Des PAP, toujours des PAP, encore des PAP !

Voilà, la Toussaint est passée et les PAP sont signés.

Plus personne ne se demande de quoi on parle tant ces dispositifs ont pris, au fil des rentrées, une place toujours plus importante dans le paysage scolaire. La plupart du temps, un trouble « dys » est diagnostiqué et il faut « adapter » et « aménager ». Que signifient ces mots pour les enseignants que nous sommes ? Agrandir, aérer, donner la photocopie du cours, alléger les évaluations, écrire plus lisiblement, donner du temps supplémentaire, « arial 14, au moins ! », privilégier l’oral, etc. En fait, la liste des « aménagements » possibles est sans fin puisque même celle qui figure à titre indicatif dans la circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 est qualifiée de « non exhaustive » ! Rappelons au passage que c’est bien à l’enseignant qu’il revient de choisir les « aménagements » et « adaptations pédagogiques » qui lui paraissent « indispensables » et qui « pourront être poursuivis tout au long de l’année scolaire », puisque c’est finalement à lui de gérer les choses une fois que des bataillons d’orthophonistes et autres spécialistes ont rédigé des bilans, formulé des préconisations et que des médecins ont signé à toute vitesse au bas de la page pour y apposer le cachet de l’autorité. Combien de jeunes rejoignent ainsi chaque année les rangs des élèves « dys » sans qu’on ne se pose jamais les questions essentielles ?

Dans un documentaire récent diffusé sur Arte le 23 septembre dernier et intitulé « La dyslexie, ce trouble mal compris », on apprend que la dyslexie serait un handicap imputable à la génétique, à des fonctions cérébrales altérées et à… l’environnement ! Sur ce dernier point, nous n’en saurons pas plus. Mais les experts se succèdent et insistent : même s’ils confirment que les dyslexiques ont une intelligence normale, voire supérieure à la normale, ces derniers sont bien handicapés, au sens de l’Assurance Maladie. Le trouble n’est pas encore parfaitement compris mais les neuroscientifiques se veulent formels : des solutions, qu’il conviendrait d’appeler traitements, existent bel et bien. C’est là que le bât s’apprête à blesser. Militer pour qu’un trouble ou un handicap soit reconnu et accepté dans la société est une chose, traiter les pathologies en est une autre. Chercheurs et médecins bottent en touche dès qu’on leur demande ce qu’ils comptent faire pour ces jeunes patients. On vous demande de croire en la science mais, vous l’aurez deviné, la patate chaude reviendra quand même aux enseignants. Conclusion classique et sans appel : il faut revoir la formation des professeurs, ce sont eux qui sont sur le terrain – comprenez les factotums dociles dont on peut tout exiger.

Les troubles liés au langage écrit concerneraient rien moins que 2 à 7 % de la population scolaire européenne. Voilà qui est déjà énorme, mais nous sommes encore loin des chiffres constatés ici et là : quatre, cinq, parfois jusqu’à huit élèves ont un PAP dans une seule et même classe de collège ! Dans l’immense majorité des cas, c’est la lecture et l’écriture qui posent problème. Avons-nous encore le droit de demander si nous ne sommes pas en train de médicaliser à outrance les écueils d’une société qui a tout simplement fait trop de choix délétères ? Et quelles sont ces « causes environnementales » sur lesquelles les scientifiques restent prudemment discrets ? Enfin, s’il y a réellement handicap, pourquoi l’enseignant devrait-il être au premier rang de ceux qui sont censés traiter le problème ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand des parents demandent à un professeur ce qu’il faudrait faire pour que progresse ou réussisse l’enfant dyslexique dont la scolarité est encadrée par un PAP. L’enseignant ne saurait se contenter d’inclure les élèves, tout se passe comme s’il devait aussi produire les résultats que les spécialistes eux-mêmes sont souvent incapables d’obtenir. La boucle est ainsi bouclée et une seule chose est sûre : nous n’avons pas fini de nous démerder.

Alors que faire ? Loin de nous la posture misérabiliste qui consisterait à dire que nous ne sommes pas assez formés, que nous sommes dépassés ou qu’il faudrait, selon l’expression consacrée, faire évoluer le métier. Les difficultés d’apprentissage constituent aujourd’hui une vaste nébuleuse dont personne ne connaît ou n’ose embrasser les véritables contours. Dans ce genre de situation, on cherche toujours quelqu’un pour porter le chapeau.

Eh bien refusons, sans honte ni culpabilité !