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Évaluations nationales : beaucoup de bruit syndical pour rien

[Newsletter AD Premier degré / septembre 2024]

Le sujet des évaluations fait débat depuis longtemps à l’éducation nationale en général et au sein des équipes en particulier.

Pour les uns, des évaluations communes par niveau de classe, que pratiquent d’ailleurs de nombreuses écoles, seraient un atout en permettant une meilleure remédiation (groupes d’élèves avec les mêmes difficultés). Pour d’autres, elles seraient une entrave à la liberté pédagogique et une façon de trier les élèves. Pour d’autres enfin, elles sont inutiles et n’apportent pas grand-chose à la connaissance du niveau des élèves et de leurs capacités. Ne pourrait-on pas cependant objecter à ces derniers qu’on améliore aussi la connaissance qu’on a de ses élèves justement en mesurant leurs capacités en dehors du cadre et des conditions ordinaires, et qu’on s’assure d’autant mieux de l’acquisition d’une compétence par ces derniers qu’on les place dans une autre situation afin qu’elle y soit réinvestie ?

Toujours est-il que les évaluations nationales, plus encore que celles dites de niveau ou de cycles, posent problème à beaucoup car elles cristallisent tous les sujets de mécontentement d’une partie de la profession : caractère obligatoire (gros mot pour certains), uniforme (autre gros mot pour ceux qui devraient pourtant se réjouir qu’on traite tous les élèves à égalité), dates et modalités de passation imposées (grrrr !!!) et enfin saisie des réponses à effectuer rapidement (sur un site dédié qui est toutefois maintenant assez bien fait).

Bref, chaque année est une nouvelle occasion pour exprimer ce mécontentement et lancer des appels au boycott aussi lunaires que sans effets contre tout ce qui vient « d’en haut », est « imposé par la hiérarchie » et demande du travail ainsi que de communiquer avec les parents puisque les résultats sont à présenter individuellement aux familles. Rappelons cependant que les mêmes ont bataillé, et s’en vantent encore, pour que nous ayons davantage de temps dédié à la relation avec les parents ; comprenne qui peut…

Une juste rémunération

Les dernières années ont été compliquées par le fait que certains niveaux étaient concernés par les évaluations nationales et pas les autres. Cela pouvait créer des tensions entre collègues car la compensation par des heures d’APC en moins ne concernait que les collègues en CP puis CE1 et CM1. La généralisation des évaluations à tous les niveaux de l’élémentaire met tout le monde à égalité de ce point de vue, enfin presque tout le monde car la moitié des directeurs et directrices d’écoles, déjà déchargés d’APC, n’en bénéficiera pas. Ces collègues devront donc faire ce énième travail supplémentaire de façon bénévole, ce qui est proprement ahurissant et inacceptable.

Toute charge de travail supplémentaire doit impliquer une rémunération correspondante, et Action & Démocratie se serait joint à une intersyndicale appelant non au boycott mais au juste paiement du travail, ce qui est le minimum syndical.

Action & Démocratie, qui n’est pas contre tout par principe ou par posture, et qui ne rejette pas a priori des évaluations nationales, pose donc comme première condition que le travail qu’elles nécessitent soit rémunéré par des heures supplémentaires ou, à défaut, par une indemnité spécifique. C’est la revendication que nous porterons en votre nom au prochain ministre.

Sur le fond, même si l’on peut critiquer à bon droit les évaluations nationales telles qu’elles sont conçues et mises en œuvre avec des arguments solides, il faut commencer par rester un peu sérieux : elles existent, et aucun appel au boycott ne changera cela ! Elles sont par ailleurs considérées plutôt comme une bonne chose par la plupart d’entre vous. Tentons donc ensemble de les rendre meilleures, plus pertinentes, exploitables plus rapidement et simplement sur le terrain, mais ne jetons pas une énième fois le bébé avec l’eau du bain !

Placer les évaluations en fin d’année

La passation au début de l’année scolaire se voulait pertinente car cela devait permettre des remédiations et des adaptations aux élèves de la classe. On qualifie donc ces évaluations de diagnostiques, mais on se comporte comme si elles étaient sommatives, ce qui est contradictoire. Soit on diagnostique, et on n’en fait pas tout un plat ni un plan de communication, soit on évalue pour statuer sur un niveau à un moment donné en assumant le fait qu’il s’agisse d’évaluations sommatives, et dans ce cas on effectue l’évaluation en fin d’année. Cela serait plus profitable à tout point de vue, notamment en permettant aux enseignants de s’appuyer dessus pour renseigner les livrets en juin et prévoir les classes de l’année suivante (hétérogènes ou plus homogènes, mais en ayant une vision claire dans tous les cas).

Autre avantage, les évaluations seraient calées sur les attendus de fin d’année des programmes et ne seraient pas données après deux mois de vacances au cours desquels les élèves ne lisent pas, ne travaillent pas, bref sont en vacances ! Evaluer les élèves en septembre après deux mois d’absence de travail scolaire est tout simplement un non-sens pédagogique.

Repenser les exercices mal conçus et producteurs d’échec

Les exercices sont dans l’ensemble mal choisis, pour les plus déroutants (bande numérique et encadrement par exemple), et trop longs, pour les plus « sources d’erreurs ». Rappelons qu’il s’agit d’évaluer, non de sélectionner. L’intérêt d’une évaluation est la finesse du diagnostic porté sur les compétences acquises. Quand les consignes de correction sont telles qu’elles considèrent un élève comme fragile s’il a fait deux erreurs ou plus sur dix exercices par exemple, alors que tous les enseignants mettraient « bien » (voire très bien) à huit réussites, on crée l’échec artificiellement. Les élèves « à besoin » sont donc identifiés sur de mauvaises bases qu’il convient de réajuster.

Certaines compétences nécessitent la répétition pour être évaluées, d’autres pourraient tout à fait se mesurer avec deux ou trois exercices seulement. Il convient également de ne pas passer à côté de la compétence qu’on cherche à évaluer, comme lorsqu’un élève qui ne maîtrise pas les décimaux est empêché pour cette raison de réaliser correctement une opération alors que l’exercice est censé vérifier qu’il maitrise l’opération elle-même et non qu’il maîtrise les décimaux.

En conclusion, Action & Démocratie ne rejette pas les évaluations nationales mais propose de les améliorer quant à leur contenu, de les placer à un moment permettant de les rendre plus utiles et plus fiables, et demande que cette tâche soit normalement rémunérée.