémorer tout ça.
Maud, PE, académie d'Orléans-Tours
Enseignante spécialisée, j’ai assisté récemment à une formation sur les liens entre l’école et les lieux de soin, organisée par une association médico-sociale.
Notre supérieur hiérarchique était présent lors de l’ouverture de cette formation et, s’il a chaleureusement salué tous les acteurs de l’école inclusive, il n’a pas eu un mot pour les enseignants des classes qui accueillent tous ces élèves « à besoin éducatifs particuliers », ceux qui sont en première ligne, qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont pour gérer cette complexité. Il n’y en avait d’ailleurs pas un seul dans la salle pourtant constituée environ à moitié de personnels de l’Education Nationale. Il aurait fallu les remplacer ; ils étaient donc au charbon, sur le terrain, comme toujours.
Cette formation n’a été qu’une succession d’explications de déroulés de consultations nous expliquant comment ils s’y prenaient pour poser un diagnostic et sur comment l’enfant et la famille étaient accompagnés. Certains médecins ou rééducateurs ont pris rapidement la peine d’évoquer les listes d’attente inexorablement longues et les délais qui s’allongent, présentés comme dommageables mais contre lesquels on ne peut rien. Soit.
Tout semblait hors sol, comme si ces enfants n’existaient que dans le cabinet de ces médecins ou de ces rééducateurs et que leurs difficultés, leur agitation, voire leurs impossibles disparaissaient une fois la porte refermée. Cette journée m’a laissée un goût amer et je me sens très en colère. Quel regard le soin porte-t-il sur l’Ecole ? Pourquoi cette sensation de décalage entre les enseignants en première ligne, qui souffrent, que l’on ramasse souvent à la petite cuillère, et ces soignants, dans leur tour d’ivoire, à donner leurs instructions, de loin ?
Comment se fait-il qu’ils ne contactent pas l’école de l’enfant, eux qui le voient 1h par an ou par semaine au mieux dans leur cabinet alors que cet enfant vit parfois plus de 25h dans son école chaque semaine ?
Comment se fait-il que cette relation soit aussi verticale ? Quid de l’expertise d’un enseignant ? Est-il seulement bon à être le docile soldat qui exécute les ordres de l’Etat-Major ?
Les médecins continuèrent de raconter leur métier comme s’ils vivaient dans une bulle et les membres de l’Education Nationale s’exprimant ce jour-là, qui travaillent tous hors des classes, prirent soin de ne choisir d’évoquer que des situations dans lesquelles ils avaient joué un rôle central et œuvré à obtenir un apaisement. Happy end, ouf ! Et les autres ?
Un médecin psychiatre osa évoquer les difficultés et les limites de l’école inclusive. Ce fut le seul à saluer « le travail formidable des enseignants ». Le seul à évoquer le fait que l’école inclusive soit une cause juste mais en en dénonçant les limites sans moyens suffisants et en précisant qu’elle n’était pas adaptée pour certains enfants en grande souffrance. Alors qu’il émettait des doutes sur le tout neurologique et valorisait la prise en charge globale d’un enfant, ce fut également le seul moment où plusieurs professionnels rééducateurs s’exprimèrent à haute-voix, lui reprochant d’être vieux et lui conseillant d’aller se former.
Comment se fait-il que tous ces gens semblent ignorer à quel point cela est difficile actuellement dans de nombreuses classes des écoles publiques ?
Comment se fait-il qu’il n’y ait eu quasiment aucun mot, même pas de la part de notre propre chef, pour les collègues en classe qui sont la première ligne et qui sont bien les seuls à ne pas avoir de liste d’attente, bien obligés d’accueillir tous les élèves, l’école publique étant le seul endroit où l’on ne puisse pas refuser un élève ?
Quels sont les enjeux réels autour de cette école inclusive à tout prix ? Comment faire pour changer cette situation intenable ?
Myriam, enseignante spécialisée
Bonjour, je suis PES dans une petite section en maternelle et j’envisage de démissionner. J’ai 25 enfants en petite section et je suis littéralement consternée, pétrifiée, de laisser chaque jour toute une classe à l’abandon pour m’occuper d’enfants handicapés. J’ai 3 enfants en cours de diagnostic, un enfant autiste qui ne supporte pas qu’on le touche avec des intérêts spécifiques, un enfant autiste tdaH très désinhibé qui passe ses journées nu, et une petite fille très violente avec une déficience intellectuelle, qui frappe tout le monde, hurle etc…
La rentrée m’a choquée parce que je deviens maltraitante, parce que je ne peux pas m’occuper des autres enfants. Parce que les 3 enfants nous monopolisent moi et l’ATSEM et qu’il n’y a pas de solutions… Pour avoir une aesh il faut déjà avoir un diagnostic et une reconnaissance de handicap.
Ces 3 enfants vont juste devoir attendre de longues années et ne pas être soignés…parce que les rdv sont longs. Impossible parfois à obtenir…
Et en attendant j’ai 22 enfants qui ne sont pas stimulés… n’aiment plus l’école… et s’ennuient. Ils se bouchent les oreilles et ne veulent plus aller à l’école. Quel désespoir pour un enseignant qui démarre !
Carole, PE, académie Strasbourg
Voici mon témoignage, je me suis reconvertie en 2015 après avoir passé 12 ans en entreprise.
Cela fait 9 ans que j’enseigne, et cette année je prends plaisir à enseigner à mes 22 CE1 dont 2 en inclusion. Mais une inclusion saine, des enfants capables de suivre les apprentissages d’une classe de CE1 quelques heures par jour et qui retournent en ULIS pour souffler et aller à leur rythme. Première année que je n’ai pas de cas très lourd dans ma classe, pas de Liam en attente d’une place en IME et qui crie toute la journée, pas de Lola en attente d’une place en foyer et qui s’automutile à la moindre contrariété. 9 ans à stresser chaque été à cause des nouvelles pathologies que je vais découvrir à la rentrée. J’ai plusieurs fois pensé à quitter cette profession car l’inclusion de certains enfants était une source de souffrance pour moi.
Viviane, académie de Grenoble (Isère)
Inclure coûte que coûte n’a aucun sens, ni pour l’enfant, ni pour les autres élèves, ni pour l’enseignant. Il y a un côté rassurant, « mon enfant est comme tous les autres, il va à l’école », mais dans certains cas, c’est se voiler la face.
Certaines inclusions sont formidables, d’autres beaucoup moins, je me souviens d’une fois où un enfant autiste était qualifié de « plante verte » par une collègue ; plante verte car oui il était à l’école, mais pour lui comme pour les autres, presque rien ne se produisait.
Une autre classe devait sortir de la classe lorsque l’enfant en question faisait des crises, une fois calmé, les élèves pouvaient revenir à leurs apprentissages.
L’inclusion change le métier d’enseignant, nous sommes en plus psychologue, assistant social, éducateur spécialisé…C’est parfois si lourd, un enfant perturbe une vingtaine d’autres, parce qu’il n’est pas à sa place, pourquoi n’est-il pas à sa place ? Pour donner bonne conscience à l’institution, rien de plus.
Audrey, PE, académie de Grenoble
Enseignante en maternelle depuis plus de 35 ans, je trouve les conditions de travail de plus en plus compliquée même en milieu « ordinaire ».
J’accueille cette année (mais c’est récurrent tous les ans maintenant !) un enfant autiste maintenu en GS faute de place en établissement spécialisé. Certains moments sont bénéfiques pour lui. Mais le temps de présence à l’école reste beaucoup trop long pour lui ce qui génère des crises éruptives quotidiennes aussi soudaines qu’imprévisibles. Les AESH (2 en alternance, pour pouvoir encaisser la lourdeur de la situation) et moi-même, devons régulièrement esquiver les coups de pied, crachats, grossièretés (« ta gueule ») à la moindre contrariété ou trop plein et protéger les autres enfants… Bien évidemment dans la classe, il y a d’autres enfants qui rencontrent des difficultés ou en attente de constitution de dossier MDPH ou de réponse de celle-ci…
Voilà le quotidien des enseignants d’aujourd’hui ! Pas étonnant qu’il y ait une crise des vocations…même si ce n’est pas la seule raison à cela !
Et en maternelle, le temps que les diagnostiques soient posés, les dossiers montés et traités, il est presque plus rare d’avoir un AESH ou une quelconque aide que le contraire !
Cordialement
PS je ne sais pas si ce message aura un impact ou non mais j’aurais au moins pu exprimer mon ressenti
Sylvie, PE, académie Versailles
Après la lecture des témoignages des collègues à propos de l’inclusion scolaire, je souhaite ajouter ma pierre à l’édifice en espérant que le recueil de tous nos témoignages permettront de faire bouger un peu les choses.
Je suis actuellement en remplacement long dans une classe de MS. Une élève notifiée MDPH me met en difficulté : elle n’est pas dans les apprentissages, elle ne parle pas, elle a une attention très très limitée, elle a tendance à abimer le matériel, mais le plus compliqué à gérer est qu’elle est violente avec ses camarades et qu’elle a tenté plusieurs fois de se sauver de la classe ou de l’école quand nous étions en récréation. Je dois donc constamment avoir un oeil sur elle car quelques secondes d’inattention de ma part lui suffisent pour faire mal à un camarade, renverser plusieurs boites de matériel ou se sauver. Résultats : plusieurs de ses camarades la fuient de peur d’être tapé, mordu, griffé, d’avoir les cheveux tirés, … les temps d’apprentissages sont perturbés, je peux difficilement avoir des temps individuels avec les autres élèves (pendant l’accueil par exemple), les parents s’inquiètent car les enfants se plaignent d’être tapés ou rentrent avec des traces de griffes et cette enfant doit également être dans le mal-être.
Cette enfant bénéficie de l’intervention de 3 AESH différentes qui peuvent intervenir seulement parce que l’élève qu’elles suivent à temps complet est en rendez-vous médical, pour un total de 7h sur 24h.
Chloé, académie de Lille
Oui, je connais ces situations mais heureusement j’ai eu la chance d’y échapper souvent pour l’instant. Malheureusement des collègues vivent cela tous les jours dans mon école. On s’entraide en faisant « tourner » les enfants en question dans les classes afin de soulager les enseignants mais oui je pense aussi que ces enfants ne peuvent pas être scolarisés au sein d’une classe « classique ». Mais je sais aussi qu’aucun inspecteur ne le reconnaitra ! Leur demander de l’aide c’est devoir faire plus de paperasse ! plus de projet, ce mot qui règle tout ! plus de contrat avec l’enfant et ou les parents, projet qui fait taire l’enseignant car c’est plus de contrainte pour aucun résultat, c’est couru d’avance on a déjà essayé ! ça permet juste de repousser la réponse attendue le temps d’essayer le contrat mais on sait que c’est inutile !
Les vraies solutions ne riment pas avec le « faut pas faire de vague » de l’EN ! De toute façon c’est bien d’actualité, ils auront tous leur bac, on rentrera dans les chiffres au final ! youpi ! Les vraies solutions c’est avouer qu’il y a des soucis, or il n’y en a aucun non ???
Les vraies solutions coûtent cher et c’est bien plus facile de caser des enseignants devant ces élèves là que de placer de l’argent qu’on n’a plus en France pour permettre aux autres enfants d’avancer ! Et puis les enseignants, on les prend pour faire le sale boulot et en plus ils ne couteront pas grand-chose à l’état, car ils démissionneront au bout de 3 ans déjà écœurés par leur travail de pseudo-enseignant ! Quant aux contractuels de plus en plus nombreux (1/3 il me semble ??? des enseignants dans la région parisienne), bah c’est leur faute si ça se passe mal, bah oui, ils ne savent pas enseigner… ! Facile ! on sait les trouver mais on ne sait pas les former ! faut juste du monde devant les élèves ! une classe un enseignant ! formule magique pour pouvoir dire « ça va bien » ! mais même ça ils n’ont pas réussi ! A Versailles j’ai entendu dire (donc méfiance mais bon…), qu’ils ont dû fermer au bout de 2 jours plutôt que 3 le temps de recrutement tellement par absence de candidats ; plus personne ne veut faire ce métier !
Mais une remarque personnelle : pourquoi a-t-on autant d’enfants à souci dans les écoles depuis 10/15 ans ???? C’est peut-être par là qu’il faut commencer non ?
Bon courage pour votre livre noir mais je doute qu’il serve à quelque chose, qui le lira ? juste ceux qui sont gênés par le souci, ce n’est certainement pas les politiciens qui n’en ont que faire !
Sabine, PE, académie de Versailles
Enseignante depuis 1996, je suis confrontée pour la troisième année consécutive à un enfant qui va très très mal mais pour lequel des solutions d’accueil tardent à se mettre en place. Les parents refusent de voir la réalité en face.
R. n’a pas encore 5 ans. C’est un enfant « attachiant » comme j’aime le dire car il a deux personnalités: il peut être surprenant dans les apprentissages s’il est décidé et calme, et en 3 secondes devenir un monstre qui se tape la tête contre les murs et les placards, se jette au sol et tourne en rond comme une toupie, attrape tout ce qu’il peut pour le frapper ou le mordre, hurle pire qu’un animal… sans parler des insultes qu’il profère à ses camarades de classe ou même aux adultes, et des coups de plus en plus violents qu’il assène à tout ce qui passe à sa portée.
Une fois la crise passée, il tente de s’excuser et regrette souvent ce qui vient de se produire, mais c’est plus fort que lui. Dès 11h du matin, il est fatigué et submergé par ses émotions qu’il n’arrive pas à contrôler. Il faudrait, à ce moment-là, qu’il puisse s’isoler dans un endroit calme et serein pour tenir jusqu’à midi qu’il puisse rentrer chez lui, mais c’est compliqué à mettre en place quand, dans l’école, aucun lieu ne s’y prête et personne ne peut rester avec lui.
Je gère déjà une classe à triple niveau (PS/MS/GS de maternelle) dans une petite école primaire de 3 classes (à triple niveaux elles-aussi). La directrice n’est pas déchargée et a également dans sa classe des enfants à profils particuliers… Nous ne savons plus où donner de la tête face à ces enfants chaque année plus nombreux et sans soutien ni aide concrète de notre institution.
Elle est belle l’école inclusive ! Mais quel intérêt si cela détruit l’enseignement et cause des troubles chez les enfants qui n’en avaient pas et sont obligés au quotidien de supporter cela ?
J’admire un peu plus chaque jour mes petits élèves qui me donnent des leçons de tolérance, de compassion, de pardon et de patience envers cet enfant qui les maltraite car, avec mon ATSEM, nous faisons tout ce que nous pouvons pour les protéger de R. mais il parvient tout de même à nous prendre parfois de vitesse et frappe ou mord un élève. Il est même arrivé l’an passé, alors que mon ATSEM marchait tranquillement en lui donnant la main, que R. se tourne et la morde violemment au bras, laissant la trace de sa mâchoire et un hématome à travers la manche de son blouson. Sans parler des coups de pieds qu’il lui a infligés dans les tibias quand elle essayait de l’habiller pour sortir !
Tout ce que nous avons obtenu, à force de faire remonter les faits à nos hiérarchies respectives, c’est la présence d’une ATSEM spécialisée envoyée par la mairie une demi-journée par semaine pour un peu la soulager. C’est déjà bien, mais les problèmes de comportement de R. augmentent avec l’âge.
Les dossiers de demande d’aide prennent énormément de temps avant que nous ne puissions espérer une prise en charge et l’obtention d’une AESH à ses côtés. Cela risque de ne pas aboutir avant la rentrée prochaine, en croisant les doigts pour que cela se fasse malgré tout !
J’en suis venue à compter les jours qui nous séparent des week-ends et des vacances, et ne tiens que parce que je suis sous traitement anxiolytique depuis l’an passé.
J’aime toujours mon métier, mais je ne suis pas sûre de pouvoir le faire jusqu’à la retraite (surtout si l’âge de départ augmente au fil des ans) !
Quel dommage que le ministère n’entende pas ses enseignants et les personnels qui font un travail remarquable dans les écoles. Le mal-être est réel. Le bateau coule et le capitaine a quitté le navire ? Qu’attendez-vous, au ministère, pour revoir votre copie sur l’école inclusive ? Que les choses se dégradent encore plus ? Bientôt, il sera trop tard pour revenir en arrière…
Cécile, PE, académie de Nice
En CE1/CE2, j’ai accueilli un élève présentant des troubles du comportement (de l’opposition).
Le 1er jour, son AESH a tellement reçu de coups de pieds que ces 2 jambes étaient couvertes de bleus. Nous avons rédigé une IP avec photos à l’appui, sans retour. Lancer de chaises sur les autres, lancer de pots en verre contre 1 mur, coups de poings sur ses camarades… ce fut notre quotidien pendant les heures de présence de cet enfant.
Lors d’une sortie en juin, il a donné des coups de poing à une mamie accompagnatrice et à 5 élèves. Il a voulu fuir alors que nous étions dans un espace ouvert (un parc). J’ai dû le neutraliser au sol : il me donnait tellement de coups de pieds dans le dos, que la grand-mère présente m’a aidée en maintenant les pieds au sol, puis il m’a crachée dessus, insultée pendant 45 minutes à la vue de tous les autres élèves de 6 classes car nous étions en USEPIADES. Il a fallu appeler sa structure spécialisée (ITEP)
J’ai évidemment rédigé une IP, mais mon supérieur m’a dit de ne plus neutraliser cet élève au risque de le blesser et de le laisser filer, en appelant les gendarmes.
J’ai eu une douleur à l’épaule et une sciatique après cet événement que j’ai mis des mois à soigner, en me privant de mes activités personnelles. Mon supérieur m’a obligé à emmener cet élève lors des autres sorties scolaires.
Heureusement, il allait à l’ITEP 4 demi-journée par semaine ! Sans cela, je n’aurai pas pu effectuer une année complète dans ma classe par épuisement nerveux.
Une autre année, nous avons accueilli un élève exclu de son école pour violence (bris de fenêtre ! adulte envoyé à l’hôpital), il jetait ses affaires sur les autres, les insulter, les frapper. Je devais évacuer ma classe quand il commençait une crise.
Il a voulu me sauter au visage après une crise, son père a dû le neutraliser au sol pendant 20 minutes pour le calmer.
Il a attaqué un intervenant sportif lors d’une séance d’EPS.
Quand j’ai évoqué un trouble du comportement en équipe éducative, le psychologue scolaire m’a répondu « mais pas du tout, c’est juste éducatif ! » donc pas d’aménagement et j’ai eu cet enfant 9 mois dans ma classe, avec des élèves terrifiés et une gestion quotidienne de négociation pour éviter la moindre crise. Au collège, il a été exclu sur le champ après la première bagarre et un professeur frappé !
L’année dernière, en maternelle, j’ai eu dans ma classe un élève autiste, qui n’avait ni le langage, ni le regard. Quand il arrivait, il lançait absolument tout sur son passage. Dans la cour, à la moindre contrariété, il nous frappait au visage, nous donnait des coups de pieds, frappait les enfants, leur arrachait leur lunette.
7 minutes de classe, il ne pouvait rester plus de 7 minutes dans la classe et on voulait qu’il vienne 1h30 sans récréation !!! Ce fut un véritable combat que de faire entendre que cela n’était pas possible (problème de dos, arrêt médical …).
Il y a plusieurs années, j’ai eu un élève qui présentait des troubles de la personnalité. Il menaçait les autres élèves, me volait mes affaires et cherchait toujours le risque (avec les pointes de compas en piquant les autres, il a cherché à stranguler une élève sur le temps des repas…). Il m’a cassé mon téléphone portable à coups de ciseaux…et les parents voulaient que l’on me change d’école !!!
Il a été placé dans une autre classe de mon école, j’ai dû lui préparer son travail quotidien pendant 2 mois sous peine d’être mise au tribunal pour non continuité des apprentissages !
J’ai porté plainte et mon dossier a été classé car j’ai eu un remboursement de 120 € pour mon téléphone. J’ai été convoquée 2 fois car on m’a dit que j’avais très certainement dû le contrarier pour qu’il en arrive là !
Je propose que tous les enseignants de France participent à la rédaction de cahiers noirs ou de doléance et qu’ils soient rendus publics, et portés à l’Assemblée nationale. Les médias ont honteusement crié au scandale pour une fessée donnée par notre collègue, mais ils ont réduit au silence les gifles, les coups reçus. Que fait une mère à 9h dans une école avec un téléphone à la main ?
Est-ce que nous filmons les coups que nous recevons, les gestes violents des enfants à l’égard d’autres enfants dans nos classes pour rendre visible à tous cette violence quotidienne ?
Christelle, académie d'Orléans-Tours
J’ai enseigné dans l’ordinaire, en IME, en SEGPA, en ULIS… Dans l’ordinaire, gérer des enfants en situation de handicap peut être très bénéfique pour l’enfant et bien l’aider à progresser, mais parfois, cela ne se passe pas si bien.
Lorsque j’étais T1, j’enseignais dans une REP+ avec AESH. 5 élèves auraient eu besoin de l’AESH. Un parlait tout seul et avait de grosses difficultés relationnelles et scolaires. Un autre entendait des voix et pouvait changer subitement de comportement et devenait ingérable. Il y avait de la violence à gérer. Lorsque j’allais dans d’autres écoles, ça me reposait. Quand ensuite j’ai enseigné en IME et en SEGPA, j’ai trouvé ça plus agréable. Ce n’était certes pas facile mais j’ai préféré être dans le spécialisé plutôt que dans l’ordinaire. La vérité est que, même si les équipes peuvent être sympa, on est très seul en primaire. Au collège, il y a un CPE, un principal adjoint, un principal, ça change souvent toutes les heures, il y a des AED aussi. En IME, il y a toute l’équipe médicale, éducative, thérapeutique, des chefs de service, un directeur, on n’est pas seul ! Et les échanges sont riches, nous sommes soudés avec nos regards croisés. Mais même en IME, certains enfants peuvent relever de la psychiatrie et non d’un IME, les mauvaises orientations font du mal à tous. Il faut vraiment bien orienter les élèves ! Et peut-être définir de meilleures évaluations afin de mieux orienter les enfants et adolescents.
Malgré mes formations et mon expérience, j’ai été en difficulté avec un élèves d’ULIS école qui était sans traitement, n’avait pas encore vraiment de suivi (tout début trop souvent interrompu, très irrégulier donc quelle hypocrisie de dire qu’il avait démarré un suivi!), il fallait gérer la sécurité des autres élèves, on se faisait insulter au quotidien et de nombreuses fois par jour, on se faisait taper, mon aesh co a eu ses lunettes cassées avec marqué sur le visage suite à un coup de tête de ce petit en présence d’une éducatrice spécialisée qui elle-même se faisait insulter et il avait essayé de la frapper aussi (elle n’était venue que quelques semaines sur une période en gros puis personne n’est revenu) et il m’a donné finalement un coup de poing au visage et c’était parti de rien. On avait écouté tous les conseils, nous étions auto-formées, j’avais regardé d’anciens cours d’une formation, nous avions essayé beaucoup de choses et ça ne fonctionnait pas. C’était vampirisant et source de mal être. Pourquoi un enfant si dangereux est-il dans une école ordinaire ? Pourquoi fermer les structures spécialisées qui sont si riches ? Pourquoi ne pas mieux orienter les élèves ? Certains ont toute leur place en ULIS, d’autres en SEGPA, certains en ITEP, d’autres en IME. Dans l’IME où je travaillais, les élèves pour aller en UEE avaient une appétence pour le scolaire mais on faisait attention au comportement, que cela soit conciliante avec une inclusion, ce que je trouve intelligent.
Comment donner une belle image du handicap quand un enfant sans suivi extérieur déborde de violence et n’est pas élève ? Parfois, la priorité, ce sont d’abord les soins et ensuite on peut entrer dans les apprentissages. Il faut aussi bien orienter les élèves sous peine que chacun ne soit en souffrance. On peut parfois faire de petits miracles mais même avec la meilleure volonté du monde, on n’a pas de baguette magique et chacun son métier. Arrêtez l’inclusion à tout prix n’importe comment, orientez correctement les élèves pour qu’ils évoluent au mieux dans les structures qui leur correspondent le mieux.
Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’IME ? Pourquoi des adolescents relevant d’IME se retrouvent au collège ? (Faibles interactions sociables, niveau GS). Je suis pour l’inclusion mais pas n’importe comment et chacun aille dans la structure qui lui correspond le mieux pour l’aider à évoluer en s’épanouissant. Mettons davantage d’aides humaines en primaire, ils sont très souvent seuls.
Clémence, PE, académie de Normandie
Depuis hier, une collègue que j’estime pour son dévouement auprès des élèves s’est enfin rendue chez le médecin. Elle est arrêtée après seulement 6 semaines d’école et est repartie chez elle avec une prescription d’anxiolytique. Je dis « enfin » car la démarche ne fut pas facile. Souvent on porte l’échec de ne pas avoir réussi.
Elle est arrêtée car empêchée de « faire » classe : pour moi cette expression renvoie à créer un cadre rassurant avec plusieurs enfants différents. On « fait » la classe comme on fait société. Pourtant, le comportement d’un enfant de quatre ans a suffi à ce que tout dysfonctionne. La liste de ce qui s’est passé en classe, en récréation, à la cantine est édifiante : des coups, des morsures, des hurlements, des crachats, un jet de tabouret, des boîtes de jeux renversés, des affichages arrachés des murs… Des enfants qui demandent « est-ce que tu vas nous protéger maîtresse ? » Des crises de colère mais aussi de tristesse tous les jours pour cet enfant, toutes les heures avec peu de répit.
Quasi tous les jours du côté enseignants : du temps passé à dialoguer avec les parents, à jouer le jeu administratif (remplir STT, faits d’école, TEI etc., téléphoner à la PMI, trouver les bons interlocuteurs), à être observer par une maître E en classe (il n’y a pas de maître G ni psychologue scolaire dans notre circonscription).
Alors peu à peu, jour après jour, face à tant de violence, violence qu’elle essaie d’apaiser, de comprendre, d’excuser, elle s’est usée.
Je suis en colère contre notre Institution qui nous laisse seul, qui ne peut que nous dire d’essayer de trouver des solutions en interne. Chaque année, chacun notre tour, nous vivons des années difficiles. Je ne partagerais pas mon année difficile où j’ai cru qu’à un moment je pouvais faire du mal à un enfant de seulement quatre ans. Une maître E m’avait alors répondu « mais non vous ne lui ferez jamais de mal ». Alors même qu’on ose verbaliser l’indicible on nous ignore.
L’école de la bienveillance est une jolie formule mais qui est bienveillant avec nous ? Nous portons les silences, les manquements, les absences de tout un système.
Solène, PE, académie de Normandie
L’inclusion sans aide est vécue avec beaucoup de souffrances psychologiques. Je rédige des fiches SST. Une deuxième inclusion depuis la semaine dernière augmente encore mes difficultés à faire classe. Deux enfants autistes à gérer, je me sens au bord du burn-out. Beaucoup de stress, d’incompréhension etc … Moi qui aimais tant mon travail me sens tellement épuisée, ratatinée … Juste envie de pleurer
Deuxième partie de témoignage après votre réponse :
Je vous remercie pour votre retour. Il m’aide à me sentir soutenue. Une AESH vient d’être embauchée pour une de mes 2 élèves autistes. L’ESS s’est déroulée ce matin ; cela a permis d’avancer.
La plupart de mes collègues sont à bout de souffle. Nous étions une équipe très soudée mais l’on ressent tellement de stress et de détresse. Cela finit par créer une ambiance détériorée.
A l’inclusion se rajoutent les problèmes « informatiques » avec de plus en plus de dossiers impossibles à remplir : les carnets informatisés chronophages, les dossiers RASED, les missions des AESH à définir …. Les mails toujours plus nombreux de l’Inspection, les WhatsApp (le nombre devient carrément terrifiants : hier, rien que l’après-midi, plus de 80 messages !!!). On se sent envahi en permanence.
Espérons que la période 2 sera un tout petit peu plus calme. Je déteste m’arrêter et c’est extrêmement rare (je touche du bois). Je pense que cela augmenterait encore plus mon stress de bloquer ma classe puisque nous ne sommes pas remplacés …. Les journées non-stop de 10 h – 12 h voir plus sont aussi un sacré stress. Tout s’enchaîne : classe – service de récré- classe- réunion – classe – rdv- prépa classe … On ne sait que travailler. On a toujours à faire pour l’école.
Nathalie, académie de Versailles
30 ans d’enseignement, 30 de REP+ : bilan, j’ai tellement une santé en vrac que j’ai une RQTH depuis 12 ans. Une adaptation ou un aménagement ? Non. La seule recommandation de la médecine du travail : arrêtez-vous puis mettez-vous en inaptitude avec 600€ par mois… Une longue bataille de 12 ans contre mon administration pour trouver une place quelque part, mais on me refuse tout, le moindre aménagement, le moindre allègement de service, le temps partiel thérapeutique… tout. Et aujourd’hui, je me retrouve à travailler 40h par semaine à la MDPH. Poste à profil : pas de temps partiel.
Parlons-en de l’éducation nationale, de ces violences dont je peux témoigner depuis ces 30 ans, tant au niveau des élèves, des parents, de notre administration, de nos supérieurs jusqu’à n + X. C’est simple, quand j’entends le gouvernement dire « l’éducation est notre priorité » je sers les fesses.
Première année d’enseignement en Rep+ (ZEP à cette époque) : mon collègue de CLIS reçoit un coup de boule et un pot de peinture sur la tête. Il a failli perdre un œil. Réaction de nos supérieurs quand nous nous sommes mis en retrait par solidarité ? Pression pour reprendre le travail, « ne pas faire de vague ». Seule l’équipe scolaire a soutenu notre collègue et lui a permis de choisir sa classe à la prochaine rentrée pour qu’il ne reste pas dans cette clis avec cette famille. L’année d’après, c’est une PE sortante qui a repris la classe, à ne pas savoir que faire de ce gamin qui déféquait tous les jours dans son cartable. Et moi, je me retrouve dans une classe de perf à gérer 12 gamins de 12 niveaux différents et pour mission de les remettre à niveau… Ça c’était juste mes deux premières années. Elles se sont enchaînées jusqu’à m’user, à ne plus pouvoir, à ne plus supporter. Et pourtant je les aimais ces gamins, j’adorais aller en classe, tenter de faire mon boulot vaille que vaille, avoir des parents qui venaient me dire « merci », revoir ces élèves des années après me dire « qu’ils avaient adoré ces années et qu’aujourd’hui, ils font tel métier ou telles études ». Qu’est-ce que je suis fière d’eux.
Mais que faire quand votre psychologue scolaire vous annonce que tel élève est psychotique et qu’on ne peut rien faire pour lui si ce n’est éviter les coups et tenir bon pour les 26 autres qui n’ont rien demandé si ce n’est tenter d’apprendre quelque chose ? Que votre inspecteur vienne vous inspecter justement avec cet élève et qu’il vous reproche de ne pas faire assez, voire de ne rien faire ?
Que faire quand une jeune PE arrive avec plein de pédagogie dans la tête, de convictions, de volonté, une pression de dingue pour valider son année, et que quand elle se rend compte qu’elle ne peut pas faire de pédagogie (dans cette école, c’est 80% éducation sociale et civique) elle menace de se jeter par la fenêtre. Ce sont ses propres élèves qui l’ont retenue.
Que faire quand vous avez dans votre classe tous ces dys, troubles psychomoteurs, troubles psychiques, troubles du comportement qui vous insultent, vous menacent de mort « quand jserai grand jvais t’exploser la gueule » dixit un élève de CE1 à son AESH, « t’as gueule connard » dixit le petit de PS à son enseignant quotidiennement, celui qui hurle, se roule par terre, se lève et frappe son voisin de table « parce qu’il a mis son coude sur ma table »… Nous avons tous eu au moins un de ces élèves dans une de nos classes, et encore, nous sommes contents quand nous n’en avons qu’un, par an, ce qui est de plus en plus rare.
Ajoutons à ceux-ci les allophones, qui arrivent avec leur lourd bagage traumatique, qui demandent une attention toute particulière, même si souvent « ils sont bien mignons, tellement sages et scolaires », enfin quand ils ne sont pas trop abîmés par leur histoire ou qu’ils n’ont pas eux-mêmes de troubles quelconques et qu’il va falloir faire comprendre à la famille comment remplir une demande MDPH.
Ajoutons aussi les rencontres avec les parents qui se multiplient parce que celui-là à un PPRE, celui-là un PAP, ou un PAI, ou un PPS… qu’il faut mettre en place le gevasco, une équipe éducative, expliquer que non, votre fils n’ira pas avec nous à la patinoire, la semaine dernière, il a blessé volontairement la cheville d’une gamine avec ses patins…, les réunions, les conseils, les formations parfois, généralement, inutiles parce que ce thème-ci est imposé, il est à la mode, mais ce n’est pas de cette formation dont on a besoin. Alors, on se forme nous-mêmes, sur nos vacances, nos temps libres, et ils sont « peau de chagrin » ces temps libres.
Je ne reconnais plus cette école, je ne reconnais plus mes collègues : la tête dans le guidon en permanence, une hiérarchie aux abonnés absents ; et franchement, il ne vaut mieux pas trop les voir ceux-là, si c’est pour vous descendre en disant que vous ne faites rien pour faire face à toutes les difficultés, que notre pédagogie n’est pas assez personnalisée, que nos PPRE ne sont pas assez aboutis, qu’on ne connait pas la date de ce dernier décret (? Sérieux ???) …
Et aujourd’hui que je me retrouve à la MDPH, je vois cette souffrance au niveau départemental, le nombre de dossiers hallucinants de gamins qui pètent les plombs, de familles qui pètent les plombs et de collègues qui n’en peuvent plus, qui ne savent pas comment faire, qui ne savent plus. Et pas de solutions. Des années d’attente dans les instituts, les SESSAD, les ULIS. On demande une AESH pour un gamin violent ? Ah bon ? Une AESH est là pour se faire taper dessus ? Et quand ça passe en CDAPH, ben non, c’est du domaine de l’enseignant… Quelle blague ! Comment a-t-on pu en arriver là, comment a-t-on pu laisser glisser à ce point ?
Catherine, académie d'Amiens
En ce1-ce2 cette année : – 2 élèves profils ITEP non notifiés MDPH.
L’un est placé en foyer, a juste débuté un traitement médicamenteux et présente des troubles du comportement.
L’autre, dans sa famille, présente également des troubles du comportement et se montre très violent, physiquement. Je suis arrêtée suite à un accident du travail (il m’a frappé vendredi 11 octobre parce que je lui ai demandé d’aller sur la piste avec sa trottinette, au lieu du terrain de foot…)
– un élève de ce2, âge CM1, profil ULIS mais pas de dossier MDPH. Niveau scolaire début CP.
– 4 non lecteurs complets dans ma cohorte de CE1
– 2 élèves « pénibles » mais pour qui les parents ne font que constater « ah, comme l’année dernière » : aucun suivi extérieur.
De la méconnaissance des « codes sociaux » (ils rotent, pètent en classe, se hurlent dessus pour un oui ou un non, ne savent pas se taire, même en sortie cinéma) et d’un niveau scolaire plus bas que les attendus, résultent un épuisement professionnel, dès la première période. Il faut être en hypervigilance constante, différencier en 3, voire 4 niveaux chaque activité…
Je ne sais absolument pas comment je vais pouvoir « gérer » cette année, tout en restant psychologiquement équilibrée et disponible pour ma famille et moi-même.
Merci de nous laisser cette possibilité d’écrire nos conditions de travail.
Karine, PE, académie d'Orléans-Tours
Merci pour ce mail qui sonne vrai à nos oreilles ! L’inclusion est pour mes collègues et moi le problème majeur dans nos écoles. Désormais toutes les classes ont un ou plusieurs élèves avec des troubles, diagnostiqués ou non, avec aide ou non… De nombreux problèmes se posent. Tout d’abord nous ne sommes pas formées à ces troubles. A nous d’apprendre sur le tas comment faire avec ces élèves. Il n’y a pas de moyens matériels : l’inspectrice m’a proposé de faire un CNR pour obtenir des fonds pour du matériel adapté ! Des enfants à troubles autistiques sont dans nos classes et c’est à nous de rédiger des dossiers pour obtenir du matériel spécifique…
Enseigner à une classe d’élèves sans troubles est un métier en soi déjà fatiguant qui requiert toute notre énergie. Les élèves porteurs de handicap qui arrivent dans nos classes nous accapare énergie et attention au détriment des autres élèves.
J’ai cette année dans mon école une PES avec une classe difficile (troubles sévères reconnus mais non pris en charge) et la CPC qui devait lui apporter conseils lui a dit que c’était comme ça maintenant être enseignante….
Cela décourage et fait peur pour l’avenir.
Merci de porter votre message qui est le nôtre. Je ne sais pas s’il sera un jour entendu des pouvoirs publics et du grand public.
Marion, académie de Versailles
Je souhaite vous faire part de mon témoignage concernant l’inclusion.
Après presque 20 ans passés en cycle 3 j’ai pris cette année une classe de TPS-PS-MS sans avoir mesuré les nouvelles règlementations à savoir l’école obligatoire à partir de 3 ans et l’accueil de TOUS les enfants… Je le mesure grandement aujourd’hui. J’ai donc accueilli 23 enfants de 2ans 1/2 à 4 ans dont trois enfants avec des couches et un enfant qui présente des troubles sévères qui me semblent relever de l’autisme mais le diagnostic n’est pas encore posé officiellement. Mes collègues et moi avons très vite prévenu la psychologue du RASED qui a confirmé qu’un accompagnement à temps plein était indispensable pour cet enfant. Nous avons convoqué les parents lors d’une équipe éducative pour les préparer à accepter le fait que leur enfant est différent et a besoin de soins… J’ai rédigé un Gevasco pour la MDA. J’ai rédigé une saisine pour obtenir de l’aide du pôle ressource. Beaucoup de temps passé au détriment de la préparation de ma classe et en attendant ? Eh bien il faut faire avec !!!
Depuis septembre j’essaie de faire classe avec un enfant qui ne communique pas hormis par des cris aigus, qui ne comprend aucune règle de sécurité, qui jette les jouets, renverse les caisses de lego qu’on vient de ranger, prend le pinceau des mains des enfants et se promène partout avec, s’enfuit de la classe en courant, monte sur les tables… Bref toute activité est laborieuse en sa présence, mes autres élèves en pâtissent directement car je suis régulièrement obligée d’interrompre la lecture d’histoires et certains ateliers pour ne gérer que cet enfant en crise. J’ai rédigé une fiche RSST pour informer ma hiérarchie que ma santé est en danger dans ce contexte. Si j’ai pu tenir sans prendre un arrêt maladie jusqu’à présent c’est uniquement grâce aux parents de cet enfant qui ont accepté de réduire son temps de présence à l’école, aucune loi les y oblige. Je suis encore dans l’inquiétude de savoir ce que la MDA va proposer pour cet enfant et à partir de quand…
Doit-on maintenant se préparer à accueillir des enfants sévèrement handicapés dans nos classes toujours aussi chargées ? Comment peut-on penser que la qualité de notre enseignement peut se maintenir à un bon niveau dans ces circonstances ? Quels bénéfices pour ces enfants et le reste de classe ? Autant de questions qui me font douter de tenir encore longtemps dans ce (si beau ?) métier.
Anne, académie de Nantes
Je suis personnel RASED à dominante pédagogique, en proie aux mêmes dysfonctionnements de l’Education Nationale. (Les RASED à dominante relationnelle pour les comportements difficiles ont été supprimés il y a deux ans dans notre département).
Au lieu de prendre en compte notre expertise de personnel qualifié pour analyser les difficultés scolaires et y remédier, notre IEN ne pense qu’à la réussite des prochaines évaluations nationales.
C’est à dire préparer en fin d’année scolaire les GS aux futures évaluations CP. Préparer les CM1 et CM2 dès ce début d’année car les résultats sont en baisse sur ces deux niveaux.
Impossible de lui faire comprendre que la difficulté quand elle est ancrée depuis de nombreuses années ne se corrige pas au CM mais qu’il vaut mieux agir le plus tôt possible pour éviter qu’elle ne s’installe. C’est à dire agir dès la GS.et le cycle 2.
A la place, on me demande de ne pas prendre d’élèves de maternelle car texto : La grande difficulté n’existe pas en maternelle ! L’enseignant doit pouvoir remédier aux difficultés passagères avec les ressources que vous lui fournirez.
Or les enseignants, qui enseignent depuis des années, n’ont pas besoin de conseils, mais ils ont besoin d’une personne supplémentaire qualifiée dans l’enseignement pour ces élèves en difficulté (qui existent bien !). Sortir certains élèves pour travailler en petit groupe permet à tout le monde de souffler et d’apprendre dans de meilleures conditions.
On ne peut pas, même avec la meilleure des volontés, gérer tout seul une classe lorsque la moitié de sa classe est signalée au RASED. Parfois seuls 1 ou 2 élèves avec des comportements inadaptés mettent à mal la classe entière et empêchent tout apprentissage en plus de générer un stress intense : fuite de l’élève, insulte, violence…etc.
Nous n’avons pas le droit non plus d’aller dans les classes uniques parce que ce n’est pas « rentable ». Notre IEN dit que ces classes uniques ne devraient pas exister, car l’émulation n’existe pas. Je pense que ceux qui ont vécu l’expérience de la classe unique savent la richesse des relations entre les élèves.
Dans les grands groupes scolaires, notre IEN voudrait même que je fasse des prises en charge de 6 à 8 élèves pour être plus productive !!! Voilà le capitalisme à l’œuvre dans les écoles !
Le travail du RASED n’est même pas connu et reconnu. Notre IEN ne sait même pas ce que nous faisons et comment nous nous y prenons.
Le seul but pour elle est que nous soyons le plus rentable possible et que les résultats des évaluations soient meilleurs, tout comme sa future prime je présume…
Anonymé
Deux souvenirs anciens mais marquants d’intégrations « forcées ».
En 29 ans de carrière deux situations très mal vécues où je me suis sentie très seule puisque c’est l’enseignant seul qui gère sa classe au quotidien.
Première expérience l’année 2000 :
J »accueille dans ma classe de moyenne section de 31 élèves, sur la commune de Courbevoie, un élève diagnostiqué « autiste psychotique « , (Je l’apprends tard puisque le diagnostic est considéré comme secret médical), sans AVS, j’ai 5 ans d’ancienneté.
Cet élève a été scolarisé en petite section dans une école qui n’est pas celle de son secteur, il vient de manière irrégulière à l’école et uniquement la matinée.
Du coup, aucun signalement a été fait par l’école.
Dès la première journée de classe, « S » se sauve de la classe (nous sommes à l’étage), monte sur les tables et pince sans raison ses camarades.
J’alerte la directrice de l’école dès la fin de la journée du comportement dangereux de cet élève.
Tous les jours les mêmes événements se produisent le mettant en danger.
Tous les jours, j’alerte la directrice qui me demande de lui laisser du temps et qui me fait comprendre que c’est peut-être juste un élève « difficile ».
Je lui explique que j’ai croisé un certain nombres d’élèves difficiles, mais que celui-ci ne semble pas relever d’une école traditionnelle.
« S » reste dans ma classe jusqu’aux vacances de la Toussaint, puisque la veille de ces dernières l’équipe pédagogique se réunit pour échanger sur le comportement de cet élève et décide qu' »S » changera de classe pour rejoindre une PS/MS avec une enseignante » habituée à travailler avec des élèves difficiles. »
Même si cette décision sous-entend que je suis incapable de gérer les élèves difficiles, c’est une libération pour le fonctionnement de ma classe puisque j’ai beaucoup de mal à mettre en places les règles de vie collective avec une classe à majorité de garçons particulièrement toniques.
Finalement, la collègue ne parviendra pas non plus à gérer cet élève « difficile « puisqu’il perturbe grandement le restant de sa classe.
Il finit par passer ses journées dans le bureau de la directrice, qui est au rez-de-chaussée, au même étage que sa nouvelle classe.
A l’époque l’école n’étant pas encore obligatoire, l’inspecteur décide la déscolarisation à mi-temps de l’élève qui aura désormais un suivi par différents spécialistes en dehors de l’école tous les après-midis.
Deuxième expérience, année 2014 :
Je prends une direction sur la commune d’Asnières dans une école maternelle de six classes, avec une classe de petite section en responsabilité et une décharge d’une journée pour gérer l’administratif.
C’est une première expérience sur ce poste de direction et j’accueille un élève » K », diagnostiqué également autiste psychotique (je l’apprends tard également pour des raisons de secret médical).
Dès le premier jour, cet élève monte sur les tables, sur les meubles, s’enfuit de la classe et mord trois autres élèves à sang.
Le deuxième jour de classe, il mord d’autres enfants et il lance violemment des objets à travers la classe et hurle longuement dès qu’il a une frustration.
Le troisième jour, il se déshabille dans la cour de récréation.
Je demande en urgence la venue de la psychologue scolaire pour venir l’observer en classe. Cette dernière constate ces différentes manifestations et m’indique qu’il va falloir envisager un suivi à l’extérieur pour aider cet élève. Suivi qui sera évidemment très long à mettre en place compte tenu des longues listes d’attente en CMPP.
Et en attendant, il faut évidemment faire fonctionner seule la classe au quotidien et transmettre des apprentissages à l’ensemble des élèves.
L’inspectrice me conseille d’essayer de glaner des informations auprès de l’assistante sociale et de la PMI.
Je récolte peu d’informations puisque cette famille a souvent déménagé.
Comme la situation perdure, l’inspectrice m’envoie pour m’aider une conseillère pédagogique.
Cette dernière reçoit une voiture sur le crâne envoyée par « K » et me propose d’aller observer le fonctionnement d’une collègue directrice avec une grande expérience de la petite section.
J’ai alors 14 années d’expérience dont 13 ans en école maternelle où j’ai eu le temps d’enseigner dans les trois niveaux de classe.
Finalement, je n’aurai pas le temps matériel d’observer la collègue en question.
L’inspectrice me demandera de signaler systématiquement à l’inspection académique les faits de violence de cet élève et de gérer collectivement cet élève en le faisant « tourner » dans toutes les classes pour alléger la gestion de ma classe.
C’était selon moi déplacer le problème sans le régler. J’ai donc fait le choix de le garder dans ma classe.
Heureusement, il venait à l’école que le matin puisqu’il était gardé l’après-midi par la grand-mère.
La seule personne qui m’a soutenu et qui a été transparente, c’est la médecin PMI qui le recevait ponctuellement dans son bureau et qui m’expliquait que « K » mettait sans dessus-dessous son bureau systématiquement et elle se demandait comment je pouvais gérer le quotidien de la classe avec tous les autres élèves, sans AVS puisque le temps qu’un dossier MDPH soit mis en route, il fallait attendre la moyenne section.
Ce médecin avait proposé à l’inspectrice une déscolarisation à mi-temps pour des soins et des moments en crèche adaptée.
Alors que l’école maternelle n’était pas encore obligatoire, cette dernière a refusé cette proposition !
J’ai donc géré cette situation « hallucinante », très seule, avec l’assistante de mon ATSEM, qui se plaignait « gentiment « de jouer le rôle d’AVS, avec aucun jour d’absence.
Vous avez intérêt à avoir une vie personnelle très équilibrée pour tenir !
J’ai tenu toute l’année scolaire, mais je me suis épuisée et j’ai fait le choix, écœurée par la « machine Education Nationale » , de renoncer à la direction pour reprendre la gestion d’une classe unique.
Depuis j’ai de nouveau le plaisir de transmettre des connaissances, le métier que j’ai choisi !
Depuis 2014, j’ai eu dans ma classe de grande section maternelle une seule fois un élève en situation de handicap, avec l’assistance d’une AVS.
Cet élève s’est très bien adapté parce que son handicap était léger.
Je reste convaincue que l’adaptation des élèves en situation de handicap est possible dans les écoles traditionnelles pour certains handicaps.
Pour certains élèves elle est impossible et notamment lorsque c’est au détriment d’une classe entière ! Nous savons tous que nous nous retrouvons régulièrement au pied du mur avec certains élèves et leurs familles parce que les structures adaptées pour ces élèves n’existent pas en France.
Oui à la tolérance face à la différence dans l’école de la République !
Non à la mise en difficulté d’un élève (Porteur de handicap lourd contraint de s’adapter à l’école traditionnelle inadaptée), de l’ensemble d’une classe (qui ne pas apprendre dans de bonnes conditions) et d’un enseignant (seul à gérer) !
Saphia, académie de Versailles
Merci pour le partage des témoignages, on se sent moins esseulé !
Depuis 7 ans je travaille dans un milieu dit pauvre (quartier défavorisé) et il y a un dispositif ULIS et un UPE2A dans l’école, donc question inclusion, on est rodés. Mais depuis cette année, un garçon en attente d’IME est intégré dans la classe de CP où je bosse, tous les après-midis.
Il a déjà été maintenu en maternelle, donc il a presque 8 ans. Il est très grand et costaud : les plus petits élèves de CP ne lui arrivent pas à l’épaule. C’est un enfant porteur de TSA lourds. Il n’a pas accès au langage, pas même au langage corporel qui nous aiderait à comprendre ce qui va ou ne va pas, il passe l’après-midi à pousser des cris de lamentation quand ça ne va pas ou à grogner quand ça le dérange, ou à geindre et pousser des cris perçants suraiguës quand ça va plutôt bien. Il se bascule beaucoup sur les chaises, en claquant ses pieds au sol bruyamment et en gesticulant avec des mouvements incontrôlés du corps, ainsi que des bras en essuis glaces indomptables qui se croisent.
On a vu avec son éducatrice très investie pour mettre des choses en place, mais l’école n’est pas adaptée pour lui. J’ai trouvé en seconde main quelques encastrements et autres jeux 1er âge car rien ne correspond à ses besoins dans une école élémentaire. Et il est trop tard pour faire une commande.
Il a des obsessions répétitives comme frapper à la porte, éteindre/allumer lumières, ordi, lecteur CD. Son AESH en a peur car il a pour habitude de lui mettre les mains dans le visage. Il ne le fait pas beaucoup avec moi. C’est presque comme un rituel, il lui fait peur en essayant de lui pincer les joues.
Il s’enfuit partout où il peut s’enfuir. De manière très soudaine. Il peut être tranquillement assis près d’un atelier de manipulation réalisé par un CP et la seconde d’après aller ouvrir la porte communiquant avec l’une des classes voisine. Ou alors aller dans les escaliers, ce qui le met en danger car il n’est pas à l’aise pour descendre les marches. Ceci était pourtant indiqué dans le Gevasco que j’ai enfin obtenu en octobre.
Son AESH passe le relais aux 4 enseignantes du bâtiment pour lui courir après dans les escaliers, dans les autres cours de récréation, dont une qui mène à la sortie de secours du dortoir (l’école et immense : 335 élèves + environ 170 en maternelle).
Son AESH à (elle aussi !!!) des problèmes de santé, je suis donc amenée à laisser ma classe sous sa surveillance pour courir après ce garçon.
Pour les récréations, j’ai trouvé la parade : zéro pause (tant pis pour la pause pipi et le repos mon corps…adieu aussi les échanges entre collègues) et je fais des tours de cour en lui tenant fermement la main avec mes 2 mains pour qu’il ne s’enfuit pas…
Il porte des couches et personnes n’est habilité à le changer, ce qui implique que nous devons régulièrement travailler dans l’odeur de pisse…et quelques fois aussi dans l’odeur de merde, en attendant que sa mère vienne le chercher. Ce qui peut être long car elle est handicapée physique, ce qui ralentit ses déplacements, surtout que l’ascenseur de la barre d’immeubles est souvent en panne…dans ce cas-là, on plaque tout et on file en extérieur, tant pis pour le programme…
Les autres enfants sont très tolérants avec lui. Ils cèdent la place avec plaisir à ce garçon qui n’a pas la capacité de remarquer « qu’il y a déjà quelqu’un assis sur cette chaise, sur ce tapis d’ateliers ».
Ils leur donnent aussi la main en récréation. Ils m’aident à installer les panneaux « sens interdits » au niveau des passages qui font jonctions entre les 4 cours de récréation contigües à la nôtre.
En fin de journée, élèves et adultes sommes exténués. Nous sommes chacun et chacune dans notre bulle à essayer de nous protéger de ce bruit de cris et de cette agitation permanente.
Depuis le debut de l’année, les CP n’ont pas encore eu d’atelier dirigé l’après-midi. Ils ont pris l’habitude de travailler uniquement en ateliers autonomes car ils savent que je suis 100% occupée avec ce garçon. Nous passons les consignes des ateliers avant qu’il n’arrive et ensuite, vive l’autonomie !
La musique calme ce garçon, nous chantons donc tous les après-midis, tant pis pour les autres domaines d’apprentissage qui sont réduits. Un regroupement pour chanter peut vite être interrompu par une fuite. Ou parce qu’il s’allonge sur le dos, près d’un CP assis sur le tapis risquant alors de recevoir un coup de pied.
Les élèves, l’AESH et les collègues sommes bienveillants tolérants mais fatigués…
Manuela, académie de Normandie
Ces témoignages me font bien évidemment écho.
Et je souhaite soutenir votre action et apporter mon témoignage et j’allais dire au nom de tous mes collègues enseignants.
En effet, nous n’avons pas plus tard que la veille de ces vacances scolaires adresser à notre Inspecteur d’Académie un courrier dénonçant les conditions de travail portant atteinte à notre intégrité physique et morale et à celle de tous les enfants y compris les enfants en situation de handicap avec les manques de moyens humains, de formation et matériels liés à ces inclusions, outre les problématiques classiques rencontrées par les écoles du département 93 non reconnues REP.
Nous sommes une école maternelle de 8 classes dans le département du 93 (environ 26 élèves par classe) et avons 13 élèves en inclusion plus tous les autres non diagnostiqués et ceux qui ont des problèmes comportementaux, éducatifs et sociaux avec un taux d’encadrement des AESH de 50% et parfois inférieur lors des absences (personnel épuisé et peu formé).
Enseigner quotidiennement dans des conditions favorables aux apprentissages revient de l’exploit.
Souad, académie de Créteil
Je suis une enseignante avec plus de 20 ans de métier et cette année j’ai changé de poste.
On m’a affecté à un poste de brigade. Je m’attendais à effectuer des remplacements.
Or, quelle ne fut pas ma surprise d’avoir été affectée en complément d’une collègue qui n’arrivait pas à gérer un élève de GSm,2 semaines après la rentrée des classes.
Cet enfant avait fait vivre un véritable enfer à ma collègue (cris incongrus en classe, fuite du lieu de la classe et course poursuite dans les couloirs, refus des apprentissages, coups, etc.) entravant ainsi le bon fonctionnement de la classe et générant des situations stressantes à vivre pour les camarades, témoins de scènes de violence.
Il s’avère que rien n’a été fait pour cet enfant qui présentait le même comportement dans son ancienne école.
L’inspecteur a donc lors d’une réunion d’urgence exceptionnelle, à la demande de la collègue décidé d’affecter un moyen supplémentaire.
Je fais donc, à défaut d’avoir le dossier MDPH validé en temps et en heure, fonction d’AVS auprès de cet enfant, qui n’a guère changé de comportement : je dois le courser dans l’école et subir ses sautes d’humeurs, cris et coups en prime …Et vu la lenteur administrative pour faire valider les dossiers, je devrais encore officier quelques mois…
Certes j’ai permis à une collègue de continuer à faire son travail d’enseignante auprès des autres élèves de la classe mais que dire de cet enfant qui va à l’école pour de mauvaises raisons, qui a été intégré faute de mieux, et que dire de moi qui vois de jour en jour l’estime de soi en berne ?!!! je ne suis ni AVS, ni éducatrice spécialisée, ni psychologue, être nounou ou garde du corps (car je dois le suivre partout et je mets ma responsabilité en jeu à chaque instant) d’un enfant qui n’a pas sa place au sein d’une structure éducative normale n’est pas mon métier!
Voilà la situation extrême que je dois vivre au nom de l’école inclusive !
Laurence
En maternelle, c’est terrible !
Avec les Ps, nous sommes souvent les premiers à détecter les problèmes (même cas très lourd), les parents sont dans le déni, il faut généralement 6 mois pour leurs ouvrir les yeux. Ensuite pour déposer un dossier de demande d’AESH, on compte encore 6 à 9 mois.
Pendant ce temps-là, les autres enfants et l’enseignant subissent les cris, les coups, les interruptions fréquentes lors des moments collectifs.