Théories et pratiques en EPS : l’abus de pouvoir n’est pas de mise.
Rien ici ne sera démontré : ce qui est exprimé dans ces lignes est de l’ordre du fait. Celles et ceux d’entre vous qui reconnaîtront ce qui suit pourront se sentir d’accord, et sourire un peu. Sourire est du reste important car d’autres finissent malades de supporter en silence l’indigence intellectuelle qu’on leur inflige. Imposer des dogmes contredits par des faits, c’est exercer une violence, dans le cadre d’un rapport hiérarchique qui affiche transparence et dialogue, mais pratique l’argument d’autorité et l’injonction chaque fois que cela l’arrange, c’est à dire chaque fois que l’intelligence s’oppose à la directive.
Il est question ici d’épargner au lecteur sources, culture, références, colloques, publications pour lui soumettre un avis : les discours abscons ont la fonction de faire taire le terrain.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément »
Ces vers de Nicolas BOILEAU ne sont pas au frontispice des UFR STAPS ou de ceux des sciences de l’éducation.
En moins d’une minute et 3 clics, quiconque fait une recherche internet sur les mots clés « thèse »,
« sciences de l’éducation », « STAPS », peut lire : « Je construis une situation problème pour que tous les enfants, chacun à leur niveau, fassent des progrès décisifs du point de vue des savoirs à construire en gymnastique et opèrent de véritables transformations pour passer d’une motricité en réaction à un milieu aménagé à une motricité construite après anticipation. »
La liste est longue des arguments d’autorité trouvés dans ces thèses qui instrumentalisent sans vergogne les grands penseurs de la tradition : « Montaigne a dit que… », « D’après Kant… », « Selon… » et citent avec aplomb d’autres thèses du même tonneau que le leur, dans une sorte d’auto ou de co-évaluation certificative épatante.
On peut réfuter une thèse, un argumentaire. Exception faite de Raymond Devos, il est impossible de réfuter un « rien » ou d’en faire quelque chose. Confronté à « rien » développé sur 250 pages, ou en deux heures, on se trouve condamné à se taire, ou à avoir le courage de dire « je n’y comprends rien », ou à l’effronterie de déclarer « c’est indigent et sans contenu. » Il faut choisir entre silence, imbécillité ou subversion : le pari de l’intelligence se trouve exclu, et c’est dommage.
L’enseignant en exercice est souvent bien ennuyé : la doxa de l’Education nationale se nourrit trop souvent de ce genre de prose. Ennuyeux aussi la sanction ou le ridicule imposés aux partisans d’écarts à la doxa. A l’issue d’une visite professionnelle – ce que les plus anciens appellent encore
« inspection » -, on peut condescendre à vous proposer des stages de remise à niveau, pardon, de formation professionnelle continuée. Ailleurs, on peut vous sanctionner en vous collant aux concours de recrutement, ou en ralentissant votre carrière, ou en vous « placardisant » : l’arsenal est somme toute bien fourni pour marginaliser les discours inadéquats. Selon la médecine des personnels de l’éducation nationale « les professeurs ont peur et se taisent ».
Même légitime, cette colère du terrain envers des savoirs éloignés de lui, cette querelle entre pratique et théorie est stérile en elle-même. Il n’est pas question de préconiser la fin des études universitaires qui fondent actuellement le recrutement par concours des professeurs. Ce serait un autre drame.