Séance du 15 juin 2023

Dans notre déclaration préalable, nous dénonçons la diminution de la liberté entraînée par les différentes mesures prises par le gouvernement, de la réforme des retraites au pacte enseignant en passant par les atteintes à la liberté d’expression.

Nous votons pour le vœu déposé par plusieurs organisations concernant l’introduction du SNU sur le temps scolaire. Notre position sur cette mesure stupéfiante ici.

Notre vœu concernant les conditions non règlementaires dans lesquelles le CSE a examiné les arrêtés introduisant une heure de « soutien et approfondissement » en classe de sixième au détriment de l’enseignement de technologie est adopté (cf. ci-dessous). Il l’est malgré les refus de vote incompréhensibles de plusieurs organisations (FSU, UNSA, CGT, SUD), cf. détail du vote ci-dessous.

Pour mémoire, Action & Démocratie avec l’association des professeurs de technologie PAGESTEC attaque au Conseil d’État l’arrêté supprimant l’heure de technologie en 6ème (Arrêté du 7 avril 2023 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège
NOR : MENE2302486A ) et l’arrêté subséquent pour les classes de 6ème SEGPA. Pour en savoir plus, c’est ici.

Déclaration au conseil supérieur de l’éducation

Séance du 15 juin 2023

 

Qu’avez-vous donc, messieurs, contre notre liberté ?

 

Trois mesures prises par le gouvernement font actuellement beaucoup de bruit dans les salles des professeurs : la réforme des retraites, la mise en place du « Pacte enseignant » et la réforme des lycées professionnels. Ces mesures, prises sans concertation autre que de façade avec les intéressés ou leurs représentants et appliquées avec une brutalité rarement vue, suscitent une large opposition. Rien de plus normal puisqu’elles dégradent à la fois les conditions de travail, les fins de carrière et le système de rémunération des professeurs.

 

Mais, au-delà de ces aspects qui n’ont échappé à personne, ces mesures prises par des acteurs différents présentent un point commun d’une extrême gravité : elles diminuent fortement la liberté dont bénéficient les enseignants ! Une liberté qui, chacun le sait, est déjà mise à mal insidieusement par le développement de l’autonomie des établissements, dont les personnels de direction ont été statutairement proclamés « premiers pédagogues » en décembre 2001, et qui a récemment fait l’objet d’attaques frontales par les plus hautes sphères du ministère.

 

Avec le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, il sera désormais impossible de partir avant d’avoir atteint 64 ans. Et avec l’accélération de la réforme Touraine, il faudra avoir cotisé 43 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Un professeur commençant sa carrière dans le meilleur des cas à 23 ans, masterisation oblige, ne sera a priori pas concerné par cette réforme puisqu’il devra attendre 66 ans pour partir en retraite. A priori seulement, puisque la réalité est toute autre…

 

Dans les faits, 34 % des professeurs des écoles et 23 % des professeurs du 2nd degré partent actuellement en retraite à l’âge de 62 ans, avec pour une très grande majorité d’entre eux une décote. Cela signifie qu’ils ont fait le choix de percevoir une pension amoindrie afin de pouvoir profiter davantage de ce qu’il leur reste d’espérance de vie en bonne santé. Ce choix entre toucher un peu plus d’argent ou bénéficier pleinement de son temps un peu plus tôt, cet arbitrage, c’est une LIBERTÉ qui n’existera désormais plus !

 

Il en est de même avec le « Pacte enseignant ». Jusqu’à présent, les missions qu’il contient étaient accomplies à leur gré par bon nombre de collègues qui s’engageaient en fonction de leurs disponibilités dans les stages de remise à niveau pendant telle ou telle période de vacances scolaires, dans des remplacements de courte durée pour mettre à profit l’absence d’un collègue dans les classes qu’ils avaient en charge afin d’avancer dans le programme ou encore dans un projet qui leur tenait à cœur.

 

Dorénavant, ces mêmes tâches, appelées « missions », pourront encore être accomplies. Mais dans un cadre strict, puisqu’il faudra nécessairement passer par la « brique remplacement de courte durée » en totalité (soit 18 heures) pour pouvoir effectuer des stages de remise à niveau d’une durée fixée à 24 heures et seulement ensuite des projets. C’en est donc fini de la LIBERTÉ pour les professeurs de choisir le travail supplémentaire dans lequel ils souhaitent s’impliquer, ainsi que la durée horaire de leur implication. Tout cela sera fixé par une lettre de mission…

 

Quant à la réforme de la voie professionnelle, dont l’un des objectifs affichés est de mieux reconnaître le travail effectué par les professeurs, elle donnera lieu à la mise en place d’un « Pacte » encore plus contraignant puisqu’il comportera obligatoirement six missions sur les huit possibles. Parmi elles, il y aura nécessairement le remplacement de courte durée, 3 missions en face à face avec les élèves et 2 missions annualisées. La définition des missions de ce « Pacte » non sécable sera effectuée non pas par les professeurs de lycée professionels mais par les chefs d’établissement.

 

Les professeurs de lycée professionnel n’auront donc pas leur mot à dire sur les tâches à effectuer. Leur choix se limitera à accepter ou à refuser le « Pacte » qui leur sera proposé : ce sera tout ou rien ! Certains verront dans la possibilité de dire non le maintien d’une marge d’action pour les PLP. Mais comme il n’y aura pas d’intermédiaire entre tout accepter et tout refuser, cela reviendra à ne plus leur permettre d’effectuer certaines activités qu’ils réalisaient jusqu’alors au gré de leurs disponibilités et de leurs envies. Une LIBERTÉ de moins, donc…

 

Pour Action & Démocratie/CFE-CGC, cette diminution de la liberté des professeurs entraînée par les mesures gouvernementales est inacceptable.

 

Elle l’est d’autant moins qu’il est difficile de ne pas la mettre en relation avec les sanctions disciplinaires stupéfiantes prises à l’encontre de deux professeurs de philosophie au prétexte qu’ils ont utilisé leur liberté d’expression pour critiquer certains aspects de la politique du gouvernement, en dehors de l’exercice de leurs fonctions et dans le respect des lois. Action & Démocratie/CFE-CGC condamne vivement ce dévoiement du devoir de réserve qui vise à mettre sous tutelle les personnels de l’éducation en général et les professeurs en particulier. Nous rappelons que le devoir de réserve ne saurait avoir pour effet de priver les fonctionnaires des droits fondamentaux garantis à tous les citoyens et qu’il n’appartient pas non plus à l’administration de se substituer au juge pour appliquer les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pas davantage qu’il ne revient d’ailleurs au ministre de s’ériger en arbitre des élégances pour décider de ce qui peut être dit et écrit ou pas. Ajoutons, comme le souligne la Cour européenne des droits de l’homme, que « la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. »

 

De toute évidence, il y a de la part de nos dirigeants une volonté très forte de caporaliser les professeurs. Ce n’est pas tolérable !

 

Nous sommes des cadres à part entière, avec ce que cela comporte comme liberté dans l’organisation de notre travail. Nous sommes également des citoyens à part entière, avec ce que cela comporte comme liberté de pensée et d’expression. En ces temps où les repères se brouillent, il faut rappeler ces évidences !

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Conseil supérieur de l’éducation – Séance du 15 juin 2023

Vœu présenté par la CFE-CGC (Action & Démocratie)

Vœu :

 

Le Conseil supérieur de l’éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur les projets de textes du ministère, conformément à ce que prévoit l’article L.231-1 du code de l’éducation : « le Conseil supérieur de l’éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation quel que soit le département ministériel intéressé ». Cette consultation n’a cependant de sens que si elle intervient non seulement avant la publication des textes, ce qui va de soi, mais également avant leur application. En aucun cas l’avis du Conseil supérieur de l’éducation ne peut être valablement sollicité si le texte qui lui est soumis contient des dispositions qui ont déjà été appliquées, et ce même si la date d’entrée en vigueur du texte est postérieure à celle de sa publication. En conséquence, le Conseil supérieur de l’éducation déclare solennellement que ses avis du 24 mars 2023 sur l’arrêté du 7 avril 2023 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège (NOR : MENE2302486A) et sur l’arrêté du 7 avril 2023 modifiant l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif aux classes des sections d’enseignement général et professionnel adapté (NOR : MENE2304092A), dans la mesure où certaines dispositions contenues dans ces textes ou impliquées par ceux-ci avaient été mises en œuvre antérieurement au 24 mars 2023, n’ont pas été recueillis de façon régulière et ne sont pas valables.

 

Exposé des motifs :

 

Lors de la séance du 24 mars 2023, le CSE s’est prononcé à la quasi-unanimité contre les deux arrêtés précités. Que le ministère n’ait tenu aucun compte de ces avis est une chose que les membres du CSE ne peuvent que déplorer mais qui n’est pas nouvelle hélas. En revanche, c’est la première fois que le CSE est consulté sur des textes dont le ministère lui-même a demandé aux recteurs et aux directeurs des services académiques de prendre en compte les principales dispositions dans leurs travaux pour préparer la rentrée scolaire avant de les soumettre au CSE.

 

Plus précisément, dans une note de service du 21 janvier 2023 ayant pour objet la préparation de la rentrée 2023, le directeur général de l’enseignement scolaire agissant au nom du ministre par délégation demandait expressément aux recteurs d’académie et aux directeurs académiques des services de l’éducation nationale de prendre en compte les « mesures nouvelles pour la classe de 6ème » dans le cadre des « travaux de rentrée » qu’ils conduisaient « actuellement », c’est-à-dire depuis le 3 janvier 2023. Dans cette note de service, celui-ci exposait « les évolutions à mettre en œuvre » qui sont « d’une part, la mise en place de sessions d’une heure hebdomadaire de consolidation ou d’approfondissement et d’autre part, la généralisation à tous les élèves de 6ème du dispositif « Devoirs faits ». Il ajoutait immédiatement après que « ces deux évolutions feront l’objet de travaux réglementaires. », en sorte qu’il demandait par cette note que les recteurs d’académie, les directeurs académiques des services de l’éducation nationale et, sous leur autorité, tous les personnels d’inspection et de direction chargés de préparer la rentrée scolaire 2023, appliquent dès le mois de janvier 2023 des textes qui n’existaient pas encore, qui n’étaient pas publiés et qui n’avaient pas non plus été soumis à l’examen du conseil supérieur de l’éducation.

 

Dans le cadre de leurs requêtes communes contre ces deux textes devant le Conseil d’État, le syndicat Action & Démocratie/CFE-CGC et l’association PAGESTEC, celle-ci ayant au préalable exercé de nombreux recours devant les tribunaux administratifs à ce sujet, ont constaté que les textes qu’ils attaquaient avaient bien en effet commencé à être appliqués à partir du mois de janvier et que cela était de nature à mettre en doute la validité de l’avis du CSE du 24 mars 2023.

 

Il est donc demandé au CSE par ce vœu de rappeler le ministère de l’éducation nationale au respect de la loi et de condamner solennellement le procédé consistant à mettre en œuvre des dispositions avant que le CSE n’ait pu donner son avis. Ce procédé témoigne d’un mépris envers tous les membres du CSE et tend à faire passer celui-ci pour une instance dont l’avis est inutile et n’a pas à être pris en considération.

Vote : favorable

Pour : 14 (dont CFE-CGC, CFDT, SNALC, FO)

Contre : 0

Abstention : 9 (dont MEDEF, FCPE)

Refus de vote : 42 (FSU, UNSA, CGT, SUD, PEEP)

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Vote détail