Proposition de loi sur la direction d’école
On y croit de moins en moins…
Alors que les témoignages de directeurs et directrices épuisés affluent plus que jamais avec la crise sanitaire et sa gestion calamiteuse par le ministre, la proposition de loi visant à créer la fonction de directeur d’école arrive aujourd’hui à l’Assemblée nationale. « Le statu quo n’est plus possible » a dit la rapporteure du texte Cécile Rilhac (députée LREM), nous en sommes bien d’accord ! Pour rappel, notre analyse complète de cette proposition de loi, ici : https://actionetdemocratie.com/directeur-decole-pour-quoi-faire/ Le 17 juin dernier, le texte a été examiné par les députés de la Commission des Affaires culturelles et de l’éducation, avec quelques évolutions. Nous faisons le point : Fonction du directeur : 👍on est plutôt d’accord … Rappelons que les professeurs des écoles refusent très majoritairement l’idée d’un directeur supérieur hiérarchique et avec raison ! Or il s’agit ici de la création d’un emploi fonctionnel et non d’un corps spécifique. Mme Rilhac tient en outre à assurer que « le texte ne met pas en place un lien hiérarchique entre le directeur et ses collègues enseignants, ne l’autorise pas évaluer les enseignants et maintient la collégialité du travail ». En revanche, il « l’autorise à prendre les décisions pour son école (…) L’autorité a pour rôle d’aider les autres à faire le nécessaire au service du collectif. » De telles précisions nous paraissent salutaires, l’équilibre a peut-être été trouvé. Mise à disposition du directeur d’une « aide administrative » par les communes. 👎on est contre ! Conscients que cette disposition engendrerait des inégalités entre communes riches et pauvres, des députés ont proposé que cette disposition soit obligatoire et financée par l’Etat. (Rappelons que les anciens aides administratifs ont été supprimés par le gouvernement Macron en 2017). Amendement hélas rejeté.
Simplification des élections de parents d’élèves : 👎raté ! Un amendement a largement réécrit l’article 5 qui visait à supprimer l’obligation d’organiser des élections de parents d’élèves en cas de liste unique. Certains députés y voyaient un « déni de démocratie » (sic). Une occasion manquée de faire gagner quelques précieuses heures de sommeil aux directeurs.
Accès limité à la fonction de directeur : 👍bien vu Plusieurs amendements ont été adoptés, la plupart anecdotiques, mais l’un retient notre attention puisqu’il précise que seuls les professeurs des écoles peuvent postuler à la fonction de directeur d’école, afin d’éviter que des enseignants du second degré n’ayant jamais enseigné dans le 1er degré puissent diriger une école.
Revalorisation salariale : 👎rien de nouveau L’exposé des motifs de la proposition de loi propose bien une revalorisation de leur rémunération mais la députée indique cela ne relève pas du domaine législatif. Décharges de direction: 👍un début… Un alinéa de l’article 2 indique que « dans les écoles de 8 classes et plus, le directeur n’est pas chargé de classe ». C’est une avancée mais c’est loin d’être suffisant. Les directeurs de petites écoles rurales manquent, eux aussi, cruellement de temps.
Grands oubliés de cette loi, ils devraient pour l’instant se contenter de la suppression des APC. 👎mauvaise idée Nous avons déjà fait savoir (et nous sommes les seuls) combien nous regrettions cette initiative : un directeur d’école est d’abord un enseignant, dont les élèves doivent rester la priorité. Allégement des tâches administratives : 👎rendez-vous raté Une « exigence cruciale », disait pourtant Cécile Rilhac. Hélas, sur cette question « cruciale » la députée a déclaré qu’un travail serait effectué d’ici la séance publique pour trouver, « éventuellement », de nouvelles dispositions à ce sujet. Ce « éventuellement » ?! est aussi désinvolte qu’inquiétant !
Qu’y a-t-il de plus urgent que cet allègement de tâches qui tue (littéralement) à petit feu les directeurs d’écoles ?
Conscient de la priorité absolue de cette question et dans le but d’orienter les futurs débats à l’Assemblée sur cette proposition de loi, Action&Démocratie CFE-CGC a déposé le vœu suivant au Conseil supérieur de l’éducation du 11 juin dernier :
Le Conseil supérieur de l’éducation, déjà interpelé par les difficultés et l’épuisement de nombreux directeurs d’école résultant de l’inflation des tâches administratives, demande au ministère l’élaboration d’un texte de cadrage afin d’en limiter l’ampleur. Le Conseil supérieur de l’éducation souhaite en effet que la fonction de directeur d’école ne puisse servir de prétexte à lui imposer de nouvelles tâches, à le rendre toujours moins présent pour les élèves, toujours plus reclus dans son bureau, et à le couper chaque jour davantage de la réalité de l’enseignement, mais qu’elle lui permette au contraire de s’acquitter de sa charge en rendant à cette fonction toute sa noblesse, qui consiste dans le fait d’animer une équipe, de chercher des solutions aux difficultés de son école, de faire le lien entre les familles et les enseignants, de désamorcer les conflits, et d’encourager les projets dont ses collègues sont à l’origine et dont les élèves seront vraiment bénéficiaires.
Soumis au vote des organisations syndicales, ce vœu a été rejeté car nous sommes les seuls à l’avoir soutenu.
Petit échantillon des votes : Abstentions ou refus de vote : SNUIPP/FSU, SE-UNSA, SGEN-CFDT, CGT, FO… Vote CONTRE : SUD-Education
Un tel fiasco pourrait se passer de commentaires, nous en risquerons un seul : Dans ce combat urgent pour leurs conditions de travail, les directeurs peuvent au moins compter sur Action&Démocratie CFE-CGC
BREF :
Cette proposition de loi, qui sera examinée en séance publique à l’Assemblée nationale le 24 juin prochain, était dès l’origine très loin de répondre aux difficultés des directeurs d’école, elle l’est encore moins aujourd’hui. Il est fort à parier que cette loi sera adoptée, ne règlera rien et ne satisfera personne.
Si cela se confirme, ce sera une occasion manquée de plus et un terrible échec dont les syndicats enseignants porteront aussi la responsabilité.
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