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Budget 2025 : 670 postes en moins dans le premier degré à la rentrée et d’importantes disparités entre académies
Newsletter AD Premier degré / n°6 - février 2025

En annulant la suppression de 4 000 postes prévue dans le budget du gouvernement précédent, le nouveau Premier ministre a renoncé, au moins provisoirement, à faire porter l’effort d’économie budgétaire sur les dépenses d’éducation. Dont acte. Il n’y a cependant pas de quoi pavoiser : dans le premier degré, 670 postes seront tout de même supprimés dans les académies en 2025, la création de 200 postes en réserve ramenant le total net des suppressions à 470. Une fois de plus, on met en avant la démographie pour justifier ces suppressions alors qu’on pouvait la mettre à profit pour engager enfin l’indispensable amélioration des conditions d’enseignement sans laquelle on ne peut espérer de progrès de notre système éducatif. Pour AD, il est temps de changer de logique en fixant règlementairement un nombre maximum d’élèves par classe afin que les conditions d’enseignement ne soient plus une variable des politiques budgétaires.
Alors que le gouvernement Barnier prenait prétexte de la baisse démographique du nombre d’élèves pour justifier la suppression de 4 000 postes d’enseignants, le gouvernement Bayrou a décidé d’annuler cette mesure afin, selon les termes d’Elisabeth Borne, de ne pas fragiliser la politique éducative du pays. La baisse démographique est ainsi présentée comme une « opportunité unique de mieux accompagner les territoires et les élèves les plus fragiles ». Qu’en est-il réellement ?
Il est vrai que la suppression nette de 470 postes dans le 1er degré, pour 80 000 élèves en moins, accompagnée par la création de 324 postes dans le 2d degré, pour 12 000 élèves de moins, engendrera mécaniquement une légère amélioration des taux d’encadrement moyens. Pour le 1er degré, le ministère parle même d’un « taux d’encadrement inédit de 6,13 professeurs pour 100 élèves à la rentrée 2025, contre 6,05 à la rentrée 2024 et 5,46 à la rentrée 2017 ». Certes, mais cela ne suffit pas à faire oublier qu’il reste l’un des plus bas d’Europe. Exprimé en nombre moyen d’élèves par classe pour le 1er degré, il est en effet de 21,3 en 2024, et il est estimé à 21,1 en 2025, quand il est de 19 par classe dans l’OCDE en moyenne, la France ayant le nombre d’élève par classe en élémentaire le plus élevé juste après la Hongrie. Pas de quoi pavoiser donc.
D’autre part, un taux d’encadrement moyen, ce n’est qu’un chiffre dans un tableau mais cela ne correspond à aucune réalité vécue. A l’exception des dédoublements de classe en éducation prioritaire, la norme sur le terrain est celle de classes aux effectifs trop lourds, fréquemment à plus de 27 en maternelle – pour ne rien dire de la surcharge induite par l’inclusion à tout prix d’élèves à besoin particulier. Nous demandons donc au ministère d’être un peu plus attentif à la réalité du terrain plutôt que de considérer celle-ci par le prisme de moyennes abstraites dont il est aussi facile que vain de se flatter.
Quant à l’argument tiré de la démographie, il n’est pas suffisant pour justifier une baisse des moyens d’enseignement puisqu’il faut aussi tenir compte d’autres facteurs, à commencer par le taux de redoublement, qui lui est en hausse (de + 0,8 point en CP (2,7 %) à + 0,2 point en CM2 (0,7 %) en 2024). Il n’a rien d’irrécusable non plus puisqu’il n’existe intrinsèquement aucun rapport de cause à effet entre la diminution d’un nombre d’élève et la réduction d’un nombre de postes. C’est un choix, non une nécessité. De fait, comme le montre le tableau ci-dessous, certaines académies voient le nombre d’élèves estimé à la rentrée 2025 baisser de façon identique (on s’attend par exemple à perdre environ 2900 élèves à Rennes aussi bien qu’à Strasbourg) mais on supprime des postes dans les unes et pas dans les autres (par exemple 20 postes supprimés à Rennes, aucun à Strasbourg). Dans certaines académies, des postes sont créés (et c’est tant mieux) même lorsque les effectifs sont en baisse (Aix-Marseille et Nice) tandis que dans d’autres, il s’agit d’une véritable saignée (Lille perd 127 postes et Paris 110). Globalement, toutes les académies sauf quatre voient leurs moyens d’enseignement diminuer : c’est un choix, non une nécessité. Restera à voir comment cette baisse sera ventilée dans les départements : des choix seront opérés là encore, qui n’ont rien d’une nécessité inéluctable.
Fixer les moyens d’enseignement d’après les seules données démographiques et leurs variations n’est donc pas une simple mesure technique comme on le prétend, mais bel et bien un choix politique, celui consistant précisément à ne pas vouloir mettre à profit l’évolution démographique pour améliorer enfin les conditions de travail réelles pour tous. Pour Action & Démocratie, il est temps de changer complètement de logique et de sanctuariser les moyens d’enseignement en commençant par fixer d’abord des règles en matière de nombre d’élèves par classe afin que, les créations et suppressions de postes n’étant plus à l’entière discrétion des ministres, les conditions d’enseignement cessent d’être une variable d’ajustement des politiques budgétaires des gouvernements qui se succèdent. C’est le sens du vœu que le conseil supérieur de l’éducation a adopté à notre initiative, et dont il va désormais falloir convaincre le législateur du bien-fondé : graver dans le marbre de la loi un nombre maximal d’élèves par classe, en le modulant en fonction du nombre de niveaux par classe, voilà ce qui permettrait de dire sans mentir qu’on fait de l’éducation une priorité. Concrètement, il s’agit de limiter à 22 les effectifs en maternelle et à 24 (hors éducation prioritaire) les effectifs en élémentaire, tout en abaissant ces seuils dans les classes multiniveaux. Une proposition de loi en ce sens avait d’ailleurs été déposée en 2023 par une députée que nous avions contactée et qui nous avait dit qu’elle n’était pas reprise par son groupe (MODEM) en raison d’un veto du ministère, tout en nous demandant d’appuyer ce sujet auprès de ce dernier pour qu’on avance. Action & Démocratie poursuit donc ses efforts pour faire avancer cette revendication dont nous sommes convaincus qu’elle est partagée par la majorité d’entre vous : n’hésitez pas à nous le faire savoir !