Lettre d’information n°54 – 09 septembre 2022
Supplément SPÉCIAL PE
PE : Rescapés de la rentrée pourrie
Eh bien c’est parti pour une de plus ! En ce qui me concerne c’est ma dix-neuvième rentrée, ce sera dans une école rurale. L’ambiance ? Pour être franc c’est plutôt morose. Mes collègues et moi avons beau adorer notre métier, on ne parle que de reconversion… Et elle viendra, tôt ou tard, à moins d’un changement radical.
Je vous raconte ?
Mais où sont les instits ?
« Il y aura un professeur devant chaque classe à la rentrée » a dit notre nouveau ministre. Il parait que plus de 4 000 postes sont non pourvus alors croit-il vraiment à ce qu’il dit ? On a vu débarquer dans la circonscription de nouveaux collègues qui, pour la plupart, ne connaissent du métier que ce qu’ils en ont appris en 4 jours de « formation ». Alors bien sûr l’inspection attend de nous qu’on leur donne un (gros) coup de main tout en sachant pertinemment qu’on ne les aurait pas abandonnés. Eux, en revanche, tiendront-ils le coup ? La plupart accusent déjà le coup : ils ne s’attendaient pas à ça…
A&D CFE-CGC exige une diminution drastique du recours à la contractualisation. L’enseignement, comme tout métier qui se respecte, nécessite une solide formation pratique, en plus de très bonnes compétences disciplinaires.
Effectifs dans les classes ?
Evidemment, avec des recrutements en berne, il ne fallait s’attendre à voir diminuer le nombre d’élèves par classe. S’il ne s’agissait que de pousser les murs… Non, la vraie difficulté est d’amener vers la connaissance des élèves de plus en plus difficiles à gérer (bonjour l’éducation à la maison), sans compter une hétérogénéité de niveaux de plus en plus forte. Bref, en 2022, une classe de 30 élèves n’est tout simplement pas gérable et comme on y passe notre temps à faire la police, ce sont les élèves sages qui sont sacrifiés, quel que soit leur niveau. Quant à notre collègue de maternelle avec ses 30 petits/moyens, elle a pourtant dû renoncer à l’aide de son ATSEM qui passe une bonne partie de sa matinée à changer des couches. Merci M. Blanquer d’avoir obligé les écoles à accueillir des enfants pas encore propres !
A&D CFE-CGC est pour le PLAFONNEMENT DES EFFECTIFS à 20 élèves maximum par classe.La scolarité obligatoire à 3 ans doit être à nouveau conditionnée à la propreté des enfants.
Loi sur la direction d’école ?
Eh oui, ça y’est ! Depuis cette rentrée, notre directrice est maintenant notre supérieure hiérarchique, elle va piloter le projet pédagogique de l’école – auquel personne ici ne s’intéresse puisqu’on ne l’a pas fait de plein gré -, elle est aussi désormais « membre de droit du conseil école/collège », ce qui la ravit (rires). Sérieusement, elle avait demandé sa mutation parce que cette nouvelle réforme, elle n’en voulait pas – comme 90% des directeurs – et c’était pour elle la goutte d’eau qui faisait déborder la cuvette. Mutation refusée évidemment. Sans aide administrative, elle est au bord du burn-out, début septembre…
Avec A&D CFE-CGC demande l’abandon de la loi Rilhac qui va encore alourdir les tâches administratives des directeurs et dégrader les relations au sein des équipes enseignantes. Pour une diminution drastique des tâches administratives des directeurs.
Plan français/Plan maths
Flicage à tous les étages ?
Super ! c’est notre tour de subir le Plan français… ou le Plan maths, je ne sais plus, peu importe, on n’en voulait pas. Nous, les formations on n’est pas contre mais si elles correspondent à nos besoins, à nos demandes, et c’est très rarement le cas. De plus, il faudra travailler en « constellations », des collègues nous ont raconté : il s’agit de se rendre dans la classe du collègue pour juger sa pédagogie sous l’œil bienveillant d’un conseiller pédagogique. De quoi ruiner définitivement l’ambiance dans une équipe !
A&D CFE-CGC pour une formation continue et fondée exclusivement sur les demandes des enseignants ! A&D exige l’arrêt des formations par « constellations », outil d’un néo-management mortifère et infantilisant.
Ecole inclusive
De pire en pire chaque année ?
L’école inclusive « c’est vous qui la vivez c’est nous qui en vivons », (pour plagier le slogan d’une célèbre émission parodique). En effet, c’est une occasion en or pour les ministres, huiles, pédagogues de salons et associations de promouvoir leur belle moralité, tirant à vue sur tout citoyen ou enseignant qui oserait émettre une critique sur le fonctionnement concret du dispositif (« Quoi ? Mais vous voulez les exclure ? Etc… »). La plupart des classes de notre secteur comptent deux ou trois enfants « à besoins particuliers », voire porteurs de handicaps lourds mais bien sûr ils n’auront pas d’AESH à temps plein ni en nombre suffisant. Beaucoup de ces enfants vont perdre leur temps en milieu « ordinaire » pour la seule satisfaction des belles âmes et du budget. Et une fois que les chefaillons ont (rapidement) tourné les talons, c’est l’instit qui gèrera la galère, comme toujours.
A&D CFE-CGC exige une remise à plat immédiate et complète du dispositif « école inclusive », en concertation étroite avec les enseignants sur le terrain, la création massive de places dans les institutions médico-sociales adaptées et la mise en œuvre pour chaque enfant d’une vraie proposition.
Evaluations d’école
Souriez ! Vous êtes notés (et par n’importe qui) !
Ce n‘est pas qu’on était très confiants lorsque l’Inspecteur venait nous visiter mais ça nous semblait le moyen le moins mauvais d’évaluer notre pratique professionnelle, en tout cas le plus neutre. Mais c’est fini tout cela : notre travail et le fonctionnement de notre école vont désormais être évalués par… des gens qui n’y connaissent rien : les familles, les élèves ( !!! ), les élus, les partenaires de l’école… Ce qui débouchera sur la remise en cause complète de notre statut d’agent de l’Etat et de notre liberté pédagogique… C’est vraiment dommage que le ministre n’ait pas eu l’idée de nous consulter, nous les enseignants, parce que précisément on sait pourquoi le système ne fonctionne plus ! Ainsi on aurait pu économiser beaucoup de temps et d’argent. Mais ce n’était sans doute pas l’objectif…
Avec A&D CFE-CGC réclame l’ARRÊT IMMEDIAT des évaluations d’écoles, dispositif inepte et chronophage qui, loin d’améliorer le fonctionnement des écoles, va encore dégrader la qualité de l’enseignement et les conditions de travail des enseignants.
Et pour couronner le tout notre directrice – dépitée – nous a rappelé qu’il y aurait cette automne la « grande concertation pour revaloriser la profession d’enseignant » voulue par Pap Ndiaye. Quelle blague ! Nul ici n’a oublié le « Grand Débat » de 2004, alors nous savons bien à quoi nous attendre : « Il faudrait que les profs… Les profs devraient faire ça… Les profs ils pourraient… Les profs ils ne font pas assez… ». Personne ici n’attend la moindre solution de cette mascarade.
Voilà. Ce n’est pas rose, mais cette rentrée, on l’a faite quand même. On reste pour nos élèves, pour ce métier auquel on a cru et croit encore. Si le combat est inégal, il n’est pas perdu d’avance.
Action & Démocratie CFE-CGC relève le défi. Enfin, un syndicat qui se bat aux côtés des professeurs des écoles, qui relaie les préoccupations de ceux du terrain, ceux qui aiment ce métier et ne se résignent pas à laisser l’école et nos jeunes devenir la proie de réformes absurdes et d’une gestion délirante !
Ensemble, nous sommes plus forts !
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