Face aux mauvais coups, réagissons !

Ce début d’année est marqué, dans l’Éducation nationale, par deux grands sujets qui cristallisent les tensions et génèrent bien des oppositions : le projet de réforme des retraites, qui concerne tous les agents, et la revalorisation des enseignants.

Pour rappel, le projet de réforme des retraites prévoit le décalage de l’âge possible de départ à la retraite et l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation pour bénéficier d’une pension à taux plein. Les objectifs, tels qu’ils sont actuellement fixés, aboutirait à un âge légal de départ à 64 ans dès la génération 1968 et à une durée de cotisation de 172 trimestres, soit 43 ans, dès la génération 19651 alors que la réforme Touraine adoptée en 2010 prévoyait d’atteindre cette durée à partir de la génération 1973.

Beaucoup pensent que cette réforme n’impactera pas les personnels de l’Éducation nationale. Ils ont tort ! Et ce, pour deux raisons. La première est que parmi ceux qui travaillent au sein de ce grand ministère, 25% ne sont pas des enseignants2 : ce sont des administratifs, des personnels techniques et de santé, des agents de laboratoire ou encore des personnels d’éducation et d’accompagnement qui ont commencé à travailler tôt. Pour eux qui pouvaient jusqu’à présent partir à 62 ans, ce sera deux années de travail en plus…

Quant aux enseignants qui croient naïvement être épargnés par la réforme parce qu’ils ont commencé à travailler plus tard – 21 ans dans le meilleur des cas lorsque le recrutement se faisait à Bac+3 et 23 ans depuis qu’il se fait à Bac+5 – ils n’anticipent pas l’usure professionnelle qu’ils connaîtront au cours de leur carrière et qui conduit aujourd’hui 34% des professeurs des écoles et 27% des professeurs du 2nd degré à partir avec une décote3. Usés, désabusés, essorés, ils n’en peuvent plus et quittent l’enseignement au plus tôt.

Le projet de réforme des retraites doit donc être combattu ! C’est pourquoi Action & Démocratie s’est associé sans aucune réserve à toutes les journées de grève et à toutes les manifestations qui ont eu lieu depuis le 19 janvier. Notre opposition à ce funeste projet, basée sur le constat que l’âge moyen de départ à la retraite est actuellement de 60,2 ans dans le 1er degré et de 62,8 ans dans le 2nd degré4, ne faiblira pas. Nous la montrerons à nouveau en participant le 07 mars à l’opération « mettons la France à l’arrêt ».

L’autre grand sujet d’actualité est la revalorisation des enseignants. Promise depuis bien des années, et donc très attendue, elle entrera en vigueur seulement le 1er septembre et comportera deux volets : une revalorisation-socle et une revalorisation-pacte5. Pour l’instant, le Ministère s’est contenté de communiquer sur de simples hypothèses de travail qui sont très loin d’être satisfaisantes.      

Pour la revalorisation-socle, il envisage de faire passer le montant de l’ISOE et de l’ISAE de 1.200 euros bruts annuels à 2.000 euros, ce qui représenterait une hausse de 53 euros net par mois pour tous les professeurs. La prime d’attractivité dont bénéficient ceux qui sont en début de carrière serait également augmentée, le passage à la Hors Classe pourrait être avancé d’un an et le contingent de professeurs en Classe Exceptionnelle passerait de 10% à 13,5% en 2026. Ce n’est pas rien, mais c’est très loin de la hausse de 10% pour tous initialement annoncée.

En ce qui concerne la revalorisation-pacte, elle consisterait en une somme qui atteindrait au maximum 3.650 euros bruts par an en échange de l’accomplissement d’un certain nombre de tâches supplémentaires. Lesquelles ? Essentiellement des interventions en 6ème pour les PE et des remplacements de courte durée dans le 2nd degré. Pour le reste, il s’agirait de tâches qui existent déjà et qui sont rémunérées par des HSE, des IMP ou des primes spécifiques. Un marché de dupes, en somme, qui consiste à reprendre d’une main ce qui est donné de l’autre.

Cette « revalorisation historique », puisque c’est ainsi qu’elle est présentée par le Ministère, coûterait 935 millions d’euros en 2023 et 1,9 milliards d’euros en année pleine. Cela semble beaucoup. Mais lorsque l’on compare avec la loi de programmation militaire qui va allouer 118 milliards d’euros supplémentaires au Ministère de la Défense sur la période 2024-2030, soit presque 17 milliards de plus par an6, c’est en réalité bien peu. Le gouvernement a choisi ses priorités et nous n’en faisons pas partie. Action & démocratie le déplore fortement…

Face à ces projets qui vont encore dégrader la situation des personnels de l’Education nationale, une réaction forte s’impose. Il est urgent de faire comprendre au gouvernement que notre pays ne pourra pas avoir d’avenir s’il n’accorde pas plus de considération à l’Ecole. Cela passe par un meilleur traitement, à tous les sens du terme, de ceux qui y travaillent et par un aménagement des fins de carrière qui prenne enfin en compte l’usure professionnelle.

Pour Action & Démocratie, la première étape de cet aménagement doit être la remise en place d’une cessation progressive d’activité à partir de 57 ans sans impact négatif sur la génération des droits à la retraite.

 

Sources :

1 Ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion, projet pour l’avenir de notre système de retraite, dossier de presse 
2 Bilan social de l’Éducation nationale 2020-2021, chapitre 1

Le Monde, 24 janvier 2023
4 Bilan social de l’Éducation nationale 2020-2021, chapitre 8
5 MENJ, revalorisation du métier d’enseignant
6 Ministère des armées, LPM 2024-2030 : 413 milliards d’euros pour transformer les armées 

L’impact de la réforme des retraites sur les personnels de l’éducation

L’accélération de l’allongement de la durée de cotisation entraînera mécaniquement une baisse des pensions pour ceux qui, nés entre 1961 et 1973, devront dès 2023 cotiser plus longtemps. Même en commençant à travailler à 21 ans et sans interruption, hypothèse « optimiste », la réforme entraîne une diminution de la surcote dès 65 ans et pouvant atteindre 3,75% pour les personnes nées en 1965 et 1966.

Retraite progressive : ce que nous réclamons

La prise en compte de l’usure professionnelle implique notamment qu’aucune HSA ne puisse être imposée aux agents à partir de l’âge de 57 ans et qu’il soit possible de bénéficier de la retraite progressive à partir de 57 ans avec une quotité de travail de 75% pour les deux premières années et 50% pour les trois suivantes sans que cela n’entraîne une diminution du montant de la pension au moment de sa liquidation.