A&D vous informe : la retraite progressive des fonctionnaires

La réforme des retraites adoptée sans vote ni débat parlementaire significatif est entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Elle accélère à cette date l’augmentation de la durée de cotisation déjà prévue par la réforme « Touraine » et elle repousse progressivement l’âge légal de départ à la retraite jusqu’à la cible de 64 ans pour les personnes nées en 1968 et après.

Quelques mesures dites « sociales » avaient été mises en avant pour faire passer la pilule, telle que la retraite progressive ouverte aux fonctionnaires. Présentée par le ministre de la fonction publique comme une avancée en mars dernier, force est de constater aujourd’hui qu’il n’en est rien. Le décret n° 2023-753 du 10 août 2023 portant application de l’article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive qui détaille les modalités de la retraite progressive dans la fonction publique ne répond à aucune de nos exigences : non seulement la retraite progressive reste soumise à autorisation préalable de l’employeur, ce qui en fait plus une promesse qu’un droit concret, mais elle entraîne une diminution significative du montant de la pension lors de sa liquidation totale.

C’est pourquoi Action & Démocratie demande le rétablissement de la cessation progressive d’activité selon des modalités précises exposées ci-après.

 

Qu’est-ce que la retraite progressive ?

 

La retraite progressive consiste, à l’approche de la retraite, à pouvoir exercer son activité à temps partiel tout en cumulant sa rémunération avec une fraction de sa pension de retraite.

Ainsi présentée, la mesure semble alléchante, surtout pour nous, personnels de l’éducation, dont les métiers engendrent une usure professionnelle qui fait l’objet d’un déni persistant et scandaleux. Mais, ici comme ailleurs, le diable se cache dans les détails.

 

Conditions d’accès à la retraite progressive

 

Pour pouvoir prétendre à la retraite progressive, il faut réunir les conditions suivantes :

  • Etre à 2 ans ou moins de 2 ans de l’âge légal d’ouverture des droits applicable à l’agent.
  • Disposer d’une durée d’assurance tous régimes de retraite égale à 150 trimestres au moins.
  • Exercer son activité à temps partiel à titre exclusif.

 

A noter : le droit à la retraite progressive était déjà ouvert avant la réforme pour les contractuels, avec un régime identique à celui des salariés du privé, à l’exception des modalités d’exercice à temps partiel qui sont celles du droit commun applicable aux agents publics, cf. ci-dessous.

 

Un droit soumis à autorisation !

 

Le temps partiel ouvrant à la retraite progressive est le temps partiel de droit commun de la fonction publique : temps partiel de droit (naissance, adoption, handicap etc…) ou temps partiel sur autorisation (convenances personnelles), à l’exclusion du temps partiel thérapeutique. Cela signifie qu’en dehors de quelques exceptions liées au temps partiel de droit, la demande de retraite progressive est de facto soumise à autorisation de l’administration : il suffit à cette dernière de ne pas répondre pendant deux mois à une demande de temps partiel pour que, ce silence valant rejet de la demande, l’agent soit privé du bénéfice de la retraite progressive !

 

A noter : pour la retraite progressive, les quotités de temps partiel sont en principe les mêmes que dans le droit commun, allant de 50% à 90%.

 

Le montant de la retraite progressive

 

La retraite progressive a une incidence sur le niveau de la pension de retraite lors de sa liquidation.

Si la baisse de salaire engendrée par l’emploi à temps partiel est en partie compensée par le versement anticipé d’une part de la pension, cette dernière reste bien entendu calculée sur la base des droits acquis à cette date. Cette base est ensuite proratisée en fonction de la quotité de temps de travail effectué. Ainsi, pour un agent en retraite progressive qui exerce à temps partiel pour une quotité de 60%, une première liquidation sera effectuée en application des règles normales de la liquidation, et la pension obtenue sera alors réduite au prorata du temps travaillé : la pension partielle reçue équivaudra à 40% de ce montant. Dans cet exemple, l’agent perçoit donc 60% de son traitement et 40% du montant de sa pension en fonction des droits acquis à ce moment : l’impact financier de la retraite progressive est donc énorme et très dissuasif.

Mais ce n’est pas tout ! Durant la retraite progressive, l’agent continue de cotiser mais les trimestres cotisés dépendent de la quotité de temps partiel : le montant de la pension lors de la cessation définitive d’activité sera donc mécaniquement inférieur à ce qu’il aurait dû être, sauf à sur-cotiser pour décompter la période de travail passée en retraite progressive comme période à temps plein, ou encore à prolonger la période de retraite progressive dans l’espoir de ne pas trop perdre au moment de la liquidation complète de la pension.

 

A noter : le cumul de la « pension partielle » et du revenu d’activité à temps partiel n’est pas limité dans le temps, du moins dans l’état actuel des textes. Il est donc possible de poursuivre l’activité en retraite progressive jusqu’à la limite d’âge, voire au-delà grâce aux différents dispositifs de poursuite d’activité.

 

Les périodes accomplies au cours de la retraite progressive sont prises en compte au titre de la surcote, et ce quelle que soit la quotité de temps de travail accomplie. En effet, les périodes de temps partiel sont considérées comme des périodes de temps plein au regard de la durée d’assurance, qu’ils aient donné lieu à sur-cotisation ou non. Inversement, la sur-cotisation permet de décompter le temps partiel comme du temps plein au regard de la durée de services et non de la durée d’assurance, seule prise en compte pour le calcul de la surcote.

 

 

Comment faire sa demande de retraite progressive ?

 

Il faut adresser sa demande de retraite progressive au service des retraites de l’État (SRE) 6 mois avant la date à laquelle on souhaite passer en retraite progressive.

Dans le même temps, il faut adresser à son employeur, c’est-à-dire en l’espèce au rectorat, une demande de temps partiel. Afin que la retraite progressive soit versée dès la date souhaitée, il faut obtenir l’autorisation de temps partiel au moins 4 mois avant la date d’effet, et donc solliciter l’administration au moins 2 mois plus tôt (le silence gardé deux mois après la demande valant rejet de celle-ci).

Ainsi, l’agent qui souhaite bénéficier de la retraite progressive sans être encore à temps partiel a intérêt à déposer en même temps sa demande de retraite progressive au SRE et sa demande de temps partiel à l’administration 6 mois avant la date d’entrée en retraite progressive souhaitée.

 

A noter : l’agent qui exerce déjà à temps partiel peut demander la retraite progressive à tout moment, sans avoir besoin de modifier sa quotité ni demander une nouvelle autorisation, sauf évidemment pour modifier ladite quotité.

En cas de demande de retraite progressive tardive auprès du SRE, il est possible que le versement de la pension partielle intervienne après la date d’effet, mais cela donnera lieu à un rattrapage.

Dans le cas où l’agent a eu l’autorisation d’exercer à temps partiel mais n’a pas la possibilité de bénéficier de la retraite progressive (en raison de trimestres manquants par exemple), il lui est possible de retirer l’acte d’autorisation d’exercer à temps partiel (dans les conditions de droit commun relatif à celui-ci, cf. art. L. 242-4 du code des relations entre le public et l’administration).

 

S’informer de ses droits à la retraite progressive

 

Avant de préparer sa demande de temps partiel, il faut consulter le site « Info retraites » pour connaître le nombre de trimestres acquis. A moyen terme selon la DGAFP, le service des retraites de l’État tiendra à disposition des fonctionnaires un outil permettant d’accéder à des informations plus fournies sur les droits à retraite progressive, incluant des simulations de montants de pension partielle selon la quotité de temps partiel. En attendant, tournez-vous vers votre syndicat Action & Démocratie/CFE-CGC pour avoir des réponses à toutes vos questions.

 

La position d’Action & Démocratie

 

Depuis janvier 2023, votre syndicat Action & Démocratie a pris des positions fortes et singulières dans le débat sur les retraites. Nous avons ainsi été les premiers à réclamer la reconnaissance de l’usure professionnelle dans l’éducation nationale. C’est pourquoi nous considérions avec intérêt la notion de retraite progressive et son extension aux fonctionnaires tout en soulignant qu’elle ne devait pas être la pure et simple transposition à la fonction publique d’un dispositif mise en place dans le privé pour répondre à des problématiques très spécifiques telle que le maintien des seniors dans l’emploi notamment. En outre, étant donné que les retenues pour pensions ne sont pas des cotisations qui alimentent des caisses de retraite mais qu’elles vont directement dans le budget de l’État, le principe d’une liquidation partielle de la pension n’a aucun sens dans la fonction publique, sauf à faire travailler les agents plus longtemps pour les payer moins !

 

Pour Action & Démocratie, la retraite progressive dans la fonction publique n’a de sens que si elle prend la forme et revêt les modalités d’une cessation progressive d’activité. Nous défendons sous cette appellation, non pas le retour pur et simple à la cessation progressive d’activité si injustement supprimée, mais un dispositif permettant de diminuer progressivement la charge de travail jusqu’à la date de départ à la retraite, et ce bien entendu sans incidence sur les trimestres cotisés et le montant de la pension au moment de sa liquidation.

 

  • Une telle cessation progressive d’activité ou retraite progressive (peu importe le nom qu’on lui donne) doit être accessible aux agents sans être soumise à autorisation préalable de l’administration.
  • Elle doit être accessible sans autre condition que celle de l’âge, au moins cinq ans avant l’âge légal de la retraite et à partir de 57 ans quel que soit l’âge légal car l’usure professionnelle, elle, ne diminue pas avec l’âge, bien au contraire !
  • La quotité de travail doit être variable durant ces 5 années : 75% pendant les deux premières années puis 50% pendant les trois suivantes (principe de progressivité). Il ne s’agit donc pas d’un temps partiel de droit commun mais d’un temps partiel spécifique à la retraite progressive.
  • La rémunération de l’agent en cessation progressive d’activité doit être égale à 90% du traitement brut pour les deux premières années et 85% pour les trois autres.
  • Enfin, le temps partiel de cessation progressive d’activité pourra être prolongé de droit pour une durée de deux ans au-delà de l’âge légal, notamment pour éviter de subir une décote (problématique propre aux carrières des enseignants qui ont souvent débuté à bac + 5, voire davantage, pour des raisons inhérentes à l’emploi lui-même).
  • Afin que ce dispositif n’entraîne aucune diminution du montant de la pension au moment de sa liquidation, les trimestres cotisés pendant la période de retraite progressive doivent être assimilé à du temps plein.

Ce dispositif, qui serait un véritable progrès, fait partie de nos propositions pour prendre enfin en compte l’usure professionnelle dans l’éducation nationale. Dans ce cadre, nous faisons d’autres propositions et demandons notamment qu’aucune heure supplémentaire (HSA) ne puisse être imposée aux agents à partir de 57 ans, qu’ils soient ou non en cessation progressive d’activité.

 

La prise en compte de l’usure professionnelle et notre proposition sur la cessation progressive d’activité vous intéressent ? Rapprochez-vous de nos sections locales pour découvrir un syndicat qui intervient dans le dialogue social de façon utile, constructive et pragmatique dans l’intérêt des personnels comme dans celui de l’institution. Syndiquez-vous à Action & Démocratie /CFE-CGC pour être accompagné, défendu et représenté de manière efficace.

 

Pour toute question sur la retraite, contactez notre secteur retraite