Recrutement des professeurs des écoles : non au retour vers le passé !
Après les résultats du CRPE qui ont vu cette année 1.264 postes sur les 8.174 proposés ne pas être pourvus, dans la région parisienne certes mais pas uniquement, le Ministre de l’Éducation nationale et les élus de la République ne savent plus quoi faire face au « fiasco » du recrutement des professeurs des écoles.
Selon Paul Vannier, député LFI du Val d’Oise qui s’exprimait en conférence de presse le 29 juin 2023, il manquerait « aujourd’hui 8000 enseignants devant les salles de classe » dans le premier degré. C’est pourquoi, avec d’autres députés de son groupe politique, il a annoncé son intention de déposer une proposition de loi « destinée à mettre en place un plan de pré-recrutement des enseignants » qui pourrait être « ouvert dès le niveau bac et possiblement au niveau licence » pour les professeurs des écoles comme pour les enseignants du second degré.
Dans la foulée, Rodrigo Arenas, député LFI de Paris, a affirmé qu’il était indispensable de « changer la grammaire de l’école, la place de l’enseignant et celle de l’élève et des parents ». Un constat que nous faisons tous, même s’il serait pertinent de clarifier l’orientation idéologique de chaque terme.
De son côté, le Ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye a annoncé dans un entretien au journal Le Monde en date du 29 juin 2023 qu’il souhaite « placer le concours de professeur des écoles à bac +3 sans renoncer à la mastérisation », et ce dès 2025. Il souhaite également proposer « après le concours, deux ans de formation rénovée et rémunérée ». Deux nouveautés qui ont pour objectif affiché d’attirer « davantage de candidats, notamment des étudiants défavorisés » et de dissocier « l’obtention du diplôme et le concours ».
Mais l’attractivité du métier ne se limite pas à l’accès à la formation comme le Ministre le laisse penser. C’est toute une profession qui s’épuise, qui souffre au quotidien des injonctions multiples et contradictoires, des appels répétés plusieurs fois par semaine à s’engager dans de nouveaux projets « pédagogiques » plus ou moins hasardeux, des contraintes budgétaires dans lesquelles les crédits pédagogiques deviennent de plus en plus la première variable d’ajustement.
C’est toute une profession qui est victime du « pas de vague », des différents échelons d’autorité administrative à la compétence souvent douteuse qui ont de surcroît désacralisé la mission d’enseignant en demandant aux professeurs des écoles de devenir en même temps éducateur spécialisé, psychothérapeute, guidant parental, assistant social, modérateur de réseau social, …
D’ailleurs Pap Ndiaye le sait bien, puisqu’il expliquait dans le Parisien du 25 juin 2022 avoir choisi pour ses enfants une école avec « des conditions [nécessaires] à une scolarité sereine et heureuse ». Le ministre a donc placé, en conscience et en toute connaissance de cause, l’ensemble de sa progéniture dans la prestigieuse et onéreuse école alsacienne de Paris, « établissement privé et élitiste » selon Le Parisien, alors que leur établissement d’origine était situé en REP+.
Dans son entretien au journal Le Monde du 29 juin 2023, Pap Ndiaye précise également sa vision du corps enseignant à venir : « ce qui se dessine dans l’éducation nationale aujourd’hui, c’est un corps de fonctionnaires auquel s’ajoute un volant d’agents contractuels, formés et souvent expérimentés ». La contractualisation des agents pour plus de flexibilité et de précarité est donc le dessein de l’auteur du Pacte enseignant, lequel est déjà synonyme de contractualisation du métier d’enseignant.
Pour Action & Démocratie, les perspectives dessinées par ces annonces récentes des uns et des autres sont inacceptables. Elles vont à rebours de la reconnaissance du caractère intellectuel du métier d’enseignant dans le 1er degré, qui avait conduit en 1984 à exiger la détention d’un DEUG et non plus simplement du Bac pour pouvoir l’exercer, puis d’une licence en 1989 comme pour les professeurs du 2nd degré.
Cette énième réforme envisagée de la formation des enseignants du 1er degré, basée sur la rémunération d’une partie des années d’étude, part du principe bien connu selon lequel on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Mais elle oublie des aspects essentiels à l’attractivité de la profession, aux premiers rangs desquels figurent l’alignement sur les primes perçues par les professeurs certifiés, la suppression des 108 heures de réunions oiseuses et la reconnaissance pleine et entière du statut de cadre A de la fonction publique.