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Retour des devoirs écrits à la maison ?

Newsletter AD Premier degré / n°6 - février 2025

En consultant les projets de programmes de cycle 3 (qui devraient entrer en vigueur à la rentrée 2025), voici que nous découvrons une surprise pour le moins inattendue : « Des travaux proposés en dehors de la classe, notamment l’apprentissage des leçons et la résolution d’exercices d’application et d’entraînement, sont indispensables pour consolider les acquis ». Le changement de cap est de taille quand on sait que les exercices écrits à la maison sont théoriquement proscrits depuis 1956 et que même l’apprentissage des leçons hors de l’école est sous le feu des critiques depuis des décennies, son interdiction totale au nom de l’égalité ayant même été réclamée par certains candidats à la dernière élection présidentielle. Un des débats qui aura fait couler le plus d’encre depuis un demi-siècle va-t-il enfin être tranché ?

Rappel, non exhaustif, des consignes officielles

Circulaire du 29 décembre 1956 : « Aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. »

Circulaire du 6 septembre 1994 : « Les élèves n’ont pas de devoirs écrits en dehors du temps scolaire. »

Réforme des rythmes scolaires, 8 juillet 2013 : « interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour les élèves du premier degré. »

Ces rappels réguliers n’ont cependant pas fait disparaître les devoirs écrits à la maison et, malgré l’absence de données fiables, on se risquera à affirmer que la majorité des professeurs des écoles en ont toujours donné, quitte à essuyer parfois les reproches de leur hiérarchie.

De quoi parle-t-on exactement ?

Loin de l’image d’Épinal des problèmes de mathématiques infernaux nécessitant l’intervention de la famille tout entière, y compris celle du tonton ingénieur en physique nucléaire, les devoirs écrits que le ministère plébiscite aujourd’hui consistent non en un travail de recherche mais en l’application stricte de notions étudiées en classe. Afin cependant d’éviter toute dérive, il sera évidemment nécessaire de fixer un cadre à ces devoirs à la maison, que l’on peut résumer en deux points : 

1/ Donner des exercices courts, faciles et explicites.

2/ Encourager les enfants à travailler en autonomie grâce à une méthodologie enseignée en classe.

Ce qu’AD en pense

Si certains syndicats enseignants et des associations de parents d’élèves disent redouter une « rupture d’égalité » entre les enfants (les devoirs à la maison favorisant ceux dont les parents sont à la fois disponibles et suffisamment compétents pour poursuivre à la maison l’enseignement initié à l’école), il faut tout de même reconnaître que l’enseignement dispensé à l’école n’est malheureusement pas suffisant. Pour nous, qui privilégions sur ce sujet comme sur tous les autres une approche pragmatique et non idéologique, il est indispensable que, hors de l’école, un enfant puisse conforter ses acquisitions par un entraînement « technique » régulier et qu’il stimule sa mémoire. Il nous semble hautement bénéfique pour les apprentissages de nos élèves de leur donner des textes à mémoriser (leçons, poésie etc.) ainsi que de petits exercices d’application écrits. Il est d’ailleurs intéressant de relever que l’inspection générale de l’éducation nationale reconnaissait elle-même en 2008 que, dans les classes, « les apprentissages réalisés restent souvent précaires et s’effacent à terme, faute d’une mémorisation, voire d’une automatisation, suffisante. » Elle en déduisait « qu’une certaine forme de travail en dehors de l’école est utile. » [Rapport IGEN 2008-86 Le travail des élèves en dehors de la classe État des lieux et conditions d’efficacité https://www.education.gouv.fr/media/32027/download]

C’est aussi un fait que nos élèves connaissent des situations sociales et familiales extrêmement diverses qui doivent être prises en compte : il n’est pas question de mettre davantage en difficulté des familles monoparentales débordées ou des parents aux horaires de travail complexes, etc. Mais surtout l’école n’a pas à demander aux familles qu’elles assurent à sa place ni même qu’elles complètent les apprentissages scolaires : à chacun sa mission, aux parents l’éducation et aux enseignants l’instruction.

Quant à l’argument du creusement des inégalités, il ne tiendrait que si les devoirs à la maison ne pouvaient être réalisés par l’enfant en autonomie. Or ce n’est précisément pas le cas : les devoirs dont il est question doivent correspondre aux capacités de l’élève sans avoir pour effet de le mettre en difficulté. De plus, c’est à l’enseignant de donner à ses élèves les méthodes de travail qui lui permettront d’être efficace à la maison. Rappelons enfin que de nombreux dispositifs d’aide aux devoirs sont déjà déployés par les pouvoirs publics, y compris les collectivités locales.

Il n’y a pas lieu non plus d’exonérer les familles de leur devoir d’éducation, qui inclut le contrôle du travail scolaire de leurs enfants. Si un élève refuse par paresse d’effectuer un travail adapté à ses capacités, l’enseignant n’en est nullement responsable.

Nous conseillons à tous nos collègues PE, afin de prévenir d’éventuelles contestations, d’exposer précisément en quoi consisteront ces « devoirs » lors de la réunion de rentrée et de proposer des échanges réguliers avec les familles afin de leur apporter des conseils et dissiper tout malentendu à ce sujet.

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