Témoignage

Quand la démocratie déplaît aux chantres de l’égalité…

Un directeur d’école et ses collègues ayant manifesté leur intérêt pour l’expérimentation de la tenue commune sont depuis harcelés par des élus, des représentants locaux d’OS hostiles à « l’uniforme » [sic] et certains parents. Un témoignage édifiant en trois parties dont voici la deuxième.

A la fin de mon précédent témoignage (« Un peu de tenue ! ») j’écrivais que la prochaine étape du processus d’expérimentation de la tenue commune serait le vote de tous les parents d’élèves des écoles concernées. Mais avant cela et le même jour, deux réunions importantes se sont déroulées, l’une à l’inspection de circonscription, l’autre en soirée dans la grande salle de spectacle de la commune. Ce lundi 4 mars était donc une date importante car non seulement il allait impliquer la hiérarchie et marquer son soutien aux acteurs engagés dans cette expérimentation, mais nous allions également pouvoir enfin percevoir si les parents seraient plutôt favorables ou totalement opposés à cette mesure.

Dans l’après-midi, les directions des quatre écoles concernées, l’IEN en charge du dossier à la DSDEN 93, le DAASEN adjoint, notre IEN de circonscription, et bien sûr le maire et son équipe étions tous réunis à l’inspection, tant pour lever les zones d’ombre sur le sujet de la mise en place de l’expérimentation de la tenue scolaire que pour aborder tous les sujets, notamment le conseil d’école extraordinaire qui serait décisionnaire. Plusieurs principes de bases ont été actés, en premier avec la mairie qui s’engageait à ne pas poursuivre si les parents s’opposaient majoritairement à la tenue. Ainsi, les votes des parents seraient décisifs pour continuer le processus de décision, notamment en conseil des maîtres, puis en conseil d’école.

Je soulevais ici un problème déjà abordé par ailleurs, mais non encore solutionné : j’ai quinze postes d’enseignants dans mon école en raison des dédoublements en CP et CE1, puisque mon école se situe en REP, mais seulement onze classes entières, et donc onze parents élus. Ainsi, je questionnais sur la façon de faire voter mes collègues en tenant compte des onze voix, parité oblige entre les parents et les enseignants au conseil d’école. La réponse de l’IEN en charge du dossier est très claire, nous avons deux possibilités (une autre école est en REP, qui jouxte la mienne et fait face à la même difficulté) : soit les demi-classes s’entendent à deux et portent la même voix, donc on vote pour onze ; soit chacun vote, puis on établit un prorata des quinze voix pour les onze du conseil d’école, ce que nous avons décidé dans mon école car les collègues voulaient chacun avoir une voix, ce que je comprends. Mais, puisque j’aborde ce sujet, j’en profite pour insister sur ce point : depuis le début des dédoublements, je ne comprends pas que l’institution n’ait pas tranché plus clairement la question en formulant une règle simple et compréhensible par tous, à savoir autant de parents élus que d’enseignant, ce qui permet de respecter la parité sans amoindrir les voix des enseignants en raison des dédoublements de classe. Actuellement, quand je renseigne l’application pour les résultats des élections de parents, je n’ai pas le choix : onze classes entières, et on me demande de faire élire onze parents. Encore une absurdité de notre système, qu’il serait pourtant facile de régler. Or, pour ce qui nous occupe ici, c’est un point qui va avoir toute son importance, comme nous allons le voir ci-après.

La réunion du soir se déroule correctement, malgré plusieurs affiches exprimant en termes crus une opposition à l’uniforme sur le parcours entre l’école et la salle de spectacle, et la présence de quelques syndicalistes que la mairie refuse en tant que représentants du personnel car ils n’ont rien à faire en réunion des parents organisée par la municipalité et non par l’éducation nationale. Quelques parents exposent de manière un peu virulente leur opposition à la tenue commune, mais il y a globalement peu de monde et finalement peu de remarques significatives, ce qui me conduit à penser que n’ont fait le déplacement que les rares opposants à l’expérimentation et que les absents y sont plutôt favorables.

Le vote des parents a lieu les 21 et 22 mars par correspondance, et nous nous réjouissons d’emblée d’une très large participation dans les quatre écoles concernées. Quant au résultat, il confirme ce que j’ai pensé à l’issue de la réunion d’information du 4 mars avec une très nette approbation dans chaque école. A l’école Chénier, celle que je dirige : 68,5 % favorables à la tenue commune (entre 58 et 68,5 avec une moyenne de 65 % pour un taux de plus de 74 % de votants). Nous poursuivons donc le processus avec l’organisation d’un conseil d’école extraordinaire fin mars ou début avril pour valider définitivement ou non l’expérimentation. Je convoque mon conseil d’école le 28 mars et nous actons deux modalités préalablement au vote : les parents élus ont décidé de voter proportionnellement au vote de l’ensemble des parents (donc 8 voix pour et 3 voix contre) et mon conseil des maîtres a décidé la même démarche, comme expliqué ci-dessus, en proportion des quinze enseignantes pour exprimer les 11 voix au conseil. Finalement, l’expérimentation est adoptée avec 14 voix pour, 10 voix contre et 3 bulletins blancs.

Tout s’est déroulé de façon transparente, démocratique, rigoureuse et dans la sérénité malgré quelques tentatives avortées pour que ce ne soit pas le cas, et voilà pourtant que les chantres de l’égalité (pour ne pas dire de l’égalitarisme), mécontents du résultat des urnes, se manifestent. Des syndicalistes de la CGT qui n’ont aucune attache avec mon école et son personnel s’invitent dans nos locaux et, en plus de rameuter du monde pour une grève le jour de la rentrée, le 22 avril, se permettent d’annoncer à mes collègues sans prendre soin de m’en aviser – j’étais dans le réfectoire en charge de la cantine à ce moment-là – qu’un recours va être effectué contre cette décision, recours dont on se demande bien qui va le déposer puisque ces gens n’ont rien à voir avec les personnels de l’école et ne sauraient parler en leur nom, ni contre quoi il est dirigé car bien qu’ils soutiennent que les quinze voix des enseignants auraient dû compter pleinement, il ne leur vient même pas à l’esprit que cela aurait rompu la parité et invalidé la consultation d’emblée, eux qui ne manquent pourtant jamais l’occasion, quand cela les arrange évidemment, de souligner leur attachement à la parité, notamment en CAPD ou autres réunions institutionnelles ! Oui mais, lorsque la démocratie ne se plie pas à leur désir ou leurs opinions, tout change…

Premièrement, je leur conseille d’apprendre à compter, car même en comptabilisant les quinze voix de mes collègues et seulement onze voix des parents élus au mépris de l’égalité et de la parité entre eux, l’expérimentation serait tout de même adoptée dans mon école avec 15 voix pour, 12 contre et 4 blancs, puisque j’ai déjà fait voter le conseil des maîtres et que, même sans appliquer la proportion adoptée en conseil d’école, il suffit de compter et de savoir compter pour constater que cela ne change rien. En outre, après consultation de l’IEN en charge du dossier à la DSDEN 93, il est clairement établi que nous avons tout fait comme il le fallait – évidemment, puisque j’ai suivi à la lettre ses directives données en réunion le 4 mars. Si recours il y a, ce qu’à cette date j’ignore encore, cela ne sera pas de notre faute ni de ma responsabilité car j’ai agi comme je le devais dans ma direction d’école. Mais par-dessus tout, ce que montre cette menace de contester devant les tribunaux le résultat d’une consultation démocratique, c’est qu’il y a des gens qui n’ont aucun scrupule pour contester le résultat d’une concertation exemplaire et qui sont prêts à se grouper pour empêcher à tout prix et coûte que coûte l’exécution d’une décision collective qui leur déplaît !

Passons sur le fait que ces personnes donnent un curieux exemple à notre jeunesse du respect des règles que nous sommes les uns et les autres chargés de respecter mais aussi d’expliquer et d’enseigner, je ne puis que déplorer, en tant que directeur d’école, l’activisme improductif mais surtout totalement déplacé d’un groupuscule constitué, j’en ai la preuve écrite, de parents, de syndicalistes (en l’occurrence de la CGT Educ’action) et même de quelques enseignants ayant des affinités avec des personnalités locales de LFI et du PS qui espèrent, par leur agitation insistante, faire annuler la parole de tous les autres, plusieurs centaines, qui se sont nettement prononcés en faveur de l’expérimentation. Aussi n’ai-je guère été surpris de voir, sur la page Facebook du député de la circonscription, Thomas Portes, tout ce petit monde réuni et prenant la pose devant la mairie de Neuilly-sur-Marne dans une publication du 20 mars (donc juste avant le vote des parents) dans laquelle son auteur prétend que les arguments contre la tenue n’ont pas pu être développés, ce qui est d’autant plus inexact, et dérisoire en un sens, que ce sont en réalité les seuls « arguments » à avoir bénéficié d’autant de publicité, d’affiches, de meeting, de tracts divers, etc. Mais ce qui me choque le plus, en tant qu’enseignant et directeur d’école, c’est d’y voir très nettement un enfant, élève de mon école, dont le père très virulent est celui-là même qui a écrit à l’inspecteur avant les vacances de février (cf. « Un peu de tenue »). Il y a également sur ces photos, un collègue de la CGT, professeur au collège Braque, en grande discussion avec M. Portes et tout sourire… Également, et pour ne pas être en reste, nous y retrouvons Yannick Trigance dont je parlais dans mon premier témoignage aussi, et une collègue directrice de maternelle… numéro 2 sur sa liste aux élections municipales il y a quatre ans, et qui m’a récemment invectivé sur les réseaux sociaux. J’y reviendrai sûrement dans un dernier témoignage d’ici la fin juin, pour parler de l’éventuel recours que ces personnes ont annoncé, et surtout, je l’espère vivement, des actions que nous aurons mises en place d’ici là pour permettre l’expérimentation de la tenue commune à partir de septembre dont il faut encore rappeler qu’il s’agit d’une expérimentation, avec tout ce que cela implique.

Le groupuscule que l’on peut voir sur ces photos affichés par le député sur sa page Facebook est au complet… et l’on peut constater que ces gens sont assez seuls en fait. Comment expliquer à ces personnes, syndicalistes de la CGT en tête, que les obstacles qu’ils essayent par tout moyen de placer sur le chemin de cette expérimentation ne font que renforcer ma détermination à voir ce projet aboutir ? Peut-être en rendant visite à mon tour à ces belles âmes dans leur collège, juste à 400 mètres de mon école, en ma qualité de représentant syndical Action & Démocratie également… ?

Quand la démocratie fait peur à certain, à quoi faut-il s’attendre de leur part ? Je pose la question, et laisse à chacun le soin de répondre, mais ne puis conclure provisoirement ce témoignage sans appeler le lecteur, et surtout mes collègues, à ne pas se laisser intimider par des tentatives similaires, quel que soit le sujet ou le prétexte, pour imposer un point de vue et interdire à la majorité qui ne le partage pas de dire et faire prévaloir le sien.

Nicolas BOUREZ

Directeur d’école (REP), co-référent PE et membre du BN d’Action & Démocratie