La vie d’abord, « quoi qu’il en coûte » !

Nous traversons ensemble une crise exceptionnelle. Avant toute chose, nous adressons notre sympathie à tous, et en particulier à celles et ceux de nos destinataires qui éprouvent directement les peines et les chagrins causés par l’épidémie actuelle. Veiller à la santé de tous, c’est préserver la vie de chacun : rien ne vaut plus. Protéger la vie est un impératif catégorique.

Qu’il faille envisager une sortie de crise et y travailler est une évidence. Nous prenons acte des annonces du Président de la République au soir du 13 avril, notamment la prolongation du confinement strict jusqu’au 11 mai et la réouverture progressive des écoles à partir de cette date.

Ces annonces ont fait beaucoup réagir, parfois bruyamment et souvent prématurément. Dès le lendemain, elles ont été nuancées tant par le ministre de l’éducation que par le Premier ministre lui-même. La « réouverture progressive » est bien entendu soumise à la mise en place de mesures préventives et à la prise en compte des situations particulières, géographiques et sociales. L’un comme l’autre ont indiqué que les quinze prochains jours seraient mis à profit pour apporter les précisions nécessaires : nous ne sommes probablement pas au bout des revirements et ajustements, mais déplorons d’ores et déjà que cette première annonce fasse peser un tel poids sur ceux qui vont devoir la mettre en œuvre dans un contexte aussi difficile et pour un résultat discutable.

Après les illusions de « la continuité pédagogique », les fanfaronnades des « vacances apprenantes », la comédie du baccalauréat délivré par des « jurys académiques d’harmonisation » (sic), avons-nous besoin d’une usine à gaz de plus pour sauver les apparences à la fin d’une année perturbée ? N’est-il pas plus sensé de préparer dès maintenant une rentrée de septembre qui sera véritablement l’occasion de réparer ce qui doit l’être, et de repartir ?

Les insuffisances criantes de la « continuité pédagogique » fondée sur la technologie informatique (aggravant en outre les inégalités sociales et géographiques) auront au moins permis de faire prendre conscience à tous, et notamment à ceux qui l’avaient oublié, de l’importante du face-à-face pédagogique ou, comme on dit en novlangue, du « présentiel ». Nous faisions partie des premiers à le dire et le défendre sur tous les fronts, et nous sommes encore parmi les premiers à penser que oui, l’école véritable, l’école pleine de vie où l’on travaille vraiment avec tous doit reprendre, c’est une évidence.

Mais c’est aussi une évidence que l’école ne peut pas reprendre sans qu’on prévoie des aménagements importants et qu’on mette en place des mesures de bon sens liées aux déplacements, à l’accueil, aux distances de sécurité, à la protection individuelle des personnels comme des élèves. Rappelons que si les plus jeunes restent épargnés par les développements symptomatiques du Covid19, ils peuvent être porteurs sains et contaminer de manière invisible leur entourage, enseignants et familles.

Vous êtes nombreux, enseignants et autres personnels, mais aussi parents, à nous contacter pour nous faire part de vos inquiétudes et de votre grande défiance vis-à-vis de cette réouverture. Action et Démocratie les partage. Oui, il est normal d’avoir peur d’être porteur asymptomatique et de pouvoir contaminer ses élèves et, au-delà, leurs familles. Oui, il est normal d’avoir peur d’être contaminé par des élèves ou des collègues asymptomatiques et de contaminer les siens. Oui, il est normal et raisonnable d’être méfiant devant l’annonce d’une « réouverture » dans un mois qui, même « progressive », est à l’évidence prématurée alors qu’on ne sait rien des conditions sanitaires à ce moment-là et que les autorités compétentes, dont l’INSERM, sont elles-mêmes très réservées.

Le chantier de la réouverture dès le mois de mai des écoles, collèges et lycées aura au moins le mérite d’interroger sur la disponibilité des masques et autres matériels de protection pour les professeurs, les élèves et tous les personnels de l’Éducation Nationale. Comment gérer en outre les transports scolaires, les salles des professeurs et les salles de classes bondées ? Comment éviter les mouvements dans des couloirs exigus, assurer le respect des distances sanitaires dans des cantines saturées, pour ne rien dire des internats ? Ce chantier de la « réouverture progressive en mai » est en réalité pharaonique, et semble même disproportionné par rapport à la durée effective de cette réouverture, inférieure à deux mois : tout ça pour ça ?

Avant même la fermeture des écoles, Action et Démocratie dénonçait l’état déplorable des toilettes dans les établissements scolaires. Ce seul chantier mériterait d’être traité sérieusement dès maintenant afin d’offrir enfin, lors de la rentrée de septembre, des conditions d’hygiène conformes à ce qu’on peut espérer d’une des plus grandes puissances du monde en ce début du 21e siècle ! Oui, il faut revoir complètement les normes et usages en ce domaine, et donner les moyens adaptés et modernes au personnel en charge de la décontamination des locaux et du nettoyage régulier du matériel pédagogique. Ce chantier de la remise en route du système scolaire est en réalité immense. Il faut s’y atteler dès maintenant. Mais une politique éducative sérieuse devrait en prendre la mesure et ne pas prétendre faire en quinze jours ce qui nécessite au moins quatre mois de préparation pour être bien effectué.

D’ici là, nous serons très attentifs aux conditions sanitaires et de sécurité des personnels et des usagers : Action et Démocratie considère que la réouverture des établissements scolaires en mai, malgré les réserves des autorités médicales, doit se faire sous l’entière responsabilité juridique des décisionnaires, qui seront comptables vis-à-vis de la santé et le cas échéant de la vie du personnel et des usagers. Nous nous réservons le droit de poursuites pénales si des vies sont mises en danger, comme nous l’avons déjà fait à l’encontre du ministre de l’éducation pour le manque de médecins de prévention. Nous demandons solennellement aux décideurs (ministres, recteurs, DASEN, personnels de direction) de faire en sorte que ce risque soit minimal et maîtrisé en assumant clairement la possibilité d’une nouvelle fermeture si cela s’avère nécessaire : non à la réouverture coûte que coûte ! Oui à la protection quoi qu’il en coûte !

Action et Démocratie invite donc le ministre à cesser de perdre son temps et de le faire perdre aux autres : aucune véritable réouverture n’est envisageable dans ces conditions, en si peu de temps et pour si peu de temps. Qu’on l’assume donc et qu’on se borne à permettre, là où cela est possible et uniquement sur la base du volontariat, d’accueillir les enfants des personnels soignants et d’autres personnels réquisitionnés, et que l’on se mette plutôt à travailler dès maintenant et tous ensemble à une rentrée apaisée en septembre.
 
A tous les personnels qui se retrouvent dans nos positions, Action & Démocratie veut dire que nous ne lâcherons rien et, bien que le ministère fasse le choix de ne discuter qu’avec les organisations siégeant au Comité technique en persistant à éluder le réel, nous continuerons de notre côté à faire entendre votre voix avec force et clarté, la voix de la base, de la majorité silencieuse et du bon sens, sur le baccalauréat, sur les retraites, sur les salaires, sur le jour de carence, sur la médecine de prévention, sur le harcèlement moral, sur la dégradation constante de nos métiers et le délitement de l’école. Nous vous remercions pour les marques de confiance que vous êtes de plus en plus nombreux à nous témoigner, et qui nous confortent dans le but qui est le nôtre : reconstruire le syndicalisme afin de reconstruire l’école.

 

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