Communiqué - 10 décembre 2023
Non, Monsieur le Président, les difficultés que connaît la voie professionnelle ne sont pas un échec collectif des lycées professionnels et encore moins celui des enseignants qui y exercent. Elles sont le résultat de politiques défaillantes menées par les ministères successifs qui n’écoutent pas la profession et qui sont coupables d’une méconnaissance de l’esprit même des acquisitions des savoirs associés aux savoirs- faire propres à la voie professionnelle, qui en font une formation d’exception.
Action & Démocratie, qui regroupe un très grand nombre de professeurs de lycées professionnels (PLP), considère les déclarations du Président de la République contre le lycée professionnel comme une offense à leurs compétences et une atteinte à l’honneur de leur profession. Alors que les PLP vivent le réel de leur métier au quotidien et sont les mieux placés pour faire un état des lieux de ce qui va et de ce qui ne va pas, le Président à la science infuse proclame, au nom d’un prétendu « échec collectif », un changement de nature de la voie professionnelle par une série de mesures, allant du Pacte au bureau des entreprises, qui échappent à tout débat parlementaire et dont la mise en œuvre est confiée à Madame Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle rattachée à la fois auprès du ministre du Travail et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, une double tutelle que nous déplorons parce qu’elle envoie le signal que l’enseignement professionnel public se retrouve de facto sur une ligne de crête entre le ministère du Travail et celui de l’Education nationale.
Le Président a certes exprimé son intérêt pour les lycées professionnels, mais il n’a émis que des poncifs qui résonnent en nous comme des lieux communs : « faire du lycée professionnel une filière d’excellence, combattre plus efficacement le décrochage scolaire et favoriser l’insertion professionnelle ainsi que la poursuite des études ». La belle affaire ! Cela fait plus de trente années que de tels propos sont repris en boucle et suivis des mêmes moyens inopérants imposés en dépit du bon sens.
Action & Démocratie ne peut cautionner les mesures annoncées.
- Nous refusons de la façon la plus énergique toute diminution des heures de cours, tant pour l’enseignement professionnel que pour l’enseignement général.
- Nous refusons également l’allongement des périodes de stages en entreprises qui sont autant de temps d’étude perdu, sauf à considérer que celles et ceux qui les y accueillent auraient un sens inné de l’enseignement.
- Nous sommes contre le chamboulement annoncé de l’année de terminale, qui va déstabiliser les services et desservir les élèves en retirant la visibilité et la stabilité dont ils ont tant besoin.
- Nous n’acceptons pas la perte de 204 heures sur l’ensemble du cursus, ce qui représente l’équivalent de sept semaines de scolarité ! Pourquoi le choc des savoirs porté par Gabriel Attal pour l’Éducation Nationale ne s’appliquerait-il pas aux lycées professionnels ?
A la place de cette réforme mal pensée, nous demandons la mise en œuvre de mesures pourtant simples à comprendre comme le rétablissement du BAC PRO en quatre ans et l’allongement à trois ans de la durée des études nécessaires pour l’obtention du CAP afin de rétablir les conditions d’une formation digne de ce nom qui ne sacrifie ni l’excellence professionnelle dont la société et les entreprises ont besoin, ni la formation générale que la République doit à tous ses citoyens.
Nous demandons également que soit rendue aux professeurs des lycées professionnels la main sur le recrutement, afin de ne pas réduire le lycée professionnel à une simple antichambre de Pôle Emploi. La motivation des candidats doit pouvoir être mesurée et les PLP sont les mieux à même pour le faire. Il est urgent de mettre fin aux non-dits et de ne plus accepter ceux qui ne manifestent aucune motivation pour une formation professionnelle tandis qu’il faut en réalité privilégier ceux qui ont clairement exprimé ce choix. Nos lycées professionnels ne doivent plus être transformés en garderie qui génère l’insécurité. Lorsque des professeurs vont travailler en craignant pour leur propre sécurité, on peut difficilement continuer à utiliser le mot « lycée » pour désigner leur lieu de travail et le mot « enseigner » pour décrire leur métier !
En cohérence avec les amendements que nous avons proposés au Conseil Supérieur de l’Education en 2018, nous tenons à faire savoir que nous approuvons, contrairement à d’autres syndicats, la disparition du fumeux « chef d’œuvre » ainsi que le renoncement à la « co-intervention » en classe de terminale.
Le 12 décembre, beaucoup de PLP, en répondant à un mot d’ordre la grève, vont surtout exprimer une colère que nous partageons pleinement. Ils savent que nous sommes à leurs côtés et nous regrettons que nos instances nationales n’aient pas été consultées par ceux qui ont suscité une telle action sans même en fixer les contours du lendemain.
Pour être défendue avec efficacité et détermination, la voie professionnelle mérite d’avantage qu’une journée de grève, elle doit pouvoir compter sur des syndicats qui agissent avec constance et efficacité. Action & Démocratie, qui a proposé au Conseil Supérieur de l’Education la suppression des fameuses heures de rien que sont le chef d’œuvre et la co-intervention, est ce syndicat. Notons que la ministre a d’ailleurs fini par faire siennes nos propositions qui n’avaient pas été retenues lors du vote au CSE.
PLP, donnons-nous les moyens d’agir vraiment et de réussir en nous regroupant dans un syndicat qui fait le pari de l’enseignement professionnel public !