Le rectorat de Nantes, le proviseur, la laïcité

On se souvient sans doute de l’affaire de Malicornay dont l’instituteur avait été suspendu par le rectorat d’Orléans-Tours et accusé de commettre une « entorse à la laïcité » pour avoir fait étudier quelques mythes bibliques dans le texte à ses élèves. Eh bien voici le chapitre II des dérives de l’institution dans l’application du principe de la laïcité, par le rectorat de Nantes cette fois !

 

C’est l’histoire d’un collègue de l’académie, professeur de lycée agrégé hors classe en fin de carrière, en poste depuis plus de 20 ans dans un lycée de la côte huppée balnéaire du 44, qui a fait l’objet d’un signalement pour « acte antirépublicain (sic) et de prosélytisme » par le proviseur de cet établissement suite à l’intervention d’un parent d’élève, signalement immédiatement suivi par l’intervention du proviseur vie scolaire du rectorat auprès de notre collègue.

 

De quoi s’agit-il ?

 

Le lycée public dans lequel exerce ce collègue a la particularité de comporter en son sein une aumônerie. Cette situation peut sembler étonnante, mais est néanmoins prévue par la loi (dans les articles R141-1 à R141-8 du code de l’éducation, et notamment les articles R141-2 et R141-3 : « Dans les établissements publics d’enseignement comportant un internat, une aumônerie est instituée à la demande de parents d’élèves ».

 

Dans ce cadre, le professeur visé anime cette aumônerie depuis 25 ans.  D’ailleurs, peu  parmi ses collègues connaissent son engagement car il n’a jamais fait étalage de ses convictions, ni dans les couloirs de l’établissement, ni dans les salles de classe devant ses élèves. Il a toujours séparé rigoureusement ses activités d’enseignement de ses autres activités et de ses convictions personnelles. C’est de plus un professeur qui s’est engagé dans de nombreuses actions pédagogiques, sans rémunération supplémentaire, tout au long de sa carrière. On pourrait dire, si l’on osait, que ce professeur incarne à la perfection la magnifique réussite de la laïcité française, unique dans son modèle, qui propose aux croyants de toutes confessions et aux non-croyants un cadre permettant le respect mutuel et la paix civile par la stricte séparation des choses.

 

Arrivé en fin de carrière, ce professeur à l’engagement exemplaire serait en droit d’attendre le respect et la reconnaissance de son proviseur et de son rectorat. Or, rien de tout cela. Le proviseur de son lycée, qui n’en est malheureusement pas à sa première procédure envers plusieurs professeurs de son établissement, a décidé d’effectuer un signalement de notre collègue. Cela suite l’intervention d’un parent d’élève surpris de son engagement dans cette aumônerie, que fréquentent pourtant certains élèves de cette cité scolaire. Suite à ce signalement, le rectorat s’est empressé d’indiquer à notre collègue que son engagement religieux était incompatible avec sa fonction de professeur !

Ce signalement, qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour notre collègue, n’a aucun fondement. Il est une nouvelle illustration du dévoiement des règles par une administration en perte de repère, et en l’espèce coupable d’une ignorance totale non seulement de ce qu’est la laïcité, mais même du code de l’éducation. Dans ce même lycée pourtant, des collègues ont des engagements connus, politiques notamment, et s’engagent sur des listes électorales municipales, départementales ou régionales sans que ni le proviseur, ni le rectorat ne trouvent à y redire, ce qui est tout à fait normal car ces professeurs respectent également leur devoir de réserve à l’égard de leurs élèves.

Action & Démocratie/CFE-CGC Nantes soutient bien évidemment ce collègue et se tient à ses côtés. Mais cette affaire soulève des questions qui dépassent le cadre de cet événement particulier et nous concernent tous.

 

Sur quelle base, à partir de quelles consignes émanant de quel échelon, un proviseur et les services d’un rectorat se mettent-ils à poursuivre un collègue et estiment-ils que l’engagement dans l’animation d’une aumônerie constitue un « acte antirépublicain (sic) » ? Est-ce à un proviseur, est-ce à un recteur de définir le cadre de la laïcité ? Le recteur de Nantes estime-t-il qu’un bon professeur de l’école de la République est un professeur non-croyant ? Ou encore faut-il être un non-croyant pour être apte à enseigner ? Est-ce cela la laïcité ?

On ne peut évidemment s’empêcher de remarquer qu’en ce qui concerne le port de l’abaya par exemple, personne n’ose parler et surtout pas les autorités académiques. On note pourtant, depuis plusieurs mois, une recrudescence de ces longues robes traditionnelles dans les établissements scolaires publics qui soulèvent des questions bien plus importantes que celle posée par une pratique pourtant parfaitement conforme à la législation et prévue par celle-ci.

 

Si la présence d’une aumônerie dans un lycée public doit être remise en cause, eh bien soit ! Que le rectorat assume cela, et engage les actions qu’il estime devoir engager auprès de la région qui gère les bâtiments pour y mettre fin. Mais nous ne saurions tolérer que l’on soumette le professeur qui l’anime depuis longtemps, dans une discrétion toute laïque, à une procédure aussi humiliante et marquante que celle d’un « signalement antirépublicain » !

 

Nous attendons que le rectorat se montre aussi réactif et en soutien des proviseurs de lycée, principaux de collège, directeurs d’école, professeurs qui tentent au quotidien de faire respecter la loi sur le non-port de tenues et de signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires.

 

Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à envoyer à l’adresse de notre syndicat leurs messages de soutien à notre collègue. Nous les lui transmettrons. actionetdemocratie.nantes@gmail.com