Rentrée de l'école inclusive : le pire est-il devant nous ?

Noah, 8 ans est atteint de troubles autistiques. Sa famille a attendu en vain pendant quatre ans une place en classe ULIS, dispositif d’inclusion le mieux adapté à son profil. Finalement, la MDPH de son département l’oriente vers un Institut Médico-Educatif, dans lequel Noah… n’ira pas non plus, faute de place. Bref c’est dans une classe de CE1 en milieu ordinaire que Noah fera sa rentrée. « Nous sommes frustrés, parce qu’il est jeune et c’est à cet âge qu’il peut apprendre », déplore auprès de l’Agence France-Presse sa mère, Julie, 41 ans. « Nous avons fait plein de démarches, on nous fait attendre et à chaque fois c’est la déception. »

Des témoignages comme celui-ci, cité dans le journal Le Monde, l’UNAPEI  (Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés) en recueille des centaines chaque mois. Son président Luc Gateau, déplorait le 29 aout dernier dans un communiqué que « Malheureusement, trop d’enfants en situation de handicap seront encore privés de rentrée et leurs droits à l’éducation sont bafoués ». L’UNAPEI déplore en outre que les enfants handicapés scolarisés se retrouvent parfois dans une classe « non adaptée » à leurs besoins, autrement dit dans une classe « ordinaire » sans aménagement particulier.

Critiqué de toute part pour sa gestion de l’école inclusive (par ses promoteurs comme par ses détracteurs), le gouvernement dégaine généralement le même argument : l’augmentation continue du nombre de postes d’accompagnants AESH, leur effectif ayant en effet été multiplié par cinq en sept ans pour atteindre près de 124 000 personnes en 2022. Bel effort en apparence, qui masque pourtant le fait que, neuf ans après la création de ce métier, les AESH ne bénéficient toujours d’aucun statut de la fonction publique et demeurent des travailleurs précaires.

Mais au-delà du « nombre » mis en avant par le gouvernement, c’est la philosophie de l’école inclusive qui interroge tant il est difficile de savoir précisément où l’on va. La mise en place des PIAL ou la sous-dotation récurrente des ULIS, des SEGPA et des établissements médico-éducatifs interrogent : simples économies budgétaires ou refus de financer un fonctionnement voué à disparaître ?

Le dispositif ULIS est plébiscité par nombre de familles et d’enseignants, à raison : il est adapté à différents profils d’enfants en situation de handicap, son effectif de classe est limité à douze, il permet la continuité école-collège, il est également souple puisque permettant une inclusion partielle dans différentes classes. Pourtant les ULIS n’ont pas bonne presse, pas plus que les établissements médico-éducatifs (IME, ITEP etc.) attaqués par divers groupes de pression et associations qui ne jurent que par l’inclusion en milieu ordinaire de tous les enfants sans exception aucune, afin de lutter contre une prétendue « ségrégation ».

En novembre 2022, l’ex-ministre Pap Ndiaye avait suscité les foudres des plus extrémistes en affirmant que « l’école inclusive, c’est une démarche extrêmement positive dont nous devons être fiers (…) mais, dans le même temps, il faut aussi reconnaître que tous les enfants ne peuvent pas être en milieu ordinaire ».

Malgré ces quelques paroles de bon sens, la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue en avril dernier, a débouché sur un projet pilote de déploiement d’une centaine d’instituts médico-éducatifs au sein d’écoles. Traduisons : on teste le démantèlement des établissements médico-éducatifs et le « recyclage » de leur personnel (enseignants spécialisés et éducateurs) en petites équipes mobiles. Et les enfants jusqu’ici accueillis dans ces structures ? Que les profs de milieu ordinaire s’en débrouillent avec quelques conseils glanés par-ci par-là auprès des équipes spécialisées en sous-effectifs et donc débordées.

Si les enseignants dans leur majorité ont toujours été favorables à une inclusion raisonnée des élèves à besoins particuliers, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer les conséquences des choix idéologiques et comptables du gouvernement, en premier lieu la dégradation des conditions de travail et du climat scolaire.

« L’acte II » de l’école inclusive nous fait craindre le pire : une fuite en avant d’un système qui ne fonctionnait déjà pas, précipitant l’effondrement du système éducatif français, sous un tonnerre d’applaudissements de belles âmes et de comptables de Bercy. Les enfants – porteurs de handicap ou non –  et les personnels paieront un prix démesuré pour satisfaire la bonne conscience de quelques-uns et participer à leur insu à la réduction des coûts. A moins qu’enfin le monde enseignant et leurs représentants se fassent entendre pour stopper cette folie.

 

Action & Démocratie exige que les personnels de l’Education nationale soient entendus et écoutés. L’école inclusive ne doit plus être synonyme, dans les établissements, de souffrance et de maltraitance.

 

  • Maintien des établissements médico-sociaux avec augmentation de leurs moyens
  • Moyens en forte hausse pour les ULIS école et collège
  • Vrai statut et hausses de salaires pour les AESH. Suppression des PIAL.
  • Pas de fusion des AED avec les AESH
  • États généraux de l’école inclusive

 

Pour nos élèves, en particulier les plus fragiles,

pour nos conditions de travail,

faisons-nous entendre !