La carrière, voilà un sujet qui intéresse tout le monde. Dans la fonction publique, elle commence par un stage d’une durée bien plus longue que la période d’essai existant dans le secteur privé. Puis elle se déroule par un avancement d’échelons à un rythme prédéterminé et, éventuellement par changement de grade et par promotion interne.
Au sein de l’Education nationale, elle a longtemps été marquée par une particularité. L’existence, non pas d’un rythme d’avancement d’échelons, mais de trois rythmes : le grand choix, qui permettait à 20 % des agents d’atteindre l’échelon sommital de la classe normale en 20 ans ; le choix qui permettait à 5/7ème des agents restants d’atteindre cet échelon sommital en 25,5 ans ; et l’ancienneté qui permettait aux 20 % d’agents n’ayant bénéficié d’aucun des deux rythmes précédant d’atteindre ce même échelon sommital, le 11ème de la pyramide, en 30 ans.
Une carrière effectuée au grand choix était donc nettement plus avantageuse qu’une carrière ayant suivi l’un des autres rythmes d’avancement. En termes de rémunération bien sûr, puisque le passage plus rapide à l’échelon supérieur avait pour conséquence une augmentation plus rapide du traitement. Mais aussi en termes de perspective d’avancement puisque l’arrivée rapide à la fin de la classe normale laissait plus de possibilités d’accéder au grade supérieur, la Hors Classe.
Ce système propre à l’Education nationale était présenté comme ayant pour avantages de permettre une progression salariale pour tous les agents et une valorisation de l’investissement professionnel. On ne parlait pas alors encore de mérite.
Mais, dans la réalité, il n’était pas exempt d’inconvénients : pour bénéficier de l’avancement au grand choix, il fallait que la note pédagogique augmente rapidement, ce qui supposait des inspections fréquentes qui n’étaient possibles que pour les professeurs exerçant dans une zone géographique facile d’accès pour les inspecteurs ; un début de carrière au grand choix n’était que rarement synonyme d’un déroulement de toute la carrière à ce rythme ; l’accès à la Hors Classe n’était garanti pour personne.
Les inconvénients l’emportant sur les avantages, ce déroulement de la carrière a été revu en profondeur en 2017 avec l’entrée en vigueur du PPCR, la 3ème initiale de cet acronyme signifiant « carrière ». Désormais celle-ci se déroulait avec un cadencement unique : fini donc le grand choix, le choix et l’ancienneté qui étaient remplacés par un rythme identique pour tous permettant d’atteindre l’échelon sommital de la classe normale en 26 ans. Un progrès pour les 20 % avançant jusqu’alors à l’ancienneté, mais un recul sensible pour les 30 % qui progressaient au grand choix.
Comme toutes les règles, cette nouvelle règle connaissait des exceptions : la durée du passage au 6ème échelon pouvait être réduite d’une année pour 30 % des professeurs, tout comme celle du passage au 8ème échelon, ce qui permettait aux bénéficiaires de ce rythme accéléré d’échelon d’atteindre le 11ème échelon en 24 ou en 25 ans selon qu’ils avaient bénéficié d’un avancement accéléré ou de deux. L’accès à la Hors Classe, devenu un droit pour tous ceux ayant déroulé une carrière complète au sein de l’Education nationale, se faisait entre la 2ème année du 9ème échelon et la 3ème année du 11ème échelon.
Il fallait donc sélectionner ceux qui avanceraient plus vite au sein de la classe normale et ceux qui accèderaient plus tôt à la Hors Classe. C’était l’objectif des trois rendez-vous de carrière, positionnés à des moments communs pour tous, qui se substituaient aux inspections dont la fréquence était jusqu’alors très variable.
Ce nouveau déroulement de la carrière, qui mettait fin aux « inspections surprise » et qui gommait les inégalités territoriales, était globalement une amélioration par rapport à l’existant. Mais là encore, il n’était pas sans inconvénient, le principal étant la faiblesse de la rémunération pour les entrants dans le métier.
Pour y remédier, une prime d’attractivité – dite prime Grenelle – a été créée en 2021 pour les échelons 2 à 7. Elle a ensuite été renforcée en 2023 et étendue à l’ensemble des échelons 1 à 9. De quoi permettre une revalorisation salariale sensible pour les « débuts de carrière » dont les traitements se sont alors rapprochés de ceux des « milieux de carrière ».
Une situation guère tenable qui a conduit au mois d’avril à la tenue de deux groupes de travail sur « l’amélioration du déroulement de la carrière des enseignants ». Avec à leur issue un projet de décret dont l’adoption ne fait aucun doute…
Ce projet contient essentiellement quatre mesures :
- la réduction de 6 mois de la durée pour les échelons 5, 6, 7 et d’un an pour l’échelon 8.
- la fin des deux avancements accélérés d’échelon dont bénéficiaient 30 % des professeurs.
- un passage progressif du taux de promotion à la hors classe de 23 % à 29 %
- un nouveau positionnement des trois rendez-vous de carrière.
La durée de la classe normale sera donc à compter du 1er septembre 2025 de 23,5 ans. Elle sera ainsi inférieure à la durée de l’ancien avancement au choix et elle ne lèsera personne puisqu’elle profitera aussi à ceux qui bénéficiaient du double avancement accéléré d’échelon. Ce déroulement plus rapide de la classe normale permettra d’arriver plus vite dans la plage d’appel pour la Hors Classe, qui sera plus facile d’accès avec la hausse à venir des taux de promotion.
Les rendez-vous de carrière auront désormais lieu après 4 ans d’exercice du métier, dans la 1ère année du 9ème échelon de la classe normale et pendant la dernière année du 4ème échelon de la Hors Classe. Le premier rendez vous de carrière sera sans effet sur l’avancement, contrairement aux deux autres qui permettront une promotion plus rapide à la Hors Classe et à la Classe Exceptionnelle.
Ces modifications à venir de la carrière sont donc plutôt bienvenues.
Mais, elles posent aussi des problèmes : le reclassement au 1er septembre 2025 pour ceux qui bénéficieront de la réduction de la durée des échelons 5 à 8 se fera sans report d’ancienneté, ce qui lèsera ceux qui étaient dans les derniers mois de ces échelons ; l’avis formulé à l’issue du 2ème et du 3ème rendez-vous de carrière sera pérenne, ce qui ne permettra pas de prendre en compte les efforts fournis postérieurement ; le dernier rendez-vous de carrière concernera des professeurs chevronnés ayant au bas mot 30 ans d’exercice d’un métier dont la maîtrise ne fait assurément aucun doute.
Action & Démocratie demande donc la suppression de ce dernier rendez-vous de carrière, qui ne sera qu’une farce tant que l’accès à la Classe Exceptionnelle se fera sans barème et restera ainsi le fait du Prince. Nous demandons aussi la création d’un nouvel échelon sommital pour la Hors Classe, afin de tenir compte de l’allongement de la carrière entraîné par la réforme des retraites. Nous demandons enfin que des moyens financiers conséquents soient affectés à la revalorisation des « fins de carrière » qui ne doivent pas rester les éternels oubliés.