Pour une grève efficace, réfléchissons ensemble !
Incapables de tirer les leçons des échecs des grèves précédentes, des organisations syndicales appellent encore une fois la profession à se mettre en grève pour une journée le 26 janvier.
Si l’on ne peut qu’approuver les revendications formulées (« créations de postes », « autre politique éducative », « dégel de la valeur du point d’indice couplé à des mesures de revalorisation des salaires et des carrières dans l’éducation »), elles sont tellement larges et vagues qu’il est impossible pour le gouvernement d’y répondre. Il est au contraire très prévisible qu’il n’en tienne aucun compte et qu’au soir du 26 février, grévistes comme non-grévistes se trouvent une fois de plus Gros-jean comme devant !
Dans le contexte sanitaire actuel et l’annonce imminente d’un nouveau confinement, une grève du personnel de l’Education nationale pour faire avancer de telles revendications n’a, en outre, aucune chance d’être audible, que ce soit par l’opinion publique ou, ce qui est plus grave, par la profession elle-même.
Assez de ces grèves inutiles ! Assez de ce syndicalisme archaïque !
Appeler la profession à participer massivement à une journée de grève sans lendemain et sans la moindre stratégie, cela revient à lui demander de protester pendant une journée. Peu de collègues cependant, en dehors d’une minorité de militants et de déchargés, sont prêts à sacrifier une journée de leur traitement uniquement pour faire entendre leur colère ou leur ras-le bol ! Les réseaux sociaux ont désormais cette fonction et, effectivement, une grève qui ne bloque pas le fonctionnement de l’institution a autant d’effet sur la politique d’un ministre qu’une publication sur Facebook ou un gazouillis sur Twitter ! « Last but not least», s’il arrive que des grèves d’une journée finissent par donner lieu à trente secondes de couverture médiatique, elles offrent surtout au ministre l’occasion de se féliciter publiquement de la faible mobilisation qu’elles suscitent dans la profession. Cela lui permet de faire croire qu’une majorité approuve son action. Inutiles donc, mais aussi contreproductives !
Finissons-en avec ces appels répétitifs, pour ne pas dire compulsifs, à des grèves qui nous font tous reculer en discréditant la profession auprès de l’opinion, en détournant les collègues du principe même de la grève dont ils ne perçoivent plus le sens ; ainsi, elles renforcent le ministère à notre détriment et elles décrédibilisent le syndicalisme.
Avançons plutôt, et réfléchissons ensemble à d’autres modalités d’action en élaborant une stratégie au sein de laquelle la grève retrouvera du sens et de l’efficacité !
Des grèves puissantes et massives, menées localement sur des objets bien ciblés et pour débloquer des situations sont en effet souvent, si ce n’est toujours, efficaces. Or, s’il est difficile de transposer à l’échelle nationale ce qui fait une partie de leur succès, à savoir leur spontanéité, il faut s’en inspirer pour faire de la grève un usage plus intelligent et l’adosser à une stratégie qui la rendrait enfin utile.
Comme Action & Démocratie/CFE-CGC l’a proposé déjà en décembre 2018, nous considérons que, pour contraindre le gouvernement à prendre en compte nos revendications salariales les plus légitimes et ouvrir des négociations sérieuses, il faut engager un bras de fer qui passera assez inévitablement par la grève. Mais une grève reconductible, fondée sur la motivation préalable d’une large majorité, et qui soit annoncée publiquement comme ultime recours dans un processus de dialogue destiné à obtenir des avancées sur des revendications limitées, claires et chiffrées ! Bien entendu, une grève fixée à un moment clef, choisi pour embarrasser le gouvernement dans le cadre d’un rapport de force préalablement établi, car annoncer une grève sans lendemain à une date ou une période n’entraînant aucune gêne particulière est le meilleur moyen d’en assurer l’échec.
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