AD Premier degré, pour reconstruire l'école et défendre ceux qui la font vivre
Éducation à la sexualité : ce qu'AD réclame pour les PE
Newsletter AD Premier degré / n°6 - février 2025

Le programme d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (EVARS) sera prochainement publié dans sa version définitive en même temps qu’une circulaire relative à son application. Il entrera en vigueur dès septembre 2025. Au conseil supérieur de l’éducation, AD a présenté plusieurs amendements afin de l’améliorer avec une seule préoccupation : celle de protéger les collègues et de défendre leurs intérêts, car c’est ce qu’on attend d’un syndicat plutôt que des postures idéologiques sur un tel sujet. Pour les professeurs des écoles qui, contrairement aux enseignants du second degré, n’auront pas le choix, AD réclame que la coanimation des séances soit privilégiée afin de ne pas laisser chaque enseignant être exposé à d’éventuelles contestations ou mises en cause. AD exige également que les directeurs d’école ne soient pas désignés comme les seuls « garants » de la mise en œuvre de ces séances, toute la chaîne hiérarchique devant partager avec eux cette responsabilité. Nous insistons enfin sur le fait que les professeurs des écoles ne sont pas des bonnes à tout faire dont on pourrait se permettre d’alourdir sans cesse les missions, et qu’un personnel spécifiquement formé est indispensable, notamment s’il s’agit de repérer les enfants victimes d’agressions sexuelles, car ce n’est pas la vocation première des enseignants même s’ils peuvent et doivent y prendre part.
Un programme qui ne dispense pas de prendre d’autres mesures urgentes
L’éducation à la sexualité est un sujet qui a fait et fera sans doute encore couler beaucoup d’encre. Il divise la société aussi bien que la classe politique. Il divise également les syndicats, y compris en interne. Proposer par le conseil supérieur des programmes dans une version globalement bien accueillie au printemps 2024, le texte a été par la suite remanié pour faire une large place à ce qu’on appelle « la théorie du genre », provoquant une polémique supplémentaire et l’intervention de plusieurs parlementaires réclamant une nouvelle réécriture pour éviter qu’une approche idéologique prenne le pas sur une éducation fondée sur des bases scientifiques et psychologiques solides. C’est cette dernière version qui, avant d’être publiée, a été présentée au conseil supérieur de l’éducation afin d’en recueillir l’avis les 29 et 30 janvier derniers.
Si plusieurs syndicats ont prétendu que cette nouvelle version était en « recul » ou faisait des concessions aux « réactionnaires », n’hésitant pas à agiter jusqu’à la dernière minute la menace de voter contre ce texte pour obtenir l’introduction ou la réintroduction de tel et tel mot, d’autres, dont AD fait partie, ont trouvé au contraire cette version plus rigoureuse et consensuelle. AD défend d’abord l’idée selon laquelle, par ses objectifs autant que son contenu, un programme doit être à l’abri des critiques et contestations d’où qu’elles viennent, tant dans l’intérêt des élèves que dans celui des personnels, qui ne doivent en aucun cas être mis en situation de subir quelque préjudice que ce soit du fait de son application.
Voilà dans quel état d’esprit AD a pris part aux débats sur le programme de l’EVARS au CSE, où le texte a fait l’objet de 143 amendements déposés par l’ensemble des organisations qui en sont membres, AD en ayant déposé pour sa part 23, dont quelques-uns ont été retenus par l’administration. Si nous sommes globalement satisfaits par la version finale du texte, nous avons encore des réserves et des objections sur plusieurs points exposés dans nos déclarations préalables et des amendements qui n’ont pas été retenus. Pour le premier degré notamment, les objectifs d’apprentissage doivent être plus explicites et plus précis, et nous attendons qu’une circulaire dise clairement ce qu’il faut attendre de sa mise en œuvre et ce qu’il ne faut pas en attendre. Car n’oublions qu’il s’agit bien d’un programme scolaire, et qu’on ne saurait lui conférer une autre finalité que celle qu’on peut légitimement attendre d’un programme scolaire quel qu’il soit. Nous croyons devoir rappeler à cet égard que l’éducation à la vie affective et relationnelle, même si elle le complète, ne saurait se substituer au rôle fondamental des familles dans l’apprentissage des relations humaines, et que les personnels enseignants ne sont ni des psychologues ni des travailleurs sociaux. Ils n’ont pas non plus vocation à assurer des missions qui sont du ressort et de la compétence de professionnels spécialisés, que ce soit en matière de repérage d’agressions sexuelles ou d’incestes sur des enfants, ou bien qu’il s’agisse de recueillir convenablement leur parole. C’est pourquoi AD, dans sa déclaration en présence de la ministre en ouverture de séance, a rappelé à cette dernière que le rapport de la CIVISEE de 2023 contenait 82 préconisations, la mise en œuvre d’une éducation à la sexualité et la vie affective n’étant que l’une d’elles. Nous attendons encore la mise en œuvre des 81 autres, dont certaines sont très urgentes, telle que l’instauration d’un entretien individuel annuel d’évaluation du bien-être de l’enfant et de dépistage des violences. Si des syndicats majoritaires estiment que se battre pour que le mot « sexualité » soit réintroduit dans le programme du primaire est une priorité, AD préfère se préoccuper en priorité des collègues et de leur intérêt. Et les professeurs des écoles ne sont pas des couteaux suisses auxquels on peut tout demander ! Cette remarque vaut d’ailleurs pour l’EVARS comme pour les autres « éducation à… » dont la prolifération est inquiétante.
S’agissant de l’EVARS précisément, il ne faudrait pas que cet enseignement serve de prétexte pour charger les personnels d’une mission pour laquelle ils n’ont été ni recrutés ni formés, et il ne faudrait pas non plus que leur responsabilité puisse être pénalement recherchée à cette occasion. On se souvient de collègues qui ont fait l’objet de plaintes au pénal parce qu’on a estimé qu’ils auraient dû repérer des maltraitances ou qu’ils n’avaient pas agi dans les délais convenables. Bien entendu, chacun a une responsabilité en la matière ainsi qu’un devoir de vigilance, et les personnels de l’éducation plus que tous les autres sans doute. Mais il ne faudrait pas que, sous couvert d’apprendre certaines notions et certains comportements aux enfants dès la maternelle, on transforme la mission éducative en mission de prévention ou de remédiation. S’agissant de la prévention ou de la détection des violences sexuelles dont sont victimes les enfants, il ne faut pas attendre grand-chose d’un programme scolaire en réalité, ni se reposer sur les personnels de l’éducation nationale pour se dispenser de recruter et de former les professionnels capables de mener correctement cet indispensable entretien individuel annuel d’évaluation du bien-être de l’enfant et de dépistage des violences que ni les personnels enseignants, ni ceux de santé (en nombre notoirement insuffisant dans le premier degré) n’ont les moyens de pratiquer.
Protéger les collègues : une nécessité
L’autre point de vigilance d’AD concerne les contestations, voire les attaques auxquelles les personnels pourraient être exposés du fait de cet enseignement de la part de certains parents, que ces derniers agissent individuellement ou au sein d’organisations. Nous prenons cela très au sérieux et avons plusieurs revendications à ce sujet.
D’abord, on l’a déjà dit, il faut que le contenu du programme lui-même soit mis à l’abri de toute contestation, ce qui n’est hélas pas entièrement le cas comme nous l’avons expliqué en séance à propos de la notion de « genre » notamment, notion dont la présence n’est pas du tout indispensable pour enseigner le respect de l’autre : il suffit en effet de parler de représentations stéréotypées et de discriminations fondées sur l’identité et l’orientation sexuelles pour englober tous les préjugés contre lesquels on veut agir. C’est clair, net, précis et ne suscite pas des débats infinis sur le sexe des anges ! AD n’a pas eu satisfaction sur ce point et le regrette vivement car tous les collègues vont maintenant devoir enseigner quelque chose qui n’est pas incontestable mais fait débat, y compris au sein de la communauté scientifique, et avec quoi ils ne sont peut-être eux-mêmes pas en accord. Mais surtout, la présence de cette « pomme de discorde » au sein du programme est propre à susciter les polémiques, les inquiétudes et parfois les fantasmes des uns et des autres à propos de ce qui est enseigné à l’école, ce qui est évidemment contraire à l’exigence de sérénité qui doit s’y appliquer. Pour le dire autrement, si l’école doit être l’asile inviolable où les querelles des hommes ne doivent pas pénétrer, il n’est pas certain que le programme de l’EVARS y contribue autant qu’il aurait pu et dû le faire.
AD considère également que la coanimation doit être le mode privilégié d’animation des séances, qu’il s’agisse d’une coanimation entre personnels enseignants et personnels de santé ou bien, à défaut, entre personnels enseignants. C’est là une préoccupation qui nous a été remontée du terrain, et que nous avons portée à travers plusieurs amendements pour rendre cette modalité plus explicite dans le programme. L’un de nos amendements (de repli) a tout de même été retenu par l’administration (amendement 11 b ci-dessous). Dont acte. AD a été pratiquement le seul syndicat à s’exprimer sur ce point et à exiger que la coanimation entre PE soit possible faute d’avoir les personnels de santé en nombre suffisant. Nous continuerons à l’exiger et à y être attentif lors du déploiement de l’EVARS et, parce que nous avons l’habitude d’annoncer au CSE les difficultés réelles avec un temps d’avance sur l’administration, nous ne doutons pas que le sujet reviendra sur le tapis très vite…
Quant à la responsabilité de ces trois séances annuelles, de leur mise en œuvre et de leur contenu, AD insiste pour qu’elle soit partagée et ne repose pas exclusivement sur les personnels ni sur les équipes. AD a déposé un amendement pour qu’il ne soit pas écrit dans le programme que les directeurs d’école et autres chefs d’établissement étaient les seuls « garants » de la mise en œuvre de ces séances tant il nous paraît évident que toute la chaîne hiérarchique l’est aussi ! Cet amendement n’a pas été retenu. On ne peut que le déplorer.
AD s’est enfin inquiété de la formation des personnels, en insistant sur le fait qu’un webinaire ou la diffusion d’un Powerpoint à consulter en dehors des heures de service ne sauraient tenir lieu de formation digne de ce nom. La DGESCO nous a assuré que des formations en présentiel étaient prévues, d’abord pour l’encadrement dès le début du mois de mars, puis sous la forme de séances de deux jours pour les personnels concernés par l’entrée en vigueur du programme dès la prochaine rentrée.
A l’inverse des personnels enseignants du second degré, dont la plupart ne prendront en charge ces séances que sur la base du volontariat, les professeurs des écoles n’auront pas le choix : dès septembre 2025, l’éducation à la sexualité (en réalité à la vie relationnelle et affective puisque la sexualité n’est abordée que dans le second degré) fera partie de leurs missions. AD restera très attentif aux conditions de sa mise en œuvre et aux difficultés rencontrées par les collègues sur le terrain : n’hésitez pas à nous écrire et à nous en faire part, et soyez certains que nous serons comme toujours à vos côtés et de votre côté.