Santorin et les copies numérisées

Un danger auquel il faut être attentif

Cette fois, le pas est franchi ! Après des expérimentations menées çà et là depuis quelques années, la correction des copies pour les quelques épreuves terminales maintenues au baccalauréat se fera cette année sur ordinateur, via l’application SANTORIN qui permettra d’accéder aux copies préalablement numérisées.

L’objectif annoncé, louable, est de faciliter le travail des correcteurs. Mais aussi d’avoir « une visibilité en temps réel sur les notes attribuées aux candidats », ce qui permettra de ne plus avoir à entrer les vingt premières notes sur un logiciel d’harmonisation comme c’était le cas lors des sessions précédentes.

Que de bons arguments pour faire passer la nouveauté et ses nombreux travers. Parmi eux, les plus inquiétants sont :

– la vérification en temps réel des notes attribuées, et donc l’harmonisation de ces notes en temps tout aussi réel au niveau académique, voire national … ce qui permettra de modifier sans que personne ne s’en rende compte les notes des correcteurs pour en faire « leurs » notes, celles souhaitées par les têtes pensantes du Ministère.

 

–  le contrôle de la vitesse et de la fréquence de correction des enseignants-correcteurs, ce qui permettra d’ajuster – à la hausse lorsque cela sera possible, mais jamais à la baisse – le nombre de copies qui sera attribué  à chacun l’année suivante.

– le stockage de l’historique pour chaque correcteur de l’usage des outils iconiques (stylos, couleurs, gomme…) avec à la clé la possibilité de cataloguer les enseignants. Ceux qui gomment beaucoup risquent ainsi, par exemple, d’apparaître comme étant des enseignants indécis.

– la possibilité pour les Rectorats et le Ministère de récolter d’un bloc toutes les remarques des correcteurs dans un fichier préparé à cet effet pour en faire non pas un florilège d’almanach, mais pour en peser le sens et la fréquence grâce à un algorithme de traitement automatique du langage.

– la mise en concurrence possible des enseignants. Si la moyenne nationale de correction par copie est par exemple de 18 minutes, mais que vous en êtes à 25 minutes, on pourrait vous considérer non pas comme consciencieux mais comme lent ; si, de plus, vous avez dépassé les cinquante ans, on pourrait estimer que vous donnez des signes d’obsolescence. A quand un ajustement des traitements sur la productivité… ?

A ces travers propres au numérique s’ajoutent les questions logistiques : sur quel ordinateur la correction se fera-t-elle ? Où ? Y en aurait-il seulement assez dans les lycées, notamment si – hypothèse très peu probable puisque l’immense majorité des enseignants corrigeront chez eux, sur leur matériel, sur leur facture d’énergie, en « toute liberté » comme ils le croiront – tous les correcteurs se jettent dessus ?

 

Face à cette nouveauté qu’est la généralisation de l’usage de l’application SANTORIN et aux dérives volcaniques qui peuvent en découler, Action & démocratie vous conseille de corriger les copies à votre rythme, sans vous presser : il ne s’agirait pas qu’on puisse vous reprocher de bâcler votre travail ; par ailleurs, plus vous corrigerez vite, plus le nombre de copies augmentera l’année suivante ; il est également souhaitable d’annoter très peu les copies, répondant ainsi au principe de précaution : plus vous annoterez, plus vos propos pourront être interprétés (rappelons que seule la remarque de synthèse est obligatoire) ; enfin, il n’est pas indispensable de corriger ni même de repérer les fautes d’orthographe, de grammaire, de syntaxe : personne ne vous le demande pour une copie d’examen.

 

Action & Démocratie demande également que soit précisé à tous les enseignants quelles sont les métadonnées prises en compte par les Rectorats et le Ministère, quels traitements leur sont appliqués et quels sont les algorithmes mis en œuvre. Cette transparence ne saurait être négociée, elle s’impose…