Relever le niveau scolaire : une urgence
Mission exigence des savoirs
Communiqué Action & Démocratie - 12 novembre 2023
Annoncée le 5 octobre par Gabriel Attal à l’occasion de la journée mondiale des enseignants, la mission « exigence des savoirs » a pour objet d’identifier les principales mesures permettant de relever le niveau scolaire des élèves et proposer un plan d’action.
Passons sur l’expression inappropriée « exigence des savoirs », aussi peu significative et peu élégante que celle de « choc des savoirs ». Il a régné une telle omerta sur la chute du niveau scolaire pendant si longtemps qu’on ne peut que se réjouir de cette prise de conscience et de la volonté affichée par le ministre de s’attaquer enfin à ce qu’il faut bien appeler l’échec du système éducatif français, échec que ne parviennent plus à dissimuler les taux de réussite faramineux aux examens, notamment au baccalauréat.
Oui, le niveau scolaire est globalement faible, voire parfois indigent. Les innombrables réformes qui ont défiguré l’institution depuis plus de quarante ans en sont en grande partie la cause. S’agissant de la dernière en date, la transformation du baccalauréat en simple certificat de fin d’études secondaires, pour ne pas dire en simple certificat d’assiduité, elle n’a pas encore fini de produire tous ses effets délétères, en particulier à cause du contrôle continu qui, littéralement, pourrit la vie quotidienne au sein des établissements, les élèves et leurs parents exigeant des bonnes notes à tout prix.
Action & Démocratie est le seul syndicat à avoir porté le catastrophique contrôle continu devant le Conseil d’État, et nous aurions sans doute pu obtenir gain de cause si d’autres organisations, syndicales autant qu’associatives, s’étaient jointes à nous comme nous le leur avions proposé.
Mais il n’y a pas que des réformes mal inspirées qui sont responsables de la chute du niveau scolaire, d’autres facteurs extérieurs à l’école entrent en jeu et ont accéléré le phénomène au cours de la dernière décennie au point de rendre l’enseignement de plus en plus difficile, voire parfois carrément impossible.
On ne le répètera jamais assez, la première condition de la réussite scolaire est le travail. Et la première condition du travail est la discipline, mot si important qu’il faut toujours utiliser dans la pluralité de ses sens. Nous constatons tous à quel point il est devenu difficile de faire travailler nos élèves. La promesse d’une « réussite » qui leur est due dès qu’ils ont mis un pied dans l’école, promesse inscrite dans le code de l’éducation en tant qu’objectif du « service public d’éducation », est déjà en elle-même un encouragement à la paresse. Ajoutons-y l’abandon de toute exigence pour accéder à la classe supérieure depuis que l’on a rendu quasiment impossible le redoublement ; la contestation de plus en plus fréquente de l’autorité du professeur de la part des élèves mais aussi de leurs parents, avec la complicité de l’administration parfois ; mais aussi la surexposition aux écrans qui affecte gravement les capacités cognitives des nouvelles générations (pour ne pas parler des autres dégâts engendrés par les smartphones sur le rapport au monde et le rapport à autrui) ; l’hétérogénéité de classes difficiles à gérer en raison des lacunes considérables de certains élèves ayant obtenu leur place sans jamais la mériter, tout comme en raison des défis imposés par l’école inclusive contraignant des enfants porteurs de lourds handicaps à se soumettre aux conditions d’une classe dite « ordinaire » ; etc.
Les causes de la baisse du niveau sont nombreuses et s’enchevêtrent. Comment croire qu’une mission dont les conclusions sont attendues quelques semaines à peine après son installation va pouvoir traiter sérieusement un sujet aussi complexe ? Il est vrai qu’il y a urgence, mais on aurait aimé au moins qu’une lettre de mission fixât son cap et ses grands principes, et qu’une consultation sérieuse des parties impliquées fût organisée. Au lieu de cela, nous avons une mission « éclair » qui est conduite par la DGESCO dans l’opacité et l’improvisation la plus totale, et nous recevons pendant les vacances d’automne une invitation individuelle à répondre à des questions très orientées, questionnaire que chacun peut remplir autant de fois qu’il veut d’ailleurs, au point que lorsque le ministre annonce devant les sénateurs que 100 000 réponses ont été recueillies au 8 novembre, on se dit que tout cela n’est qu’une opération de communication destinée à légitimer des décisions déjà prises.
Certaines organisations syndicales sont vent debout contre ce qu’elles qualifient de « projet réactionnaire », de « retour vers le passé » et à « l’école de grand-papa », réagissant comme un timbre sonore dès que l’on prononce le mot autorité ou le mot discipline. Nous ne les suivons pas sur ce terrain et dans leur renoncement à une école qui instruit. Pour Action & Démocratie, qui exprime ce faisant le sentiment de la majorité sur le terrain, il ne s’agit évidemment pas de revenir à l’école d’autrefois mais d’en finir avec près d’un demi-siècle d’inepties pédagogistes ayant tourné le dos au bon sens éducatif.
Oui, il faut rétablir une certaine discipline et savoir faire respecter l’autorité du professeur car il s’agit des conditions rendant tout enseignement possible. Oui, il faut recourir au redoublement car c’est le seul moyen pour éviter que les difficultés de certains ne deviennent au fil du temps des lacunes insurmontables. Oui, il faut vider les programmes de leur jargon inutile et de leurs concessions aux modes éphémères afin qu’ils exposent avec clarté, rigueur et simplicité les connaissances qui doivent être acquises à chaque niveau. Oui, il faut débarrasser le temps scolaire des gadgets et des heures de rien que chaque ministre y ajoute lors de son étape rue de Grenelle en retirant autant d’heures aux enseignements disciplinaires. Oui, il faut garantir la liberté pédagogique qui est non seulement menacée mais même laminée par la pression engendrée par le contrôle continu, et rétablir à cet effet des épreuves anonymes aux examens.
Action & Démocratie prendra ses responsabilités pour formuler ce que tout le monde réclame sur le terrain et adressera une contribution écrite à la mission « exigence des savoirs » en ce sens. Nous nous prononcerons ensuite sur ses conclusions une fois qu’elles seront officielles et prendrons position sur les décisions prises par le ministre sans dogmatisme idéologique ni arrière-pensée politique, attentifs seulement à ce qui pourra vraiment permettre de renouer avec l’exigence républicaine d’une instruction de qualité pour tous.