Action & Démocratie dans les médias

Interview de René Chiche, vice-président d’Action & Démocratie, à propos de la rentrée avec une ministre démissionnaire depuis deux mois (Cnews, 8 septembre 2024)

Compte tenu du fait que les ministres qui se sont succédés à l’éducation nationale ont jusqu’à présent rivalisé d’efforts et de réformes pour défigurer l’institution et rendre nos conditions de travail de plus en plus pénibles, l’absence de ministre ou, ce qui revient presqu’au même, le maintien d’un ministre démissionnaire présente plus d’avantages que d’inconvénients. Ce n’est en tout cas un sujet de préoccupation que pour les journalistes et chroniqueurs des chaines de bavardage en continu, non pour nous qui sommes sur le terrain. De fait, ce ne sont ni le ministre, ni les recteurs et directeurs des services académiques de l’éducation qui assurent effectivement la rentrée, mais bien les personnels et eux seuls, des personnels administratifs et de direction qui sont sur le pont avant les autres depuis longtemps jusqu’aux professeurs qui ont encore le feu sacré, chose qu’ils retrouvent naturellement dès qu’ils sont en présence de leurs élèves. Tel est en substance le message qu’a fait passer René Chiche au nom d’Action & Démocratie sur ce plateau.

Interrogé sur le fait de savoir si l’absence de ministre était préjudiciable à la mise en œuvre des groupes de niveau au collège, René Chiche a souligné que la gabegie occasionnée par cette réforme n’était pas due à l’absence d’un ministre de plein exercice mais était plutôt intrinsèquement liée à cette réforme elle-même, aussi mal conçue que les précédentes, à l’instar de celle du baccalauréat général qu’il aura fallu plusieurs fois modifier depuis son entrée en vigueur tant elle avait été mal pensée elle aussi et cependant appliquée aux forceps par la volonté d’un ministre sourd à toute critique.

S’agissant des groupes de niveau, devant le tollé provoqué par cette nouvelle usine à gaz inspirée au ministère par la très mauvaise idée d’un autre syndicat, Nicole Belloubet a fini par se défausser sur les établissements en laissant finalement chacun faire ce qu’il veut ou ce qu’il peut sous une même appellation désormais trompeuse, celle de groupes qui, même en les qualifiant de « besoins » à la place de « niveau », n’engendrent que des complications sans fin et une détérioration des services ainsi que des emplois du temps, et tout ça pour un résultat que nous savons déjà être nul. Une autre voie était possible, comme nous l’avons montré dans nos propositions pour un vrai « choc des savoirs ».

Au fond, si nous ne sommes pas aussi inquiets que les journalistes par le fait de ne pas avoir de ministre depuis plus de deux mois, c’est surtout parce que nous sommes échaudés et nous nous méfions de ces gens qui veulent à tout prix marquer leur passage éphémère à l’éducation nationale avec leurs réformes – réformes dont ils ne rendent d’ailleurs jamais compte une fois qu’ils ont quitté leurs fonctions. Là encore, ce sont les personnels qui en payent le prix, pour ne rien dire des élèves eux aussi. Nous ne sommes pas pressés d’avoir un ministre de ce genre à nouveau, en effet.

Ce que nous voulons, c’est comme le dit ici René Chiche un vrai ministre, quelqu’un qui prendra le temps de comprendre nos difficultés en allant sur le terrain non pour parader et se faire prendre en photo en dérangeant la classe, mais pour apprendre, observer, écouter. Un ministre qui fera face enfin, aussi modestement que courageusement, à l’état réel de l’école, dont la difficulté à recruter des enseignants est devenue un douloureux indicateur, sans parler du nombre de démissions (une toute les quatre heures !) ou bien du niveau des élèves dont personne n’ose plus prétendre qu’il monte.

A force d’avoir laissé la situation se dégrader faute d’avoir pris les bonnes mesures pour enrayer la crise du recrutement, l’administration se voit désormais contrainte de gérer la pénurie en procédant à des recrutements de dernière minute pour qu’il y ait « un enseignant » dans chaque classe tout en déplorant hypocritement le manque d’attractivité du métier, auquel elle pense remédier non par une vraie revalorisation mais par des campagnes publicitaires de mauvais goût. Suivant comme toujours les conseils les moins avisés, elle ira même jusqu’à baisser le niveau des qualifications requises pour être professeur afin de pouvoir recruter plus d’enseignants, plus rapidement et plus facilement. La dissolution de l’Assemblée nationale a suspendu une réforme du recrutement et de la formation initiale qui serait catastrophique si elle était toujours mise en œuvre sans être profondément amendée, car il n’y a rien de plus insensé que de confier la transmission du savoir à ceux qui ne le maîtrisent pas assez plutôt qu’à ceux qui le maîtrisent parfaitement, même si les gestionnaires essaieront là encore de nous faire croire qu’il n’est pas nécessaire de savoir beaucoup plus que ce que l’on enseigne pour le transmettre à des élèves. A ce régime, on finira par ne plus avoir de professeurs, ou par les transformer en simples assistants de l’intelligence artificielle, et c’est peut-être hélas ce qui est recherché…