Nous avons gagné. Enfin !

 

Je m’appelle Matthieu Faucher, je suis professeur des écoles dans l’Indre. J’ai été suspendu de mes fonctions en 2017 pour avoir fait étudier à mes élèves de CM1/CM2 des extraits de la Bible, j’ai ensuite été sanctionné et contraint de quitter l’école de Malicornay, petit village où j’enseignais avec bonheur. (Pour rappel : https://www.lexpress.fr/education/un-instituteur-mute-pour-avoir-enseigne-la-bible_1953390.html )

Près de quatre ans ont passé. La Cour d’appel administrative de Bordeaux vient de rendre un verdict sans équivoque, me donnant définitivement raison contre l’ancien directeur académique de l’Indre Pierre-François Gachet, contre la rectrice de l’académie Orléans-Tours Katia Béguin et contre le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer.

Non, il n’y a eu de ma part aucune faute professionnelle, aucun manquement à mes obligations de neutralité et de laïcité,

Non, mon travail n’était ni trop long, ni inadapté à l’âge de mes élèves,

Oui, mon travail était pertinent et conforme aux programmes de l’école primaire.

Ces quatre années de combat ont largement affecté ma santé, celle de mon épouse, bouleversé ma vie familiale mais aussi celle des habitants de Malicornay, notamment mes élèves de l’époque et leurs parents. Pourtant jamais ces derniers ne se sont trompés de combat : le coupable de tant de bouleversements n’était pas leur maître d’école mais sa hiérarchie.

Nous n’avons jamais baissé les bras et nous avons enfin gagné. Pourtant ce n’est pas fini, ce ne sera jamais fini.

Alors à chacun des acteurs de cette « affaire Malicornay » (Toutes mes excuses à M. le maire pour cette publicité, votre magnifique petit village méritait mieux !), je voudrais avoir une pensée :

A ma famille, ma femme, mes enfants, mes parents qui avez souffert cette injustice avec moi. Ces quatre années d’épreuves nous ont plus que jamais soudés, nos liens, notre amour sont indestructibles.

A mes anciens élèves, parents d’élèves devenus amis, aux élus de Malicornay/Badecon-le-Pin, je n’oublierai jamais votre merveilleux soutien, votre confiance dans mon travail. Vous ne m’avez jamais abandonné et vous aviez raison dès le début : votre instituteur n’avait commis aucune faute.

A mes camarades d’Action & Démocratie/CFE-CGC et son président Walter Ceccaroni, vous m’avez redonné espoir dans l’action syndicale. Rejoindre vos rangs a été la meilleure décision de ma carrière. Je suis fier et honoré de me battre aujourd’hui à vos côtés pour défendre une école qui respecte ses professeurs et instruise ses élèves. Fier et honoré d’apporter à mon tour, sous vos couleurs, assistance et soutien à mes collègues en détresse. Fier et honoré de suppléer René Chiche au Conseil supérieur de l’éducation où Action & Démocratie/CFE-CGC porte la seule voix authentiquement novatrice.

Aux intellectuels, philosophes et formateurs de l’éducation nationale qui m’ont activement soutenu, Régis Debray, René Nouailhat, Pierre Kahn, Isabelle Saint-Martin, Régis Gaudemer… votre appui m’a conforté dans l’idée que mon travail était valide, pertinent, conforme aux programmes et plus que cela : urgent !

A maître Jean-Raphaël Mongis, avocat à Tours, votre combat acharné et sincère à mes côtés est une des clefs de cette victoire. J’espère qu’un grand nombre de fonctionnaires en détresse auront la bonne idée de frapper à votre porte.

A l’Autonome de solidarité de l’Indre, aux représentants de la section locale du Se-Unsa, un très grand merci pour votre soutien. Sans juger de la validité ou non de mon travail, vous vous êtes insurgés contre la brutalité et l’absurdité de la procédure disciplinaire engagée contre moi. Votre liberté et votre courage vous honore.

Aux centaines de collègues et de simples citoyens qui m’ont écrit, préoccupés par l’avenir de leurs enfants et de l’école de la République, merci du fond du coeur.

A tous les enseignants injustement mis en cause par leur hiérarchie : ne baissez plus la tête et battez-vous. Votre hiérarchie n’est pas invincible même si elle veut s’en donner l’air. Vous vous demandiez si une justice indépendante existait ? Elle existe, saisissez-la et soyez patients.

A tous mes collègues pour qui l’école est avant toute chose un lieu de transmission de savoir et de culture, la Justice de la République vient de rappeler que l’enseignement laïque du fait religieux n’a strictement rien à voir avec du catéchisme, qu’il est reconnu par l’Education nationale, que nos élèves attendent et méritent que nous leur transmettions un bagage culturel solide. Nous ne serons jamais de simples exécutants, nous sommes des cadres de l’enseignement, nous avons le droit inaliénable d’user de notre liberté pédagogique pour appliquer les programmes officiels.

A M. Pierre-François Gachet, ancien directeur académique de l’Indre et M. Noël Ravat son premier adjoint de l’époque, c’est en définitive bien vous qui avez « manqué de discernement ». Je n’étais donc ni un « dangereux prosélyte » ni un « parfait imbécile », vous n’étiez pas de nobles défenseurs de la République contre l’obscurantisme. Vous avez, par votre aveuglement et votre acharnement contre moi, déshonoré vos fonctions.

J’espère que vous passez une bonne retraite.

A Mme la rectrice de l’académie Orléans-Tours, vous avez eu tort de soutenir un directeur académique aveuglé par sa haine de la religion et qui a confondu les programmes de l’école primaire avec ses opinions politiques et philosophiques. Vous avez manqué de discernement malgré de nombreux avertissements, notamment celui de l’inspecteur général Jean Carpentier qui écrivait en 2017 à votre intention: « J’espère que l’injuste mesure prise à l’encontre de M. Faucher sera immédiatement suspendue et que seront reconnues l’urgence et la pertinence  de son travail. » Vous n’avez même pas daigné lui répondre.

A M. le ministre Jean-Michel Blanquer, vous avez eu tort de soutenir « par principe » la rectrice de l’académie d’Orléans-Tours dans une procédure injuste. Vous qui aviez à plusieurs reprises plaidé pour l’enseignement laïque du fait religieux, comment avez-vous pu collaborer à ce fiasco de vos services ? Comment avez-vous pu signer le « mémoire » de votre collaboratrice Natacha Chicot, mémoire dont l’absolue médiocrité a de toute évidence « convaincu » les juges ?

La Justice vous a donné tort mais il est très facile dans votre position de réparer cette erreur : de nombreux collègues ont besoin d’entendre de votre bouche la confirmation que leur liberté pédagogique sera respectée et que l’enseignement laïque du fait religieux est évidemment conforme aux préconisations de l’Education nationale.

A mes collègues membres du SNUipp/FSU, je vous invite à considérer le fait que la section locale de l’Indre avait activement souhaité et appuyé ma condamnation en 2017. Aussi, quand vous aurez besoin d’aide, je vous conseille de frapper à la bonne porte.

A l’auteur(e) (et sa petite équipe ?) de la lettre anonyme par laquelle tout a commencé, c’est par vous que je vais terminer : J’espère que vous avez réalisé la portée gravissime de vos actes et compris que votre bêtise ne justifie pas la lâcheté dont vous avez fait preuve. Votre seule circonstance atténuante est qu’une lettre anonyme n’est rien sans celui qui en tient compte. Pour les excuses, sachez qu’il n’est pas trop tard mais il ne faudra pas les adresser qu’à moi.

Oui, nous avions raison et nous avons gagné.

C’est une claque pour ceux qui voudraient restreindre la liberté pédagogique des enseignants,
Une claque pour les sectaires qui sont incapables de faire la différence entre culture et catéchisme,

Une claque pour les extrémistes politiques partisans de la table rase culturelle,

Une claque pour les chefaillons qui se croient dépositaires de la Vérité, qui abusent de leur pouvoir et qui n’ont que mépris pour les personnels dont ils ont la charge,


Vous aurez des comptes à rendre.

Car cette victoire n’est qu’un début.

 

 

Pour Action & Démocratie CFE-CGC,

Matthieu Faucher, professeur des écoles

Référent national PE