Une atteinte manifeste au principe d’égalité
Les décrets du 27 février 2025 appliquent à l’ensemble de la fonction publique la réduction de 10 % du traitement versé aux agents en congé de maladie ordinaire. Or, du strict point de vue de l’indemnisation des arrêts maladie, rien ne distingue objectivement un fonctionnaire d’un salarié du privé : tous deux sont confrontés à une incapacité physique ou psychique les empêchant de travailler.
En prétendant que les agents publics relèvent de « règles sociales distinctes », le Conseil d’État a occulté une évidence : dans les deux cas, c’est bien l’État qui finance, directement ou indirectement, les indemnités.
Faire peser la baisse de dépenses uniquement sur les fonctionnaires est donc une rupture d’égalité injustifiée et contraire à l’esprit de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les personnels de l’éducation nationale : plus exposés, mais moins absents
La réforme est d’autant plus inéquitable qu’elle frappe de plein fouet les personnels de l’Éducation nationale. Chaque jour, enseignants, personnels administratifs, de vie scolaire et d’accompagnement sont au contact de dizaines, parfois de centaines d’élèves et de collègues. Cette densité d’interactions les expose davantage que d’autres agents publics aux maladies infectieuses (virus saisonniers, grippe, épidémies scolaires, etc.).
Et pourtant, les chiffres officiels le confirment : les personnels de l’Éducation nationale figurent parmi les agents publics les moins absents. Leurs arrêts sont non seulement moins fréquents que dans d’autres fonctions publiques (hospitalière ou territoriale), mais aussi plus courts en moyenne. Par sens du service public, par difficulté à se faire remplacer et parfois par pression implicite, les enseignants en particulier se contraignent souvent à travailler malgré la maladie.
Cette réalité rend la mesure encore plus injuste : une profession qui ne recourt pas abusivement aux arrêts maladie, mais qui est particulièrement exposée aux risques sanitaires, se trouve paradoxalement la plus pénalisée par la baisse de rémunération.
Un cas emblématique : les femmes enceintes
La disposition contestée frappe également les fonctionnaires en arrêt maladie pendant la grossesse, pour des raisons médicales souvent impérieuses (fatigue, complications, prévention des risques). En réduisant leur indemnisation de 10 %, l’État pénalise directement des femmes en situation de vulnérabilité, alors même que leur protection devrait constituer une priorité sociale et sanitaire.
Le gouvernement a d’ailleurs dû reconnaître l’embarras de cette situation et a annoncé vouloir « revoir » ce point. Mais en attendant, les femmes enceintes, notamment dans l’Éducation nationale où elles représentent une part importante des effectifs, continuent de subir une double peine, médicale et financière.
Action & Démocratie poursuit donc son recours au fond devant le Conseil d’État. Nous demandons l’annulation pure et simple des décrets du 27 février 2025, qui instaurent une inégalité criante, aggravent les conditions de santé des agents publics et pénalisent particulièrement les personnels de l’Éducation nationale — parmi les moins absents de toute la fonction publique — ainsi que les femmes enceintes.