Conseil supérieur de l'éducation

Limiter réglementairement le nombre d’élèves par classe : qui est pour, qui est contre, qui refuse de se prononcer ?

CSE - séance du 6 juin 2024

Le 6 juin dernier avait lieu une séance du Conseil supérieur de l’éducation consacrée principalement à l’examen et au vote des textes modifiant les programmes de français et de mathématiques de l’école maternelle (cycle 1) et du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2).

Tout comme le projet de programme d’EMC du CP à la Terminale examiné lors de la séance précédente du 22 mai (voir notre compte rendu ici), les projets d’arrêtés modifiant ces programmes comportaient comme date d’entrée en vigueur la rentrée 2024. Il semblait donc tout à fait normal à l’administration que de nouveaux programmes contenant des modifications significatives par rapport à ceux qui sont en vigueur soient publiés fin juin pour être appliqués début septembre, et ce bien entendu sans que les enseignants concernés ne puissent avoir le temps de se les approprier ni ne bénéficient d’une quelconque formation, pour ne rien dire des éditeurs de manuels également supposés travailler à la vitesse de l’éclair.

C’est pourquoi, en début de séance, Action & Démocratie/CFE-CGC a soumis au CSE un vœu exigeant du ministère de l’éducation nationale qu’il respecte le code de l’éducation, et notamment son article D. 311-5 qui dispose que « les programmes ne peuvent entrer en vigueur que douze mois au moins après leur publication, sauf décision expresse du ministre chargé de l’éducation ou du ministre chargé de l’enseignement supérieur, prise après avis du Conseil supérieur de l’éducation. »

Nous nous réjouissons que ce vœu ait été adopté par 48 voix pour (dont AD, CFDT, FSU, UNSA, SNALC), 1 contre, 6 abstentions et 14 refus de vote (dont CGT, FO, SUD). Nous nous réjouissons encore davantage que le ministère ait fini par nous entendre et reporter d’un an la mise en œuvre de ces nouveaux programmes. Nous continuerons à exiger de sa part le respect des dispositions de l’article D. 311-5 du code de l’éducation dans les mois à venir, puisque d’autres programmes sont en préparation.

 

Sur le fond, Action & Démocratie n’était pas hostile à ces programmes, plus précis, plus explicites et plus rigoureux que les précédents. Cependant, présentés par la DGESCO en séance comme le moyen pour « élever le niveau scolaire » dans le cadre des mesures pour produire « un choc des savoirs », nous avons dû rappeler que la priorité pour ce faire n’était pas de modifier les programmes mais bien d’améliorer les conditions d’apprentissage, en commençant par baisser les effectifs et remettre à plat les modalités de l’école inclusive.

C’est pourquoi, avant l’examen des textes, Action & Démocratie/CFE-CGC a soumis encore un vœu au CSE pour que le nombre maximal d’élèves par classe dans le premier degré soit fixé et limité réglementairement. Voici le texte de notre vœu :

 

« Le projet de programme de français du cycle 1 examiné ce jour indique en préambule que « l’école maternelle a pour mission de permettre une première scolarisation réussie en développant le plaisir d’apprendre et l’acquisition de nouveaux savoirs et savoir-être. Elle doit créer les conditions d’un accueil dans un environnement serein et rassurant en prenant en compte le développement de chaque enfant, afin que chaque élève soit en capacité de poursuivre en confiance l’acquisition des savoirs fondamentaux dont il profitera au cours préparatoire et tout au long de sa scolarité. »

Afin de créer effectivement les conditions d’un accueil dans un environnement serein et rassurant permettant de prendre en compte le développement de chaque enfant, la première des mesures à prendre ne consiste pas à modifier les programmes mais à limiter par voie législative ou réglementaire le nombre d’élève par classe, aussi bien en maternelle qu’à l’école élémentaire.

C’est pourquoi le Conseil supérieur de l’éducation exige du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse qu’il prenne enfin ses responsabilités sur ce point majeur et qu’il fixe une fois pour toutes à 22 le nombre maximal d’élèves par classe en maternelle et à 24 pour l’école élémentaire, en abaissant ce seuil dans le cas des classes comprenant plusieurs niveaux. »

[Exposé des motifs ici]


Nous nous réjouissons que ce vœu ait été adopté avec 25 voix pour (dont AD, UNSA, SNALC, SNPDEN, PEEP) et 0 contre en dépit du nombre élevé de refus de vote (38 refus de vote…) aussi inattendus qu’incompréhensibles de la part d’organisations syndicales se disant pourtant soucieuses des conditions de travail et de la lourdeur des effectifs (ont notamment refusé de voter : CFDT, FSU, FO, CGT, SUD).

 

 

Pour information, nous avons voté contre un vœu intersyndical auquel AD n’avait pas été associé et qui demandait l’abandon de ces programmes. Nous ne souhaitons pas l’abandon de ces programmes et ne partageons pas du tout les motivations de ce vœu qui ressemble davantage à un tract intersyndical qu’à un vœu du CSE (y compris par le recours à l’écriture inclusive…), tout comme nous trouvons inconséquent de réclamer l’abandon de programmes en maintenant cependant une quarantaine d’amendements. De fait, même si ce vœu (pieux) a été adopté par 52 voix pour (dont FSU, UNSA, CFDT, SUD, CGT) et 5 contre (dont AD, APEL, PEEP), le texte a été maintenu à l’ordre du jour et les amendements des organisations signataires de ce vœu ont été examinés un par un et défendus par ces dernières comme si de rien n’était

Pour information également, le SNALC a également déposé un vœu en préalable à l’examen des programmes de français et mathématiques des cycles 1 et 2 demandant à ce qu’ils soient réécrits avec des attendus de fin d’année par classe. Cette demande nous a paru à la fois redondante avec l’intention des rédacteurs desdits programmes et de nature à les alourdir inutilement pour tenir compte des multi-niveaux. Ce vœu n’a d’ailleurs pas été adopté par le CSE (1 pour – le SNALC – et 47 contre, résultats détaillés ici).


Action & Démocratie n’était donc pas hostile à ces nouveaux programmes et partageait l’ambition qui les anime mais nous nous sommes opposés, à l’instar d’autres organisations dont nous avons soutenu les amendements sur ce point (ceux du SNUIPP-FSU notamment), aux « points de vigilance » qui figurent dans des programmes alors qu’ils n’y ont pas leur place et relèvent à l’évidence de ce qu’on appelait jadis des instructions. Nous sommes en effet de farouches défenseurs de la liberté pédagogique et refusons en conséquence que des programmes d’enseignement contiennent autre chose que l’énoncé de ce qui doit être enseigné, la manière de l’enseigner devant rester à la main de l’enseignant et, à la rigueur, être décrite avec les précautions idoines par l’inspection dans un document ad hoc distinct du programme proprement dit.

Devant le refus obstiné de la DGESCO de tenir compte de cette exigence élémentaire et de bon sens, Action & Démocratie a donc logiquement voté contre ces textes.

L’ensemble des documents relatifs à la séance du CSE du 6 juin (déclarations préalables, vœux, projets de textes, amendements, résultats des votes et avis officiels) est disponible ci-dessous. Il n’y a pas eu cette fois de déclaration préalable d’Action & Démocratie.

 

CSE - séance du 6 juin 2024 - documents

Présidé par le ministre chargé de l’éducation nationale ou son représentant, le Conseil supérieur de l’éducation est une instance consultative appelée à émettre des avis sur :
– les objectifs et le fonctionnement du service public de l’éducation ;
– les règlements relatifs aux programmes, aux examens, à la délivrance des diplômes et à la scolarité ;
– les questions intéressant les établissements privés d’enseignement primaire, secondaire et technique ;
– toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation, quel que soit le département ministériel concerné ;
– toute question dont il est saisi par le ministre chargé de l’éducation.

Action & Démocratie y siège dans le troisième collège au titre de la CFE-CGC qui est l’une des cinq organisations syndicales interprofessionnelles reconnues par l’État. et fait aussi partie des commissions spécialisées préparatoires aux séances plénières. Nos représentants sont René Chiche (titulaire), Matthieu Faucher et Nadia Daly (suppléants).