Le rapport annuel de performances (RAP) 2024 sur le budget « Enseignement scolaire » (Programme 230 « Vie de l’élève ») dresse un constat préoccupant : la situation des établissements scolaires face aux faits de violence graves continue de se détériorer. Cette réalité constatée par chacun sur le terrain et confirmée par les données officielles, interpelle profondément Action & Démocratie / CFE-CGC : il faut en finir avec les mesures superficielles et inefficaces prises en réaction à l’émotion suscitée par des faits médiatisés et oubliés aussitôt ; il est plus que temps d’aborder le sujet de la sécurité au sein et aux abords des établissements avec sérieux et pragmatisme !
Des chiffres en hausse dans tous les niveaux d’enseignement
Selon ce rapport qui reproduit les données de l’enquête SIVIS1, la proportion d’actes de violence graves2 est en augmentation dans tous les segments du système scolaire :
- Dans les écoles, on dénombre déjà 5,6 actes graves pour 1 000 élèves (+1 point par rapport à 2023 et + 3,6 points par rapport à la cible…) ;
- Dans les collèges, le taux atteint 18,6 pour 1 000 élèves (+2,8 points) ;
- Dans les lycées généraux et technologiques, 6,1 pour 1 000 (+1 point) ;
- Dans les lycées professionnels, ce chiffre culmine à 22,6 pour 1 000 (+2,4 points) !

A noter que dans le projet annuel de performance (PAP) 2023, les cibles (autrement dit les objectifs du programme budgétaire en question) étaient sensiblement inférieures pour 2025 et 2026 :

Le Gouvernement a donc acté l’augmentation des faits de violence graves en renonçant à maintenir les objectifs de 2023 à moyens budgétaires constants : quel aveu d’échec !
Ces violences sont majoritairement des atteintes aux personnes, représentant 89 % des signalements dans le primaire et 76,5 % dans le secondaire. Parmi elles, les violences verbales (43 %) et physiques (40 % dans le primaire, 24 % dans le secondaire) sont largement représentées. À cela s’ajoute une part croissante d’atteintes à la sécurité, incluant des « atteintes à la laïcité » en nette progression également.
Des réponses institutionnelles insuffisantes
Face à cette recrudescence des faits de violence, les mesures mises en avant dans le rapport
— lutte contre le harcèlement, développement des compétences psychosociales (CPS), éducation à la citoyenneté (EMC) — participent davantage d’un arsenal incantatoire où la récitation de formules positives et de vœux pieux serait censée pallier le manque de stratégie concrète, ciblée et efficace de sécurisation.”
La gravité de certains faits récents, comme l’attaque au couteau survenue à Nantes en avril 2025 et l’assassinat de Mélanie à Nogent en juin 2025, révèle de son côté une réalité que les indicateurs nationaux confirment : le climat scolaire se dégrade, malgré les multiples “plans chocs” annoncés après chaque événement médiatisé. Ces réactions ponctuelles ne peuvent suffire à enrayer une dynamique de violence installée dans la durée.
Une urgence éducative et sociale
Si le rapport annuel de performance 2024 tente d’occulter cet échec en mettant en avant une légère amélioration de la santé scolaire, notamment grâce à une progression du taux de dépistages médicaux (sujet sur lequel nous reviendrons), la sécurité au sein et aux abords des établissements est devenue une urgence et reste la condition préalable à l’instruction qui n’est possible que dans un contexte de sérénité et de tranquillité de moins en moins garanti et dans certains endroits complètement inexistant, ce dont témoigne l’exercice de plus en plus frequent du droit de retrait par les collègues (cf. notre revue de presse entre autre).
La montée des violences ne peut être traitée uniquement par des gesticulations médiatiques ou des programmes généraux ni, a fortiori, par la multiplication des « éducations à… » qui transforment peu à peu l’école en tout autre chose que le lieu d’instruction et de formation de l’esprit qu’elle est par nature. Elle réclame à la fois le courage de regarder la réalité en face et le pragmatisme permettant de prendre des mesures réellement efficacies. Action & Démocratie / CFE-CGC demande urgemment des moyens à la hauteur et des actes concrets pour, en priorité :
- restaurer les repères et notamment l’autorité pédagogique et éducative des personnels, souvent mis en difficulté ;
- confier la sécurité dans et aux abords des établissements à un personnel qualifié plutôt que de faire peser cette charge sur les épaules du personnel d’éducation dont ce n’est pas le métier ou multiplier des dispositifs technologiques (portiques, caméras, badges) donnant une illusion de sécurité ;
- durcir les sanctions pour les rendre effectivement dissuasives et empêcher des passages à l’acte qui sont souvent facilités par l’absence de repères et le laxisme ;
- renforcer la présence d’éducateurs formés afin de leur donner effectivement la capacité d’agir préventivement (CPE, infirmiers, psychologues scolaires, éducateurs spécialisés) ;
- impliquer davantage tous les parents (et non quelques-uns seulement, qui sont toujours les mêmes) dans l’acte éducatif, notamment en créant un congé parental d’éducation (une journée par an opposable à l’employeur) conditionné à la participation aux réunions d’information organisées par les établissements, et revoir le contenu de ces dernières afin de traiter les violences à la racine (sensibilisation aux effets des écrans et des reseaux sociaux notamment).
Conclusion : sortir de la communication pour entrer dans l’action
Les indicateurs présentés ne sont pas des signaux faibles. Ils doivent être pris au sérieux et donner lieu à des politiques publiques ambitieuses, construites avec l’appui et l’expérience des acteurs de terrain. Il ne s’agit plus seulement de “rétablir l’ordre”, mais de refonder les conditions de la paix et du respect au sein des établissements scolaires.
Face à une dégradation continue des conditions enc e domaine, Action & Démocratie / CFE-CGC exige un changement de cap : la sécurité, la santé et la sérénité des élèves comme des personnels ne sont pas des thèmes de campagnes de communication successives, ce sont des sujets sérieux, graves, nécessitant la mise en œuvre d’une stratégie globale, cohérente, volontaire et dotée de moyens à la hauteur des enjeux.